Une émission datée de février 2007 est consacrée au Mexique, pays souvent évoqué dans le cadre du programme de seconde en géographie. Une partie traite de la frontière avec les Etats-Unis. Ici, le découpage par chapitre se révèle aussi particulièrement pratique. Jean-Christophe Victor revient sur le phénomène des maquiladoras en en expliquant le principe ; il se livre surtout à un point actuel sur cette question. Ainsi, huit millions de Mexicains ont migré aux Etats-Unis depuis l’an 2000, montrant ainsi que la stratégie qui consistait à fixer les Mexicains chez eux est un échec. Une double barrière est en cours de construction, mais la vidéo explique bien que les entreprises américaines ont besoin de la main d’œuvre mexicaine clandestine.
Jean-Christophe Victor s’interroge également sur le Venezuela pour savoir s’il s’agit d’une « pétro populocratie ». 80 % de la population se concentre sur 20 % du territoire. Cette situation s’explique par la colonisation du pays au XVI ème siècle. Le pétrole quant à lui, devient dès le XIX ème le moteur du pays et représente 30 % du PIB du pays aujourd’hui. Le commentaire en évoque les aspects positifs et négatifs : investissements dans l’agriculture, l’industrie…. Néanmoins, cette ressource a entraîné une concentration encore plus importante sur la zone nord du pays. De plus, 80 % des exportations y sont liées d’où une forte dépendance dans le cadre des échanges. Jean-Christophe Victor rappelle utilement que le Venezuela est un des principaux fournisseurs de pétrole pour les Etats-Unis et qu’il a proposé l’idée de l’OPEP en 1960. Avec tous ces éléments factuels, on comprend mieux l’émergence d’un personnage comme Hugo Chavez. Jean-Christophe Victor n’élude aucun aspect en montrant la politique extérieure actuelle du pays : discussion avec Cuba, accueil des FARC. En tout cas, l’augmentation du prix du pétrole a donné à son dirigeant une grande marge de manœuvre économique.
Pour la Bolivie, l’émission choisit d’expliquer les racines de la guerre du gaz : on est ici au cœur des problématiques actuelles. Jean-Christophe Victor distingue les éléments de la crise : un territoire et une richesse qui suscitent l’appétit des voisins aboutissent à une Bolivie qui perd, tout au long de son histoire, des morceaux de son territoire : là encore le recours à l’histoire permet de rendre intelligibles les enjeux. En effet, la Bolivie est donc maintenant un état enclavé et cela reste un traumatisme dans le pays : le gaz est exploité par des compagnies étrangères et est exporté. Aussi, lorsque de nouveaux gisements sont découverts, la population refuse le passage par le Chili au moyen d’un gazoduc. Jean-Christophe Victor évoque la composition de la population avec la part dominante des Indiens. Ils ont été spoliés des terres les plus fertiles et ils n’ont donc jamais profité des richesses de leur pays. Leur situation a peu évolué et la libéralisation économique a conduit à la fermeture des mines nationales d’état. L’idée donc de la vente du gaz accumulait ainsi toutes les rancoeurs. Le décalage chronologique fait qu’ici l’élection d’Evo Morales n’est pas évoquée.
Dans une seconde partie, le DVD choisit de traiter de questions transversales. Ainsi, une émission est consacrée au retour des peuples indigènes. Le continent américain comptait 50 millions d’Indiens à la fin du XV ème siècle et, 150 ans plus tard, ils n’étaient plus que 4,5 millions. Aujourd’hui ils représentent 44 millions sur un total de plus de 500 millions de personnes sur le continent. On voit bien la part très différente que représentent les Indiens selon les pays : ainsi ils sont plus de 60 % de la population du Guatemala ou de la Bolivie, mais moins de 5% de celle du Brésil. L’émission insiste sur le renouveau indien depuis les années 90.
Une autre émission est consacrée à la question des Hispaniques aux Etats-Unis : sur un total de 300 millions d’habitants, il y a 42 millions d’Hispaniques c’est-à-dire qu’ils sont plus nombreux que les Noirs, ils représentent donc dès à présent la première minorité du pays. Ce numéro peut être utilisé en terminale à propos des Etats-Unis, tout comme celui consacré à la zone de libre échange des Amériques, qui néanmoins demande une petite actualisation puisqu’il date de 2005.
Un dernier épisode est consacré à l’enjeu énergétique : une approche à différentes échelles permet de cerner les enjeux. On revient sur la guerre du gaz en Bolivie et cela actualise le numéro évoqué précédemment ; il parle à nouveau également de l’Argentine. C’est l’ occasion également de signaler et d’expliquer le nouveau poids de la Chine dans la zone.
Ce DVD forme comme une mosaïque d’éclairages, alternant les visions sur un pays et les questions continentales. Très souvent lorsqu’une question est évoquée dans plusieurs émissions elle est davantage l’objet de compléments plutôt que de redites. Le raisonnement par échelles, une des bases de l’émission, prouve une fois de plus toute sa valeur et tout son intérêt. Jouant en permanence entre les grandes articulations et les problématiques spécifiquement nationales, il offre des clés de compréhension sans jamais être péremptoire.
Au niveau scolaire, c ‘est une émission très intéressante, très construite, et même parfois trop riche ! Seul petit bémol : on pourrait espérer des bonus sur ce type de support comme des cartes extraites des différentes émissions.
L’ensemble est en tout cas toujours fait avec intelligence et n’est jamais simpliste.
Au total, il s’agit d’un DVD de grande qualité qui invite à poser un regard argumenté sur cette « autre Amérique », comme le dit la jaquette. Jean-Christophe Victor et toute son équipe éclairent les enjeux et les raisons des situations locales. Il nous aide à penser, mais ne nous dit pas quoi penser : une émission qui fait donc confiance à l’intelligence de celui qui la regarde.
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