Définir le champ d’étude
L’auteur se consacre tout d’abord à définir son champ d’étude. En effet, on n’imagine pas de navigation sans chant. L’auteur s’est livré à un impressionnant travail de collecte, tout en sachant bien qu’il est impossible d’être exhaustif sur un tel sujet. Autre difficulté, il est parfois difficile de définir précisément la provenance de tel ou tel chant. C’est un domaine où les acculturations sont constantes. Ces précautions méthodologiques posées, l’auteur relève d’abord quelques raisons et occasions de chanter liées à la mer, puis il précise également qu’à chaque type de bateaux correspondent des musiques et des pratiques particulières.
Une part belle à l’image et aux témoignages
L’ouvrage est très illustré et s’avère très agréable à parcourir. Il offre un nombre considérable de photographies et de dessins, avec certaines très étonnantes comme celle de la page 40 où l’on voit des marins danser ensemble sur le pont. On découvre aussi des portraits « paradoxaux des équipages » avec deux corpulences assez tranchées entre le matelot et le mousse. Relevons encore « la famille d’un prédicateur posant en terrasse sur sa péniche à la fois domicile et salle de conférence vers 1900 ». Le livre offre également des extraits de témoignages et des textes de chansons. Chacun y puisera selon ses goûts et fredonnera peut-être « Adieu Bordeaux », « La pêche à la morue » ou encore « Les périls de la mer ».
Des instruments globe-trotters
Claude Ribouillault n’oublie pas de rappeler qu’il n’y a pas que les bateaux qui voyagent. Il retrace la circulation des instruments de musique car ils sont finalement un bon exemple de mondialisation ou d’interconnexion. Parmi les instruments aisés à transporter, le violon et la harpe qui « traversèrent les mers depuis le Renaissance sur les bateaux portugais et espagnols ». Les « zones de circulation maritime » comme l’Europe ont servi pour la diffusion d’instruments comme la guimbarde. Les mélodéons, eux, ont été parmi les premiers à se répandre à travers les mers. Pourtant, l’Europe a été aussi un lieu de réception comme avec les orgues à bouche venus d’Extrême Orient. L’auteur souligne le rôle social de la musique sur un bateau, car elle peut aussi servir à gérer le fonctionnement d’un groupe et les éventuelles tensions que pourraient générer une longue cohabitation forcée.
La mer inspire
Ensuite, Claude Riboullault dresse un panorama des thèmes, des lieux communs et des allégories maritimes. Défile alors toute une galerie de portraits avec la figure du mousse, du brave marin entre autres. Cette partie offre de nombreux extraits en longueur avec aussi des grands moments incontournables, comme le départ du marin soldat : « Adieu Marie je quitte le rivage, je vais partir peut-être pour toujours. Le beau navire ses voiles et ses cordages dans un instant vont partir cher amant ». Le courage des marins fait aussi l’objet de chants : « Le canot d’sauv’tage est à l’eau, c’est Joseph Métier et son bon équipage qui ont pu sauver les hommes du naufrage ».
Une mer surprenante et variée
On découvre parfois des aspects plus précis, mais tout aussi intéressants, comme le baptême des bateaux ou ce qui se passait en cas de mort d’un marin sur un bateau. Il y a aussi des chants de travail comme ceux chantés pour hisser des marchandises. Claude Ribouillault évoque aussi ce qu’il nomme « Vivants rivages : départs, retours et divers savoir-faire ». Il n’oublie pas de parler des marins d’eau douce, du monde des éclusiers et de l’importance du halage. « La tradition fut très active par exemple dans le Morvan pour descendre troncs et même bûches pour les poêles parisiens ».
Chante-t-on dans nos programmes ?
Le chapitre 9 s’intitule « Espoirs nomades ou voyages forcés : tentations et déportations ». Il parle du voyage vers l’Amérique et l’on pourra s’en servir dans le cadre du chapitre introductif de seconde. C’est le thème du départ avec beaucoup de chansons « équivalentes » comme dit l’auteur. A la page 167, l’auteur évoque les trafics et les traites.
L’ouvrage de Claude Ribouillault aborde donc une thématique originale et offre des angles très originaux. Même si l’on n’est pas passionné par la mer, on se laisse porter par ces pages et ses découvertes.
(C) Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.