Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).
La revue Parlement(s) n° 21 a pour thème : Un parlementarisme allemand ? Ce vingtième-unième dossier est coordonné par Nicolas Patin. Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la recherche (avec la contribution de 6 chercheurs, jeunes ou confirmées) et la seconde à des sources commentées par Nicolas Patin. De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des varia (au nombre de 2) et à 3 lectures (critiquées par 3 historiens).
Une fois n’est pas coutume, ce dossier s’ouvre avec un avant-propos (concernant les bases de données utiles pour l’histoire du parlementarisme allemand) écrit par le directeur de ce numéro : Nicolas Patin. Puis vient, en introduction, un article consacré à la question d’une « voie particulière » du parlementarisme allemand par Thomas Mergel (Professeur d’histoire de l’Europe au XXe siècle à la Humboldt de l’Université de Berlin). L’histoire de la démocratie allemande a longtemps été dominée et ceci jusqu’à il y a peu, par un « grand récit ». Ce récit s’est construit comme la critique d’une normalisation interprétative de l’histoire du XXe siècle allemand ; il refusait de voir le IIIe Reich comme un accident et se donnait pour objectif de comparer la culture politique allemande au regard de la réussite des systèmes parlementaires occidentaux.
Recherche : Un parlementarisme allemand ? :
1918 : une rupture au sein du parlementarisme allemand ? Sociologie et recrutement des élites (1871-1933) : Nicolas Patin (Chargé de recherches à l’Institut historique allemand de Paris)
La Grande guerre et les ruptures de 1918 ont-elles représenté une rupture majeure dans l’histoire longue du parlementarisme allemand ? Les bouleversements sociaux et politiques – changement de suffrage et modifications constitutionnelles – ont été profonds. Alors que l’architecture générale du monde politique reste étonnamment stable, la sphère parlementaire connaît, elle, des changements importants. Mais si on s’intéresse à des indicateurs plus fins, l’impression de stabilité, là aussi, demeure, et les processus de modernisation clivée propre à l’Empire perdurent sous Weimar.
Les nazis et la République allemande : Antipolitique et destruction de la cité (1919-1933/4) : Johann Chapoutot (Maître de conférences en histoire à l’Université Pierre-Mendès-France – Grenoble II)
La République « de Weimar » est un objet de détestation bien connu du parti nazi. Dès 1919-1920 et bien après 1933, les nazis voient en elle la réalisation de tout ce que la modernité politique possède, à leurs yeux, de vices et d’erreurs. Le parlementarisme, la démocratie, les droits fondamentaux, le libéralisme, l’universalisme … autant d’importations de l’étranger : « Weimar » est indissociable de « Versailles », de « Genève » (SDN), mais aussi de Paris, capitale de la Révolution française et de l’occident en général. Contre la « cité » promue par la République, le NSDAP élabore et réalise un projet proprement antipolitique : contre le politique, la biologie.
Quelle représentation au parlement pour les Allemands expulsés de l’Est ? : Lionel Picard (Docteur en allemand de l’Université de Bourgogne – Dijon)
Cet article explore les différentes voies suivies par les expulsés pour se faire entendre au Parlement. De tentatives d’obtenir des sièges pour les députés de territoires perdus à la constitution de lobbys puissants pour influencer la politique étrangère du gouvernement fédéral en passant par la création d’un parti dévoué à leur cause ou par l’intégration des grands partis, les expulsés n’ont eu de cesse de se mobiliser pour tenter de renverser le cours de l’histoire.
Des limites du dicible : Evoquer le passé des députés sous le IIIe Reich au Bundestag des années 1970 : Dominik Rigoll (Chargé de recherches en histoire à l’Université Friedrich Schiller d’Iéna)
Cet article s’intéresse à l’évocation du passé individuel des députés du Bundestag sous le IIIe Reich au moment du débat de 1974 pour le vingt-cinquième anniversaire de la loi fondamentale, et au tabou lié à l’évocation de ce passé individuel, que les députés aient été victimes de la dictature ou qu’ils aient participé au nazisme. La plupart des orateurs étaient suffisamment âgés pour avoir vécu sous la dictature, mais ils passaient sous silence cette expérience. Le poids de ce passé, cependant, pesait comme une épée de Damoclès au-dessus de l’orateur.
