Deux photographes dans le tourmente du XXe siècle.
Hans Namuth est né en 1915 à Essen. En juillet 1933, il est arrêté en Allemagne pour distribution de tracts antinazis. Il doit sa libération à son père, membre du NSDAP depuis 1931. Hans Namuth quitte l’Allemagne pour Paris, lieu où il rencontre Georg Reisner. Ce dernier est polonais, juif et militant socialiste. En 1933, il fait le choix de quitter son pays pour la France. Les deux hommes se lient d’amitié et Reisner initie Namuth à la photographie. Ils vont réaliser des reportages en tant que photographes de presse, notamment pour le magazine Vu.
A l’été 1935, les deux hommes ouvrent un studio photo à Port Pollença, au nord de l’île de Majorque. Ils y gagnent leur vie en réalisant des portraits de riches touristes anglo-saxons. En Juillet 1936, ils couvrent, pour le magazine Vu, les « Olimpiada Popular », des jeux antifascistes, populaires et prolétaires, organisés à Barcelone en réaction aux jeux olympiques de Berlin.
C’est à Barcelone qu’ils apprennent le soulèvement des factieux contre la République. Le 19 juillet, ils prennent des clichés des combats qui ont lieu dans la capitale catalane avec la tentative avortée de putsch militaire du général Goded. La prise de Majorque par les fascistes et leurs convictions politiques (ils sont sympathisants du POUM) les amènent à rester en Espagne. Ils demandent à Lucien Vogel, patron de Vu, de pouvoir couvrir le conflit pour son magasine. Ce dernier accepte et le binôme de photographe est désigné « envoyé spécial », au même titre de Gerda Taro et Robert Capa.
Lucien Vogel a en effet pour objectif de dénoncer la menace fasciste qui s’étend sur l’Europe. Escorté d’un chauffeur, Namuth et Reisner vont arpenter la ligne de front, bientôt accompagné d’un nouveau compagnon, le sociologue autrichien Frank Borkenau. Durant sept mois, les deux hommes vont couvrir la guerre civile espagnole en en montrant toutes les facettes.
Hans Namuth parviendra à poursuivre une carrière en s’exilant aux États-Unis. Il deviendra portraitiste et cinéaste et photographiera plus de quatre cents artistes dont son ami Jackson Pollock.
Georg Resiner ne survivra malheureusement pas à la montée des fascismes en Europe.
Photographes de guerre est un superbe roman graphique, alliant à des textes ciselés, basés sur une documentation historique, des dessins de très grande qualité. En exhumant des « oubliettes » de l’histoire deux grands photographes ayant couvert la guerre d’Espagne, Raynal Pellicer et Titwane, réalisent une œuvre dense qui, à titre personnel, a soulevé chez moi le même enthousiasme que la lecture de l’« Hommage à la Catalogne » de George Orwell.
Les auteurs indiquent, à la fin du volume, deux adresses où sont archivées les photographies d’Hans Namuth et de Georg Reisner : l’International Center of Photography et le site des archives de la CatalogneVoir aussi Cerro Muriano 1936 (Blog) . On pourra également visionner quelques clichés d’Hans Namuth en se référant à la notice qui lui est consacrée par le Centre Pompidou , avec notamment une photographie datant de juillet 1936 et portant le titre « Barcelone pendant les Olympiades Ouvrières, prémices de la guerre d’Espagne ».
A découvrir absolument !
Grégoire Masson