Les cahiers Jean Hubert
Cette collection a déjà accueilli trois ouvrages portant respectivement sur » Connaître son patrimoine », » Restaurer son église » et » Patrimoine et paysages ». Le volume dont il est question ici prend appui sur un colloque et sur un territoire, mais il ne se limite pas à une approche locale, mais au contraire propose une articulation entre la Seine-et-Marne et d’autres espaces. Signalons également la rapidité de parution des actes de ce colloque qui a eu lieu en novembre 2010. Il s’agit d’un bel ouvrage richement illustré de belles photographies avec une très agréable mise en page. Trois parties d’inégale longueur s’intéressent successivement à la reconversion sociale des grandes demeures, à reconvertir le patrimoine et à un port folio sur la Seine et Marne. Précisions que la deuxième partie est composée de sous-parties qui correspondent à des exemples de reconversion. Des tables rondes et des parties débat permettant une ouverture sur l’Europe, renforcent la diversité des aspects abordés par ce livre. Tout tend donc à s’interroger sur la reconversion du patrimoine. L’ouvrage se veut à la fois réflexif, avec des mises au point théoriques, mais surtout argumentatif avec la présentation de nombreux exemples concrets. Signalons ainsi l’article de synthèse sur la délicate question de la reconversion des églises en milieu rural. La déchristianisation est passée par là et pour nombre de petites communes, les églises sont devenues une charge. La question ne se pose évidemment pas pareil selon si le bâtiment est protégé, ou non, au titre des monuments historiques.
Les châteaux du social : un mouvement de reconversion d’ampleur
L’ouvrage s’intéresse tout d’abord au cas des châteaux. C’est un aspect auquel on ne pense pas forcément et sur lequel le livre offre une bonne synthèse. Les auteurs rappellent d’abord que dès le XVIIe siècle, la » fonction originelle de quelques châteaux a été subvertie ». Les châteaux reconvertis sont souvent devenus des hospices ou des écoles de plein air, par exemple. C’est surtout dans l’entre deux guerres que le mouvement a été le plus fort. Bernard Toulier développe particulièrement le cas des colonies de vacances. Mais, à partir des années 1970, cette orientation vers le social commence à être remise en question. Des aspects notamment de mise aux normes rendent compliqué l’usage de ces bâtiments. Aujourd’hui, des raisons à la fois économiques mais aussi sociales expliquent l’abandon de ces endroits.
Des cas étonnants : prison, hôtel de luxe
Parmi les multiples exemples abordés tout au long du livre, deux particulièrement peuvent interpeller. Tout d’abord, il y a le cas de la transformation de la maison d’arrêt de Coulommiers en bibliothèque municipale. Quelques clichés semblent témoigner d’une belle réussite esthétique. Signalons aussi la transformation de l’hospice gantois à Lille en hôtel de luxe. Là encore, les images sont assez impressionnantes et le texte qui les accompagne permet aussi de balayer parfois certains clichés sur la voracité des promoteurs. Jean-Claude Kindt qui s’occupe d’une société d’investissement hôtelier montre le travail de concertation qui a eu lieu autour de ce bâtiment. Il rappelle combien aujourd’hui les hôteliers sont à la recherche d’endroits exceptionnels à reconvertir et le retour sur investissement a été spectaculaire .
L’exemple du patrimoine industriel
Cet aspect est abordé à travers l’exemple de l’usine Ideal standard à Aulnay sous bois, exemple qui présente notamment comme avantage d’être ancien et donne donc la possibilité de se livrer à un bilan. Il s’agit d’une emprise industrielle importante car couvrant 16 hectares. On découvre aussi ici l’importance de la volonté, notamment politique, car une attention particulière a été portée au fait d’éloigner d’éventuels promoteurs qui auraient pu intervenir. La reconversion fut avant tout un choix économique car coûtant près de 20 % de moins qu’une destruction ! Ce fait, peut-être étonnant, s’explique de plusieurs manières, qui ont toutes à voir avec l’ingénieur Auguste Freycinet. Le matériau qu’il avait choisi avait comme contrainte initiale d’être très résistant car lié à la fonderie. Détruire un tel ouvrage revenait donc très cher. De même, le bâtiment de Freycinet a été pensé en terme de rationalité et la structuration « poteaux-poutres » s’avère très facilement réutilisable lorsque l’on veut créer des lots de commerce.
Des aspects pratiques, des acteurs multiples
L’ouvrage choisit de ne pas éluder les aspects pratiques et il est ainsi parsemé de plans, croquis. On y lit aussi les témoignages de tous les types d’acteurs, car au-delà des politiques, on entend des architectes ou des directeurs d’hôtel comme évoqué précédemment. On aborde aussi des problèmes techniques, mais pas trop, juste histoire de mesurer ce que peut être le quotidien d’une reconversion. C’est le cas pour l’église abbatiale d’Ardenne qui est devenue une bibliothèque. Est envisagée enfin la question de la mise en tourisme de ces lieux où l’on s’aperçoit, une fois de plus, qu’au-delà d’un lieu et de sa beauté, il faut créer de l’événementiel pour faire venir et surtout revenir le public.
L’ouvrage se termine par 15 exemples : les auteurs de l’ouvrage ont voulu offrir un panorama de la variété des reconversions en Seine-et-Marne. Il y a évidemment une double page sur la chocolaterie Menier, mais on découvre aussi d’autres exemples. A chaque fois, le livre propose un rapide commentaire avec une vue générale et une vue de détail du lieu.
Finalement, on ne peut que saluer la publication des actes de ce colloque. A la fois point d’étape, catalogues d’exemples, il tend à montrer la variété de la question de la reconversion patrimoniale. Il s’adresse certes a priori aux gens déjà intéressés par la question mais, en étant également un bel objet, il permet sans doute d’élargir le champ des lecteurs.
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