Gilbert Dacre-Wright a été au service de l’État, officier de marine puis magistrat, pendant un demi-siècle.
C’est ce qui lui a donné le désir et la volonté d’écrire la biographie d’Étienne Dupin, un homme qui traversa plusieurs périodes des plus agitées de l’Histoire de France, en gardant la rigueur et l’honnêteté d’un administrateur au service de ses administrés.

Claude Dupin descend d’une famille de noblesse de robe de province, dont le grand-père, le père, certains oncles se sont illustrés au service de la royauté (à l’intendance notamment).
Lui-même suit des études en Lorraine, puis accède à ses premières fonctions à l’occasion de la tenue des États Généraux de 1888, en tant que secrétaire de M. Maujean, procureur du syndic d’État.

On approche à grands pas de la Révolution Française et il lui prend l’envie de monter à Paris car « c’est là que les choses se passent ».
De fait, grâce à cet événement, sa carrière va connaître une accélération rapide, presque instantanée. D’abord nommé aux Finances sous-inspecteur, par l’entremise de son oncle Louis-Dominique, procureur du roi et de la ville de Paris, il devient ensuite sous-chef du bureau des dépêches (1791), à l’occasion de la formation du département de la Seine.
Parallèlement, il rencontre sa future femme, résidant Cour du commerce à Paris, qui pour l’heure subit les assiduités de Danton et fut un temps sa femme – avant que ce dernier connaisse un destin similaire à celui de son adversaire couronné.

Au milieu du tourbillon révolutionnaire, Étienne Dupin produit un travail rigoureux, apprécié; l’auteur le décrit comme un de ces hommes de l’ombre qui ont fait que, par leur travail acharné, cependant qu’on écoutait surtout du côté des tribunes enflammées, la France a réussi a traverser la crise décennale où elle faillit perdre son existence même.
Les qualités de Dupin deviennent denrée si rare, qu’au moment du Directoire, en sa qualité de fin connaisseur du système en construction – et transformations constantes – il devient secrétaire général du département de Paris, à l’époque de la Grande Terreur.
Il est remarquable de constater la neutralité de propos qu’il parvient à conserver, sinon la modération dans ses actes, qui sont l’émanation d’un pouvoir autoritaire.

Il parvient à traverser et conserver son poste dans cette période troublée, et les années avançant, devient l’un des administrateurs spécialistes de la capitale, apprécié pour sa rigueur, son objectivité, sa capacité de travail et son sens du service public.
L’auteur, au moment du Directoire, le qualifie d' »homme indispensable » pour l’administration du département de la Seine.
C’est vers cette époque qu’il retrouve le chemin de la demeure de l’ex-femme de Danton, Louise, âgée de dix-neuf ans, mariée précédemment à dix-sept, et qu’il obtient sa main.
Son mariage durera le restant de ses jours et se révélera prolixe, Louise donnant naissance à plusieurs enfants – mais chagrin lourd à porter, dont beaucoup décéderont en bas-âge ou durant la petite enfance.

Etienne Dupin traverse sans faillir la période révolutionnaire et arrive au Consulat avec l’image d’un trentenaire incontournable pour qui souhaite constituer les structures d’un Etat : Bonaparte ne s’y trompe pas, qui dans le cadre de son nouveau régime, décide de le muter comme préfet des Deux-Sèvres, l’un des deux départements où la Chouannerie fut active et cruellement réprimée.
Dupin prend en main une région épuisée par la guerre, défiante à l’égard du pouvoir central pour fait de religion et de misère. Et il va s’efforcer, pendant les quinze années que dure son service, de tout mettre en œuvre pour la réconciliation des parties de la population (concordat) et la reconstruction du territoire (politique d’instruction publique, promotion de l’agronomie).
Cet activisme va reposer sur sa connaissance approfondie des hommes et des territoires, qu’il va se forger grâce à de nombreux voyages et à la rédaction d’un mémoire statistique, utilisé pour l’établissement des premières géographies nationales de l’époque contemporaine.

Mal récompensé par le pouvoir napoléonien, qui lui fera porter la responsabilité de certains troubles cléricaux persistants dans les Deux-Sèvres, il bénéficiera du retour de la Restauration, qui le ramènera à Paris et le nommera en grande pompe à la cour des comptes, où il poursuivit avec assiduité son travail de service public jusqu’à sa mort, assez jeune, dans les années 1820 – peut-être épuisé par une vie de devoirs bien remplie.