Nos chroniques en géographie, histoire, éducation civique et autres champs voisins se voient régulièrement ponctuées de lectures relatant les constantes dégradations de nos conditions d’exercice : après un coup d’œil récent sur le collège ou sur la triche, c’est ici sur le terrain du lycée que Donatienne du Jeu nous entraine même si le titre ne le laissait pas forcément présumer (cette question de l’école primaire avait, entre autres, été évoquée par Kevin André dans son triste récit « Les désarrois d’un jeune instit »).

Même si c’est au travers de treize années d’enseignement littéraire en lycée que l’auteure appuie son propos, l’analyse permet de dégager des pistes de portée plus générale et interpellera les enseignants des autres niveaux tant la crise de « l’école » est désormais de plus en plus partagée.

Parmi l’offre, toujours plus nombreuse, d’essais sur ces sujets, l’ouvrage de Donatienne du Jeu se veut différent en ce sens que son témoignage n’est pas associé à un exercice en poste difficile mais à une situation plus « normale », signe plus fort encore du délitement davantage généralisé de la situation.

Le menu est très complet, hélas tellement prévisible : ce choix de carrière par défaut (les études littéraires n’ouvrent pas tant de pistes…) ; les annonces d’affectation honteusement tardives (quelques jours avant la rentrée) occasionnant d’incroyables ardoises routières et/ou immobilières ; les poursuites louables d’études pour garder un semblant d’activité intellectuelle mais soumises à des directeurs de mémoires fumistes et fantomatiques ; la solitude du monologue de défense des derniers acquis lors des discussions mondaines ; l’autorité et la motivation qui ne se décrètent pas ; les coupables jeux vidéo ; les copier-coller de Wikipédia et bien sûr, l’éternel Nivôquibaiss‘.

Au delà de ces constats, l’auteur met son joli style littéraire au service de quelques pistes sur sa discipline, le français, tout en prenant soin de montrer, évidemment, que le combat ne se fera pas seul : élèves bien entendu mais également parents et surtout notre institution complice de ce délabrement. Tout est donc à revoir, programmes, rythmes, méthodes d’évaluation ou encore salaires que Donatienne du Jeu propose carrément de doubler dans le primaire (on ne lui en demandera pas tant hélas…).

Que faire donc d’un tel ouvrage ? Pour nous enseignants et chroniqueurs, l’on pourrait dire pas grand chose en ce sens que le contenu nous était déjà globalement connu à l’avance mais au moins pointer du doigt l’ajout de ce nouveau coup de gueule à la liste croissante de ce genre d’ouvrages et à en partager les vertus thérapeutiques affichées (l’alternative à la dépression et à la démission) pour son auteure. Les derniers à convaincre, les premiers concernés finalement, n’ont qu’à lire, écouter et agir.

Xavier Leroux ©Les Clionautes