La Volkskammer est-allemande : « Parlement d’un type nouveau » au service du SED : Eva Patzelt (Diplômée du master recherche histoire de Sciences Po de Paris)
Bien qu’officiellement l’organe suprême de la démocratie populaire est-allemande, les attributions concrètes de la Chambre du peuple devaient en réalité se négocier avec le parti au pouvoir et dépendaient en grande partie de la situation internationale. En étudiant comment le SED parvient à écarter la Volkskammer du processus de prise de décision politique et à l’orienter vers d’autres domaines d’activité, l’article questionne également la notion de « parlementarisme socialiste ».
La Cour constitutionnelle allemande et le Bundestag : Céline Vintzel (Maître de conférences en droit public à l’Université de Reims – Champagne-Ardenne)
D’un double point de vue interne et comparatif, la Cour constitutionnelle allemande semble désormais pouvoir être qualifiée de protectrice naturelle des intérêts institutionnels du Bundestag. Prenant appui sur le principe de séparation des pouvoirs, elle interprète de manière ample les droits du Parlement face au Gouvernement, et ce aussi bien en ce qui concerne la fonction législative du Bundestag que sa fonction de contrôle parlementaire. Se fondant sur le principe de démocratie, elle prend, de façon bien souvent inattendue et inégalée, la défense du Bundestag face à l’Union européenne.
Sources :
« Vous avez le nez crochu ! Petit youpin plein d’impudence ! » : Débat au Reichstag du 10 décembre 1930 : traduit de l’allemand et présenté par Nicolas Patin.
Jusqu’en 1930, le Reichstag, composait avec la présence d’une forte fraction communiste à son extrême gauche. À l’extrême droite, en revanche, le parti nazi (NSDAP) ne représentait que 12 députés, pour la législature 1928-1930 mais étant déjà un champion de l’obstruction. Les équilibres sont brutalement renversés quand, aux élections de septembre 1930, le parti nazi passe de 2,6 à 18,3 % des suffrages, et obtient ainsi 107 députés au Reichstag, devenant le deuxième parti du Reich, derrière la social-démocratie. Dans le texte suivant, compte-rendu de la séance du 10 décembre 1930, le débat concerne la réforme du Code pénal allemand, proposée par un député du Parti libéral de droite (DVP) le Docteur Wilhelm Kahl. Les nazis réagissent par une série d’interruptions à caractère antisémite, face auxquelles la présidence reste étonnamment passive.
Le Reichstag emballé par Christo et Jeanne-Claude : par Nicolas Patin.
La photographie de couverture a été prise par Wolfgang Volz, entre le 24 juin et le 7 juillet 1995 (le 6 juillet 1995 exactement), dates entre lesquelles le siège du parlementarisme allemand disparut sous 100 000 mètres carrés de tissus emballé par les artistes d’origine bulgare Christo et française Jeanne-Claude. L’initiative fut un gigantesque succès populaire : 5 millions de personnes se succédèrent pour voir l’œuvre.
« Notre électorat potentiel est avant tout composé de gens aux valeurs post-matérialistes » : Entretien du 6 juin 2012 avec Fabio Reinhardt : député du Parti pirate à la Chambre de Berlin : par Nicolas Patin.
Le Parti pirate est peu connu du grand public en France, bien qu’il ait présenté 101 candidats aux élections législatives françaises de juin 2012. Ce n’est pas le cas outre-Rhin, où ce parti, crée en 2006 a obtenu, tout au long de l’année 2012, des résultats électoraux surprenants : 8,9 % à la Chambre des députés de Berlin, 8,2 % et 7,4 % à ceux de Schleswig-Holstein et de Sarre. L’engouement qu’il déclenche n’est pas sans rappeler la vague de succès qu’a connu le parti de gauche, Die Linke, à partir de 2007. Fabio Reinhardt, (élu député le 18 septembre 2011) à l’âge de 30 ans, fut le premier à prononcer un discours à la Chambre des députés de Berlin, le 27 octobre 2011. Il revient dans cet entretien sur le positionnement politique de son Parti et sur ses propres expériences en tant que jeune parlementaire.
