Sacrifice est une minisérie en trois parties, construite comme un long métrage de quatre heures. Elle a été réalisée par Agnieszka Holland, réalisatrice tchèque, étudiante praguoise en 1968.

Introduite par un générique qui propose un résumé efficace du printemps de Prague (du rock, de la danse, les manifestations colorées de drapeaux tchèques, puis les chars russes, le sang, les pleurs.), la série débute le 16 janvier 1969 par l’immolation par le feu sur la place Wenceclas de l’étudiant Jan Palach en signe de protestation contre l’occupation soviétique. Son geste, symbole de la résistance à l’occupation, est décrédibilisé par le député prosoviétique Vileme Novy qui considère que c’est une mise en scène. La jeune avocate Dagmar Buresova est alors chargée par la famille Palach de le poursuivre en diffamation. Elle va donc être amenée peu à peu à se battre pour la mémoire de Jan afin que son sacrifice ne soit pas vain.

L’intensité dramatique de la série connaît une montée en puissance parallèle à la reprise en main soviétique de la Tchécoslovaquie. À travers les personnages de la série, trois attitudes semblent envisageables pour les Tchécoslovaques face à l’occupation Russe. Il y a tout d’abord la collaboration, volontaire, de la police politique ou contrainte qu’elle exerce sur les Praguois. La résistance de la famille de Jan Palach et de leur avocate, et leur lutte pour faire respecter leurs droits, semblent vouées à l’échec. Enfin, il reste l’exil pour tous ceux qui ne peuvent constater leur impuissance.

Cette série par sa thématique et sa localisation fait forcément penser à La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck, qui se déroule en RDA. Elle en partage d’ailleurs l’esthétique, la ville de Prague étant blafarde, dominée par les teintes de gris, seules quelques échappées dans la campagne bohémienne apportant de la luminosité.
Première production HBO-Europe, garante d’un certain savoir-faire, le scénario de cette série est de grande qualité. Sacrifice est une reconstitution historique minutieuse de la vie dans le bloc de l’Est. Cependant, c’est aussi une réussite fictionnelle, s’attardant, grâce à son format, sur la psychologie des personnages et les rapports qu’ils entretiennent. Les personnages complexes sont loin d’être évoqués de façon manichéenne et bénéficient de la grande qualité de jeu des acteurs, notamment celui de la très belle Tatiana Pauhofova.

Héros méconnu ou oublié en France, Jan Palach est une icône pour les Tchèques, puisque la commémoration de sa mort en 1989 provoquera une manifestation monstre, considérée comme le point de départ de la Révolution de velours. Vaclav Havel déclarera d’ailleurs que « le sacrifice de Jan Palach est devenu un appel pour trouver les chemins de la liberté. »