Christelle Balouzat-Loubet nous présente ici une biographie du roi Philippe VI (1328-1350), le premier des Valois. Cette universitaire, maîtresse de conférences en histoire médiévale à l’université de Lorraine à Nancy, a déjà publié des ouvrages sur cette période historique avec la biographie de Mahaut d’Artois, une femme de pouvoir,  en 2015 et, plus récemment, sur les Louis X, Philippe V, Charles IV, les derniers Capétiens en 2019.

Pourquoi un tel livre ? Longtemps, la figure de Philippe VI est resté terne montrant un roi sans légitimité, sans courage, un « Roi trouvé », « choisi » par une assemblée des grands du royaume suite à la mort du dernier roi capétien direct sans héritiers, Charles IV, son cousin. Son règne semble une longue accumulation de défaites, de catastrophes au tout début de la Guerre de Cent Ans. Ici, Christelle Balouzat-Loubet, grâce à son travail minutieux, à travers des sources variées, montre que, malgré un règne difficile, Philippe VI permet, non seulement, la naissance et l’émergence d’une nouvelle dynastie, héritière de la précédente; mais aussi, la continuité dans la construction d’une monarchie servie par des institutions efficaces et des hommes proches du roi.

Cet ouvrage est composé de cinq chapitres suivant les grandes périodes de la vie de Philippe VI.

Dans le premier chapitre, l’autrice détaille l’enfance du prince capétien, son entrée dans la vie adulte, son mariage avec Jeanne de Bourgogne, les relations avec son père, Charles de Valois, frère de Philippe IV le Bel. Philippe de Valois, après avoir exercé son autorité sur les terres laissées par son père, s’est rapproché et a servi loyalement la dynastie au pouvoir, sous les règnes de Louis X et, plus particulièrement, de Charles IV. Après la mort de Charles de Valois, son père, Philippe peut pleinement se dévouer au service de son cousin, Charles IV, ce qui lui vaut une reconnaissance et des récompenses.

En 1328, Charles IV meurt sans héritiers mâles et en moins de quinze ans, le royaume est confronté, de nouveau, à une crise de succession. En 1316, La question de légitimité avait déjà conduit les Capétiens à privilégier une succession en lignée masculine uniquement. Philippe devient donc le premier candidat à la succession de son cousin. Il se heurte rapidement aux revendications du neveu de Charles IV, le roi d’Angleterre Edouard II, petit-fils de Philippe IV le Bel. De plus, la veuve de Charles IV attend un enfant : si c’est une fille, Philippe de Valois devenait roi ; si c’est un garçon, Philippe de Valois exercerait le gouvernement jusqu’à la majorité. Le 1er avril 1328, une fille nait. Philippe est proclamé roi deux mois plus tard.

Dans un second chapitre, Christelle Balouzat-Loubet montre que Philippe VI cherche à faire figure de bon roi, essaie d’incarner l’autorité royale en s’appuyant sur un entourage choisi. Son sacre étant le 29 mai 1328, Philippe VI a le temps de produire un nouveau sceau sur lequel figurent les principaux attributs de la royauté. Celui-ci est utilisé dès le lendemain. Sa femme, Jeanne de Bourgogne, devient son premier appui. Son époux lui délègue certaines responsabilités, lui donnant même les pleins pouvoirs lors de ses absences. La présence forte de son épouse est souvent décriée par les contemporains. Il peut aussi compter sur des princes proches tels que son beau-frère Robert d’Artois, sur des officiers fidèles.

Philippe VI doit faire face à des dossiers épineux qui ont entravé la monarchie depuis quelques décennies tels que les conflits avec la Flandre et l’appétit croissant de Robert d’Artois, qui espérait remporter le « duel judiciaire contre sa tante Mahaut ». La victoire de Cassel, en 1328, exerce une influence positive sur la question des relations avec l’Angleterre : Edouard III prête hommage à Amiens à Philippe VI. Il n’empêche que Robert d’Artois devient un sérieux ennemi puisqu’il se réfugie en Angleterre pour se venger de Philippe VI. Sa légitimité n’était pas complète et son autorité était encore contestée par certains.

Dans un quatrième chapitre, Christelle Balouzat-Loubet montre la volonté de Philippe VI de s’imposer en faisant une réforme de la monnaie, en convoquant une grande assemblée à Vincennes et en adoubant son fils, Jean, pour légitimer la nouvelle dynastie et permettre sa continuité. Le roi se montre aussi pendant un voyage entre septembre 1335 et mai 1336 faisant le tour du royaume de France. Il essaie de raffermir une monarchie fragilisée par une crise de succession. Jusqu’au bout, Philippe VI a essayé de garantir l’état de paix avec l’Angleterre afin de poursuivre son projet vers l’Orient.

Dans un dernier chapitre, Philippe VI doit faire face au roi d’Angleterre, qui se revendique roi de France et qui rompt son hommage pour la Guyenne et le Ponthieu. Philippe VI perd à Crécy en 1346, et à Calais. Les défaites françaises se poursuivent et s’expliquent par l’inadaptation de l’armée française aux nouvelles formes de combat, à la manière de payer les combattants, et à la façon dont Philippe VI a sous-estimée Edouard III militairement. Les temps de guerres ont favorisé la permanence de la fiscalité et son essor. En 1347, Philippe VI préfère s’effacer au profit de son fils, moyen d’assurer la succession dynastique. Philippe VI meurt le 22 août 1350. Son règne se place dans la continuité de la dynastie capétienne. Il a aussi réformé le royaume dans un contexte de guerre.

Cet ouvrage, facile à lire, fournit les éléments nécessaires à la meilleure compréhension du règne d’un souverain oublié, qui ne fait pas partie de la liste des souverains bien connus de notre histoire. Philippe VI, en proie à un contexte difficile, a permis au royaume de France de poursuivre les transformations qui lui étaient indispensables.