Sweet sixteen

Depuis plusieurs mois, la section jeunesse des éditions Casterman participe à l’aventure éditoriale de la Cliothèque. Dans les derniers titres qui nous sont parvenus, et qui seront traités dans ces colonnes, il faut absolument mentionner cette histoire, à peine romancée de l’épisode du lycée de Little Rocks en 1954 dans l’Arkansas.
En décidant de rendre inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques des États-Unis en mai 1954, la cour suprême a pris une des décisions les plus importantes de l’histoire sociale du pays. C’est dans le sud, dans c es anciens états confédérés, que cette décision a suscité les oppositions les plus vives. Dans ces territoires qui font encore aujourd’hui partie de le Bible belt, les mesures discriminatoires font très largement consensus dans la population blanche. Par ailleurs, une lecture littérale de certains passages de l’Ancien Testament justifiant l’esclavage et le caractère inférieur des fils de Cham http://fr.wikipedia.org/wiki/Mal%C3%A9diction_de_Cham a très largement cours aux États-Unis. L’abolition de l’esclavage à la suite de la guerre de sécession s’est traduite dans les états du Sud par la mise en œuvre de mesures discriminatoires particulièrement sophistiquées pour empêcher que la population de plusieurs de ces états, en majorité noire, ne puisse exercer ses droits civiques.

Tout cela nous rattache au combat qui a été mené dès les années 50 pour « l’émancipation des gens de couleur », et qui a abouti aux lois sur les droits civiques.
Tout comme Rosa Parks en 1955, http://www.histoire-en-questions.fr/personnages/prix%20nobel%20rosa%20park.html, les neufs de Little Rock ont été les précurseurs de ce combat pour l’émancipation.
Le roman qui est proposé à un jeune public, à partir de 12 ans, est inspiré de ces faits réels. Il s’agit d’un voyage dans la violence quotidienne que ces jeunes seulement âgés de 14 à 17 ans auront à subir pendant une année scolaire. Neuf élèves noirs immergés au sein d’un lycée prestigieux avec 2500 élèves blancs qui les regardent comme des bêtes curieuses, mais en réalité les rejettent avec un certain raffinement de cruauté.
Dans cet épisode, le gouverneur de l’État a prit la décision de mobiliser la garde nationale pour empêcher les élèves d’accéder à l’établissement. Le président Eisenhower au non de l’État fédéral décide de retirer le commandement de la garde nationale au gouverneur de l’État et de faire escorter les neuf élèves par un millier de soldats de la 101e division aéroportée. Pendant toute l’année scolaire ces élèves auront à leur côté un garde du corps issu de ce régiment.

Cet ouvrage peut être évidemment conseillé à des élèves de collège nous il peut sans difficulté être lu par des lycéens. L’histoire évoque le parcours de plusieurs personnages, et notamment pour les lycéens noirs le combat intérieur qu’ils doivent mener contre cette discrimination qu’ils avaient, tout comme leur famille, intégrée. C’est également là que se situe l’intérêt de cet ouvrage qui est loin d’être manichéen et qui montre que dans ce combat pour l’émancipation, une émancipation qui n’est d’ailleurs pas totalement achevée, la route est particulièrement difficile.
Les dispositions législatives si elles participent d’un électrochoc et favorisent une prise de conscience ne suffisent évidemment pas à elles toutes seules à changer le quotidien. Ce que cet épisode relate ce que l’application de la loi, aux États-Unis comme ailleurs, relève également de l’engagement individuel, voire du combat personnel. Au moment où trop de jeunes, suivant en cela l’exemple des adultes, manifestent un certain fatalisme qui trouve un substitut dans le consumérisme et les mondes virtuels, cette lecture peut se révéler particulièrement salutaire.

Bruno Modica