Publié par Futuropolis, la bande dessinée Salvator Mundi nous plonge au cœur de l’une des affaires les plus fascinantes du marché de l’art contemporain : celle du tableau le plus cher jamais vendu. Mais au-delà de son prix vertigineux, c’est surtout l’identité de son auteur qui intrigue et divise. Si certains attribuent le Salvator Mundi à Léonard de Vinci, d’autres contestent cette paternité, faisant de cette œuvre un véritable mystère.
Antoine Vitkine et Sébastien Borgeaud décortiquent les rouages d’un marché de l’art où manipulations, spéculations et enjeux diplomatiques s’entremêlent dans un thriller captivant. Salvator Mundi dévoile ainsi les coulisses d’un univers où l’authenticité d’un tableau peut être aussi influencée par les enjeux financiers et spéculatifs.
Sublimé par les illustrations saisissantes d’Éric Liberge, ce récit se situe à la croisée de l’enquête journalistique et de la réflexion sociétale, offrant une plongée saisissante dans un monde où le vrai et le faux s’entrelacent en permanence.
Le Salvator Mundi : de l’ombre à la lumière
Tout commence en 2005 lors d’une vente aux enchères à La Nouvelle-Orléans. Le tableau, alors en mauvais état, est acquis pour seulement 1 175 dollars par le marchand d’art Robert Simon, qui soupçonne qu’il pourrait s’agir d’une œuvre bien plus précieuse qu’il n’y paraît. Après une restauration minutieuse menée par Dianne Modestini, des détails émergent, suggérant que le tableau pourrait être un original de Léonard de Vinci.
En 2011, lorsque l’œuvre est présentée comme un authentique Léonard de Vinci lors d’une exposition à la National Gallery de Londres, la machine médiatique s’emballe. La renommée du tableau explose, tout comme sa valeur. En 2013, le tableau est vendu pour 127,5 millions de dollars à l’oligarque russe Dmitry Rybolovlev par le marchand suisse Yves Bouvier. Mais Rybolovlev découvre que Bouvier l’avait acheté pour seulement 80 millions de dollars, réalisant une plus-value spectaculaire. Cette révélation déclenche un scandale judiciaire retentissant, marqué par des accusations de fraude et de surfacturation.
Le Salvator Mundi : chef-d’œuvre de Léonard ou simple illusion ?
Le 15 novembre 2017, après une campagne marketing savamment orchestrée par Christie’s, le Salvator Mundi atteint le prix record de 450,3 millions de dollars. L’acheteur ? Mohammed ben Salmane (MBS), prince héritier d’Arabie Saoudite. Le tableau devient alors un instrument diplomatique de premier ordre, mêlant ambitions politiques et enjeux de soft power culturel.
La vente aux enchères chez Christie’s à New York. Photo Timothy A. CLARY, AFP
Peu après, il est annoncé que l’œuvre sera exposée au Louvre Abu Dhabi, symbole du partenariat culturel entre la France et les Émirats arabes unis. Pourtant, cette exposition n’a jamais eu lieu. En 2018, MBS rencontre Emmanuel Macron pour faire pression afin que le tableau soit présenté au Louvre de Paris, aux côtés de la Joconde. Alors que le musée prépare une grande rétrospective Léonard de Vinci pour 2019, les négociations échouent. Selon des révélations journalistiques, un rapport interne du Louvre aurait conclu que Léonard de Vinci n’était pas l’auteur principal du tableau, mais qu’il y avait seulement « contribué ». L’exposition voit donc le jour sans le Salvator Mundi, qui disparaît des radars.
Depuis, le mystère demeure entier. Plusieurs théories circulent sur son emplacement. Certains avancent qu’il serait conservé, pour des raisons de sécurité, à bord du Serene, un yacht appartenant à MBS. Mais nul ne sait avec certitude où se trouve le tableau, ni si son attribution à Léonard de Vinci sera un jour confirmée ou définitivement remise en question. Le doute persiste : est-ce une œuvre de Léonard lui-même ou de son assistant Bernardino Luini, c’est-à-dire une simple création de « l’atelier Léonard » ? Cette incertitude alimente l’une des plus grandes énigmes du monde de l’art.
Une enquête magistrale en bande dessinée
Les auteurs maîtrisent parfaitement leur sujet. Antoine Vitkine, auteur et réalisateur d’une vingtaine de documentaires, dont Salvator Mundi, la stupéfiante affaire du dernier Vinci pour France 5 en 2021, apporte son regard aiguisé sur l’affaire. Sébastien Borgeaud, journaliste d’investigation spécialisé dans les escroqueries financières, enrichit le récit de son expertise des affaires complexes et des réseaux de pouvoir. Ensemble, ils réussissent à transposer cette enquête en bande dessinée avec un scénario captivant, à la fois rigoureux et palpitant, digne des meilleurs thrillers. La force de cette bande dessinée réside dans son approche journalistique rigoureuse. Chaque fait est documenté avec précision, offrant une immersion fascinante dans les coulisses du marché de l’art, ses dérives spéculatives et ses enjeux géopolitiques.
Le dessin d’Éric Liberge accompagne magistralement l’aspect documentaire de l’ouvrage. Son trait fin et précis, rehaussé de nuances de noir, blanc, sépia et bleu, insuffle à l’histoire une atmosphère mystérieuse et élégante. Sa mise en scène épurée accentue le caractère énigmatique de l’affaire. Fidèle à son style réaliste, déjà plébiscité dans La Guerre des Paysans et Le Suaire, Éric Liberge confirme ici toute l’étendue de sa maîtrise graphique.
Le lien vers le site de l’éditeur :
https://www.futuropolis.fr/9782754834056/salvator-mundi.html
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