Varia :
Des principes du gouvernement représentatif et de leur application selon Prosper Duvergier de Hauranne (1838) : Philippe Jian (Docteur en histoire de l’Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne)
À l’automne 1837, le maintien du ministère Molé par Louis-Philippe, malgré la dissolution de la Chambre des députés, provoque, en 1838-1839, un débat sur la nature du régime auquel participent Des principes du Gouvernement Représentatif du député Prosper Duvergier de Hauranne. Au-delà des contingences dans lesquelles elles s’inscrivent, ses idées démontrent l’importance capitale du système partisan et du fait majoritaire dans la formation et le développement du parlementarisme.
La francophonie parlementaire : Vocation culturelle et ambition politique : Estelle Bomberger (Docteur en sciences politiques, chargé d’enseignement de Sciences Po de Paris)
La francophonie parlementaire naît, dans les années 1960, de la volonté de personnalités africaines de bâtir une sorte de Commonwealth chargé de promouvoir la culture francophone au sein des pays membres et dans les institutions internationales. Au fil du temps, une dimension politique se dégage. Sa particularité découle de sa légitimité démocratique et son ambition tend à favoriser le dialogue des cultures et à véhiculer des valeurs de portée universelle.
Lectures :
Jacques Julliard, Les Gauches françaises. 1762-2012 : histoire, politique et imaginaire, Paris, Flammarion, 2013, 943 p., par Pierre-Emmanuel Guigo :
Ainsi, l’ouvrage de Jacques Julliard est appelé à faire partie des références dans l’historiographie de la gauche française. Il nourrira la recherche de nouvelles interrogations, mais ses analyses seront sans doute discutées. Par son style, par sa richesse, iconoclaste, à l’image de l’auteur, Les Gauches françaises sera, à notre avis, l’un des ouvrages maîtres de l’histoire politique française du xxie siècle.
Anne-Sarah Bouglé-Moalic, Le Vote des Françaises. Cent ans de débats (1848-1914), Rennes, PUR,362 p., par Sabrina Tricaud :
Le livre d’Anne-Sarah Bouglé-Moalic est la version publiée de sa thèse consacrée au suffrage des Françaises, sous la direction de Michel Boivin, récompensée par le prix de thèse 2011 de l’Assemblée nationale en histoire parlementaire. L’auteur présente un inventaire méthodique et chronologique d’ouvrages imprimés – outre une riche bibliographie –, qui permettront de se replonger dans l’atmosphère de ces années de débats et de combats où les femmes étaient exclues de la vie politique.
Jean-Philippe Dumas, Gambetta. Le commis voyageur de la République, Paris, Belin, coll. « Portraits », 2011, 170 p., par Renaud Quillet :
Le destin de Gambetta suscite une nouvelle curiosité chez les biographes depuis une quinzaine d’années, comme en témoignent la thèse restée curieusement inédite d’Odile Sassi, puis les ouvrages de Pierre Antonmattei, de Pierre Barral et enfin de Jean-Marie Mayeur. Voici un nouveau Gambetta dû à Jean-Philippe Dumas, archiviste-paléographe, docteur en Histoire et conservateur en chef du patrimoine du ministère des Affaires étrangères. Celui-ci salue le travail monumental, mais hélas toujours non traduit, de John Bury, l’ouvrage testamentaire de Vincent Wright sur « les préfets de Gambetta », ainsi que les livres de ses prédécesseurs. L’appareil critique est réduit, mais intéressant : pas de notes, certes, mais de longues citations, une bibliographie commentée et des illustrations choisies. Somme toute, dans un volume réduit, le Gambetta de Jean-Philippe Dumas est tout à fait honorable.
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)