Cet ouvrage permet à l’enseignant  ou au formateur de faire le point sur l’enseignement explicite. Chaque chapitre commence par une question et il n’est pas obligatoire de le lire dans l’ordre. La première partie est composée de sept chapitres où les auteurs adoptent une posture critique et reviennent sur un certain nombre d’idées reçues. La deuxième est articulée autour de quatre entrées  peu abordées auparavant comme la rétroaction ou la consolidation des apprentissages. 

Pour le définir rapidement, disons que l’enseignement explicite est « la formalisation d’une stratégie d’enseignement structurée en étapes séquencées et fortement intégrées »

Un enseignant peut-il être efficace dans tous les contextes ? 

Ce texte, comme le disent des auteurs, est né d’un agacement : l’effet établissement prime-t-il sur toute autre considération ? Pour cela, ils entreprennent d’abord de définir ce que serait un bon enseignant et invitent à se méfier d’idées comme « ça s’apprend sur le tas ». Des recherches montrent que les bonnes pratiques voyagent à travers le temps et les contextes. En d’autres termes, les bonnes méthodes pédagogiques peuvent être apprises. Le chapitre se termine en disant que plus de 50 ans de recherches ont permis de mettre à jour les pratiques efficaces.

Faut-il varier son enseignement ? 

Faut-il ou non de la stabilité dans sa façon d’enseigner ? Comment aborder la gestion des apprentissages et celle de la classe ? Quelles variations peut-on envisager ? Les auteurs précisent ce qu’est l’enseignement explicite, à savoir une phase de modelage, puis une phase guidée et enfin un temps autonome. L’enseignant dispose de plusieurs variations possibles à son service  comme le degré de nouveauté de la tâche proposée ou le temps disponible. L’essentiel à retenir est qu’il ne s’agit pas de varier pour varier mais bien plutôt de varier les façons de guider. 

Et si on initiait au métier avec des recettes ? 

La conviction des auteurs est claire : il est temps de réhabiliter l’usage des recettes. Celles-ci ont depuis longtemps été regardées avec mépris. On est face à un sacré paradoxe car il y a, d’un côté, des acquis de la recherche et, de l’autre, une grande méfiance envers tout ce qui peut ressembler à un truc à appliquer. Pourtant, les enseignants les réclament. 

Comment révolutionner la formation à l’enseignement ? 

L’idée est de diffuser les données probantes acquises. Parmi elles, on peut citer comme efficaces le fait de présenter la matière en associant les représentations graphiques et les mots ou encore celle de poser aux élèves des questions approfondies telles que « comment sais-tu ? ». Il faut constater pourtant que les bonnes pratiques peinent parfois à se diffuser. 

Quelles sont les limites des communautés d’apprentissage professionnelles ? 

Le développement professionnel des enseignants demeure l’un des meilleurs moyens pour améliorer la qualité de l’enseignement offert aux élèves. Le chapitre argumente ceci à travers plusieurs exemples et résume aussi quelques bonnes pratiques comme le fait que le développement professionnel doit par exemple prévoir une démarche d’accompagnement reposant sur le travail collaboratif. 

Quels sont les effets des technologies et de l’enseignement virtuel sur le rendement des élèves avec ou sans pandémie ? 

Les recherches montrent que, globalement, les cours en ligne ne sont pas aussi efficaces que les cours en présentiel. Il y a donc un décalage entre un certain discours plutôt enthousiaste et une réalité montrée par la recherche. Le chapitre livre ensuite les résultats de travaux sur le contexte pandémique et aboutissent aux points suivants : les effets négatifs de l’école virtuelle et des confinements sont évidents au primaire et encore plus pour les élèves à risque. Trop souvent, on constate aussi que les bonnes pratiques ne sont parfois pas utilisées dans les cours à distance. Il faut notamment veiller aux interactions entre l’enseignant et les élèves. Les auteurs fournissent quelques conseils pratiques comme le fait de ne pas désigner qui va être interrogé avant de poser la question. 

