« Nous avons choisi l’inégalité », c’est par ce titre-choc de François Dubet qu’ouvre ce dossier consacré aux inégalités. Le sociologue estime que, depuis 30 ans, les inégalités n’ont cessé de s’accroître mais ce n’est pas tant du côté de la mondialisation qui faut en chercher l’explication que du côté de la société qui cultive « l’entre-soi ». Les inégalités scolaires sont la traduction de cette quête : les parents informés choisissant pour leurs enfants les meilleures filières, les « bons » loisirs, afin de faire la différence avec les autres bénéficiaires d’une démocratisation scolaire relative. La socialisation par l’école est donc incomplète puisqu’elle tend à reproduire les schèmes mentaux et à faire des jeunes « les héritiers » (Bourdieu et Passeron, 1985) de ceux-ci (voir également l’article de Marie Duru-Bellat). L’école n’est qu’un exemple généralisable à chaque profession, chaque secteur économique, chaque région. « Nous acceptions d’autant mieux toutes ces inégalités que, bien souvent, elles nous semblent justes parce qu’elles reposent sur un idéal d’égalité des chances méritocratiques » (p. 29). Les enquêtes d’opinion sont sans appel : 64% des Français pensent que s’ils le voulaient, la plupart des chômeurs pourraient trouver un emploi… Le constat de François Dubet est sans appel, ces phénomènes s’expliquant « par le recul des liens de solidarité et des sentiments de fraternité » (p. 31) mais s’il veut croire à un renouveau de l’égalité sociale.
Hervé Le Bras, le démographe, mise sur la force des solidarités locales face au désengagement de l’Etat, même si les inégalités spatiales sont en net accroissement « sous l’effet de la métropolisation (…) et de l’accroissement des différences entre de vastes régions du pays. » (p. 32). L’explication historique des inégalités régionales actuelles par les types de famille (famille souche / famille nucléaire) comme par la répartition des prêtres réfractaires trouve toutefois ses limites pour expliquer l’essor d’une forte solidarité locale dans certaines régions.
Renaud Chartoise revient sur les enseignements du « capital selon Thomas Piketty » en rappelant qu’il part de l’idée que « le rendement du capital est supérieur au taux de croissance de l’économie. C’est ce qui expliquerait l’accroissement exponentiel des inégalités » (p. 36). L’éducation, la formation, l’impôt sur le revenu mais surtout la nouvelle taxe mondiale sur la fortune que Piketty propose de mettre en place, peuvent infléchir l’accroissement des inégalités, même s’il reconnaît que « les inégalités sociales ne posent pas de problème en soi, pour peu qu’elles soient justifiées, c’est-à-dire fondées sur l’utilité commune » (p. 39).
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes