Histoires de Sports est une grande enquête historique sur les premiers temps du sport en France, à la croisée des XIXe et XXe siècle. Le titre est clair : il ne s’agit pas de l’histoire du sport, ou d’une discipline sportive. Il s’agit d’histoires au pluriel, avec la dimension narrative attendue.  Le sous-titre est d’ailleurs évocateur en mentionnant les « chroniques insolites ».

Des histoires de sports pour recréer l’histoire du sport

Ne nous y trompons pas, même s’il semble attaché à l’anecdote, cet ouvrage est un vrai livre d’historien. La méthode est rigoureuse : à partir d’un travail d’archives diverses, Philippe Tétart nous présente différentes personnalités, différentes disciplines, différents événements et différentes figures du sport à la croisée des XIXe et XXe siècle sous la IIIe République. Le propos s’appuie sur de nombreuses photographies, systématiquement légendées et commentées, qui servent fréquemment de base pour chaque « article ». Les sources utilisées sont fréquemment citées, avec leurs atouts et leurs limites. L’auteur n’hésite pas à préciser les manques de documentation auxquels il a dû faire face.

Par ailleurs, l’image est au cœur de l’ouvrage. Philippe Tétart précise ainsi s’être appuyé sur les fonds de photographies de sports de la BNF, issues notamment de l’œuvre des premiers photoreporters sportifs : Zulimo Chiesi, Jules Beau, puis celle des agences Rol, Photo Presse ou Meurisse. C’est l’œuvre des pionniers de la photographie de sport que nous voyons ici.

L’ensemble des articles forme alors un tout cohérent, embrassant de nombreuses thématiques : parmi les disciplines, on retrouve bien évidemment le cyclisme, la natation, mais aussi des sports originaux comme les courses de cul-de-jatte ou de marche sur les mains. Les figures du sport sont également présentes, individuellement ou collectivement (avec notamment une part importante consacrée aux figures féminines, ce qui est remarquable compte tenu de leur relative invisibilité dans le sport à cette époque). Les lieux le sont également. On trouve enfin tous les à-côtés du sport : la presse, le café, les supporters, la publicité, … pour un regard global, finalement dans la continuité des travaux historiques actuels.

Une plongée dans les premiers temps du sport

Cet ouvrage d’histoire n’en respecte pourtant pas une grande partie des codes.

Tout d’abord, Philippe Tétart fait deux choix assumé : l’absence de notes de bas de page (mis à part dans l’introduction) et la sélection subjective des illustrations ensuite commentées. Cela facilite donc la lecture, même si celle-ci peut parfois s’avérer un peu compliquée par la taille de la police et l’organisation des textes.

L’écriture détonne également : parfois parfaitement neutre et factuelle, elle adopte régulièrement un ton familier, reprenant le langage imagé de l’époque. Le style rappelle parfois les vieilles retransmissions radio de la première moitié du XXe siècle. L’auteur n’hésite pas, en outre, à s’adresser directement à son lecteur dans un ton souvent badin et humoristique.

Dans cet ouvrage, l’écriture va d’ailleurs de pair avec l’image. Au cœur de l’ouvrage comme nous l’avons précédemment précisé, les photographies constituent de vrais trésors. Ce sont de véritables scènes de vie qui ont été immortalisées. Elles ne représentent pas seulement les sportifs en action, mais aussi l’avant, l’après et les à-côtés. Parfois les personnes photographiées posent, parfois elles sont prises sur le vif. Peu importe le vainqueur, la performance, … Seule importe la situation et sa capacité à générer du sens et de l’imagination. Par leur diversité et leur originalité, ces photographies facilitent aussi cette plongée dans des époques fantasmées par le noir et blanc. Elles donnent ainsi une véritable esthétique à cet ouvrage.

 

Par ce travail d’historien, mais aussi cette plongée sensible par l’écriture et l’iconographie, c’est donc une vision globale du sport à cette époque qui nous est présentée, un sport qui se cherche parfois, entre folklore, spectacle et disciplines sportives, un sport à la fois aristocratique et populaire. L’objectif de l’historien est atteint : nous comprenons maintenant pourquoi le sport connaît un tel succès dans nos sociétés.