Y a-t-il des écoles de pensée en enseignement explicite ? 

« Si, dans toute école de pensée, il peut y avoir une évolution du modèle et que des éléments complémentaires peuvent apparaître plus tard, en même temps, on doit reconnaître les éléments constitutifs qui en déterminent l’identité de base ». Six fonctions sont ainsi mises en évidence : révision, présentation, pratique guidée, corrections et rétroaction, pratique autonome et révisions hebdomadaires et mensuelles. 

La rétroaction en enseignement, comment l’aborder ? 

Parmi les éléments à retenir, il y a le fait qu’il faut réviser et vérifier le travail de la journée précédente.  Ce que montre la recherche, c’est que l’enseignant doit consacrer du temps à la pratique guidée, poser de nombreuses questions et fournir beaucoup de rétroactions. L’important est de savoir si elle est immédiate ou retardée dans le temps. Il faut tenir compte de la réaction de l’élève. On peut aussi essayer de faire des apprenants des ressources d’apprentissage les uns pour les autres. Donner une rétroaction ne suffit pas car entre dedans une part d’émotionnel. 

Pourquoi et comment consolider les apprentissages ? 

Il faut fournir le plus d’occasions possibles de réviser ce qui a été vu en classe. Il est nécessaire de travailler sur la récupération et pas seulement sur la mémorisation. Cela peut permettre aux élèves de prendre conscience de ce que l’on appelle « l’illusion de savoir ». Le chapitre fournit un certain nombre de techniques pour travailler la consolidation comme la mise en place d’un calendrier de pratique. La stratégie de pratique distribuée est à la fois utile et fort efficace. On peut aussi amener les élèves à répondre à des questions autour de « pourquoi ? » qui va les obliger à mobiliser et à articuler leur pensée. Cette verbalisation est très efficace. Cela s’appelle aussi des questions de compréhension profondes. Les auteurs insistent ensuite sur l’importance de se tester en rappelant plusieurs études réalisées sur ce sujet. Il est indispensable aussi de modifier notre conception de l’erreur qui doit être vue comme une étape vers le savoir.  

Pourquoi faut-il enseigner explicitement les comportements ? 

Les auteurs plaident pour cela car, selon eux, l’enseignement explicite des comportements attendus prévient l’indiscipline. Le chapitre détaille les résultats du système PIBS pour Positive Behavioural Interventions and Supports ou SCP Soutien au Comportement Positif en français. Il est plus utile de réaliser des interventions qui favorisent l’adoption de bons comportements plutôt que de raisonner dans une logique de réaction à de l’indiscipline. 

Pour innover en pédagogie universitaire, faut-il rejeter ou améliorer l’enseignement magistral ? 

Les auteurs pointent le fait que le cours magistral, caricaturé à l’extrême, avait servi de repoussoir aux partisans de la pédagogie nouvelle. Il ne faut pourtant pas confondre enseignement traditionnel et enseignement magistral. Ce dernier peut être amélioré en se fondant sur les trois principes de l’enseignement explicite : la préparation, l’interaction avec les étudiants et la consolidation. Ainsi, on peut utiliser un plan de cours ou éviter les présentations imagées surchargées d’effets techniques. On peut, de même, dans le corps de la leçon, s’appuyer sur trois principes : le modelage, la pratique guidée et la pratique autonome. Le grand défi se pose particulièrement en ce qui a trait à la pratique guidée. On confond aussi trop souvent activité et agitation.

En conclusion, les auteurs insistent sur les points suivants. Il faut d’abord instruire au sens d’aider les élèves à comprendre le monde autour d’eux. Cela implique de prendre en compte leurs représentations. Pour cela l’enseignant doit maitriser ses savoirs.  Il doit également éduquer , c’est-à-dire transmettre les valeurs jugées essentielles pour vivre en société. « Enseigner demeurera toujours un art, mais… c’est un art instruit d’une base scientifique solide ».  

Jean-Pierre Costille