Les Éditions de la Sorbonne publient une histoire de l’antimilitarisme au long cours, du début du 19ème siècle à nos jours.
La longue durée de l’antimilitarisme
L’ouvrage est dirigé par Éric Fournier qui a notamment travaillé sur la commune et Arnaud-Dominique Houte, spécialiste du 19ème siècle.
Il est composé de plus de quarante contributions, courtes, pour la plupart centrées sur la France et qui abordent des thèmes fort divers. Et ce sans compter les introductions de chaque partie. L’introduction permet aux auteurs de rappeler les recherches menées auparavant d’où des références à Raoul Girardet, Jean-Jacques Becker ou au livre militant de Alain Brossat et Jean-Yves PotelJean-Jacques Becker, Le Carnet B, les pouvoirs publics et l’antimilitarisme avant la guerre de 1914, Klincksieck, 1973 – Raoul Girardet, La Société militaire de 1815 à nos jours, Plon, 1953 – Alain Brossat et Jean-Yves Potel, Antimilitarisme et Révolution. Anthologie de l’antimilitarisme révolutionnaire, UGE, 1975. Mais elle permet aussi de préciser ce qu’ils entendent par antimilitarisme, « hostilité systématique envers l’institution militaire » mais qui, selon eux, ne se réduit pas à ses formes les plus radicales mais « infuse dans toute la société tant par les discours les plus militants que par les émotions ordinaires ». Soit une idéologie mais aussi des pratiques et des sensibilités. Définition qui permet d’inclure ce qui pourrait être jugé « infra-politique » : les plaintes envers la nourriture, l’autoritarisme de certains sous-officiers, la vie de caserne, la mauvaise qualité des transports pour les appelés…
Pour une chronologie de l’antimilitarisme
Pour les auteurs, l’antimilitarisme naît au 19ème siècle avec le développement de l’Etat, l’affirmation des modernités mais aussi l’essor des contestations révolutionnaires ainsi que les résistances à ces transformations. Le plan du livre est sagement chronologique. La première partie traite des origines de ce phénomène autour de la Deuxième République. C’est dans cette partie qu’est étudié le « conseil de révision » si important pour les jeunes hommes alors. Les années 1871-1914, sont présentées dans un deuxième temps, c’est le moment de « l’antimilitarisme révolutionnaire » qui vit certains, rares, mettre « Crosse en l’air ». La troisième partie porte sur un entre-deux-guerres qui s’étend jusqu’en 1944, au cours duquel des militants ouvriers et des intellectuels firent alliance contre la guerre du Rif. La quatrième partie est consacrée à l’antimilitarisme au temps des guerres de décolonisation qui ébranlent fortement l’institution militaire. Quant à la cinquième partie elle s’intéresse à l’antimilitarisme « des « années 68″ à la fin du service militaire » avec des contributions sur la bande dessinée où sont cités Franquin et Tardi.
Les multiples facettes de l’antimilitarisme
La diversité des contributions permet d’étudier de nombreuses facettes de l’antimilitarisme et de repérer les évolutions de celui-ci depuis le début du 19ème siècle. Sont ainsi présentés des acteurs, mais pas d’actrices, de l’antimilitarisme à des moments différents : Gustave Hervé, mutins de la mer Noire, Jacques Prévert, le général Pâris de la Bollardière, Cabu et d’autres encore. Sans oublier ceux qui font office de repoussoirs tels le « sous-off » ou les « soldats perdus ». La culture populaire a droit de cité avec l’iconographie, les chansons (Chanson de Craonne, Le déserteur de Boris Vian), la bande dessinée (Buck Danny)… Des lieux de mémoire sont évoqués : Larzac, Bâle (congrès socialiste de novembre 1912), monuments aux morts critiquant la guerre“Que maudite soit la guerre.” 15 monuments aux morts pacifistes. comme celui de Gentioux en Creuse… L’importance des guerres de décolonisation dans la présence antimilitariste est rappelée avec force, de la guerre du Rif à celle d’Algérie en passant par celle d’Indochine. Cependant, même en temps de paix , des expériences, communes et désagréables, ont contribué à nourrir un antimilitarisme qui dépassait largement les rangs militants des comités de soldats des « années 68 » : l’ennui dans la caserne, la « boule à zéro », les trains des permissionnaires… L’institution militaire est longtemps restée trop immobile en ces années de transformation de la société française. Autant de raisons qui expliquent la fin de la conscription décidée par Jacques Chirac en 1997.
Et au-delà des frontières ?
Une dernière partie, « Horizons internationaux » élargit la réflexion et permet de comparer l’antimilitarisme français avec celui qui s’est développé hors des frontières : en Allemagne, aux États-Unis, en Chine ou en Russie. Enfin un cahier iconographique et une bibliographie complète l’ouvrage.
Cet ouvrage historique peut intéresser les enseignants qui désireraient présenter un contrepoint en HGGSP. Il a aussi l’intérêt d’offrir des contributions courtes, qui éveilleront des regrets chez ceux qui ont des connaissances solides sur cette question, mais dont le grand nombre suscitera des curiosités et permettra d’aborder des facettes moins connues. Surtout, ces contributions pourront facilement être lues de manière profitable par des élèves de Terminales qui voudraient étudier tel ou tel aspect.