De Gaulle et ses barons
La figure du général de Gaulle a fasciné nombre de ses contemporains et continue encore de fasciner largement. Elle a même donné lieu à des revirements tardifs parmi certains de ses anciens adversaires politiques. Plusieurs biographies ont été consacrées au créateur de la Vème république figure majeure du 20ème siècle : telle celle de Jean Lacouture (1984) ou plus récemment celle de Julian Jackson (2019). Le gaullisme et les gaullistes ont suscité moins d’engouement. Pierre Manenti, qui a travaillé dans divers cabinets ministériels, s’est attelé à la tâche et a publié plusieurs ouvrages sur ce courant. Il a écrit une Histoire du gaullisme social en 2021 et une biographie d’Albin Chalandon en 2023. Son dernier ouvrage porte sur des fidèles du général, auxquels Jean Daniel avait accordé le titre de barons, danun article du Nouvel Observateur en 1963. Aux cinq qui sont le plus souvent cités, Jacques Chaban-Delmas, Michel Debré, Jacques Foccart, Roger Frey et Olivier Guichard, l’auteur adjoint Gaston Pawlewski, « doyen » selon lui.
Devenir un baron du gaullisme
Pierre Manenti présente les conditions nécessaires pour être reconnu comme tel : une « fidélité sans faille au général de Gaulle dans la guerre puis dans l’aventure politique du gaullisme d’opposition et de régime », la possibilité de parler en son nom, de lui parler et de « lui tenir tête, voire parfois [de] lui faire entendre raison ». Ce qui leur confère « une place centrale dans la vie politique du gaullisme », ses associations, ses mouvements, partis et réseaux. Y compris après la mort du général car la plupart ont défendu avec ardeur l’importance des apports du gaullisme pour le pays. Ce qui n’empêche pas les différences, les tensions et les conflits même du vivant du père spirituel de ce courant politique.
Fidèle mais non baron
Cependant, certains gaullistes fidèles n’ont pas acquis selon l’auteur la dignité de baron. Il en présente six. Trois sont ce qu’il appelle des « barons oubliés du RPF » (Rassemblement du peuple français), créé en 1947 et mis en sommeil en 1955. Il s’agit de Jacques Soustelle, le « soutier du gaullisme », d’André Diethelm, jugé « téméraire » et de Louis Terrenoire, « la voix de gauche » de cette sensibilité. Trois autres ont occupé le poste de Premier ministre : Georges Pompidou, élu président de la République, en 1969 ; Maurice Couve de Murville, Premier ministre de juillet 1968 à juin 1969 et Pierre Messmer, qui le fut entre juillet 1972 et mai 1974. Ces trois derniers ont entretenu des liens étroits avec les barons du gaullisme sans, selon l’auteur, faire partie de leur cercle.
Par ailleurs, nombre de barons et de baronnets ont tenté de jouer un rôle après 1969, s’érigeant volontiers en gardiens de la flamme du gaullisme.
Un livre d’histoire politique, qui donne une grande part à des biographies de facture classique, qui auraient pu bénéficier des apports de la sociologie historique.