Résumer 150 ans d’histoire de France en chiffres, tableaux et statistiques. Voici ce que nous propose ce volumineux ouvrage conduit sous la direction d’Olivier Wieviorka. Cet ouvrage est une mine et, comme telle, il constitue un outil de travail pour l’enseignant. Dit autrement, c’est une sorte de Francoscopie, mais sur un siècle et demi.

Un outil clair et organisé

L’ouvrage s’organise en cinq grandes parties, à savoir la démographie, l’économie, la société, la politique et guerres et crises. Il s’agit donc d’entrées très larges, mais une fois qu’on entre dans un chapitre on trouve des sous parties avec une foule de chiffres, tableaux et références. L’ambition de l’ouvrage est clairement utilitaire car comme souligné dans l’introduction, « enseignants, nous avons en effet trop souvent souffert de rechercher parfois de longues heures durant, le chiffre, le taux ou la statistique qui manquait à nos cours… ». On ne citera pas tous les cours concernés par un tel ouvrage tant ils sont nombreux, mais on pourra prendre ponctuellement un exemple pour montrer la richesse de l’ensemble. Précisons que le lecteur n’est pas confronté directement à cet étalage de statistiques car chaque partie ou sous-partie « s’ouvre sur une brève introduction permettant de réinsérer les tableaux qui suivent dans une vue d’ensemble ». Comme souvent dans ce genre d’ouvrage, on aurait envie d’avoir un cd ou un aspect numérique qui permettrait de retrouver toutes ces informations. Ce qui est très pratique, c’est que chaque grande partie est très clairement chapitrée.

Démographie

Ainsi pour la démographie, on trouve trois thèmes et en tout douze entrées. Il y a également des focus et un lexique pour les chapitres et des sources. En 1870 la France métropolitaine compte plus de 38 millions d’habitants dont près de 68 % vivent en milieu rural. La France de 2012 est donc radicalement différente. Avant de livrer les tableaux statistiques, les points saillants sont bien mis en valeur. On peut ainsi rappeler que la durée moyenne de la vie s’allonge de 15 ans au XIX ème siècle et de 30 ans entre 1901 et 1991. Le divorce représentait 3 % des mariages en 1900, 10 % en 1960, plus de 30 % aujourd’hui. Le chapitre 2 de cette première partie est consacré à l’immigration et permet de remettre en perspective quelques faits. Il rappelle déjà que la France est un pays d’immigration ancienne.

Economie

Une des particularités de la France, c’est de connaître des taux de croissance économique moins spectaculaires qu’à l’étranger mais lorsqu’une crise survient elle est ressentie moins durement en France. On trouve ensuite une approche chronologique classique avant d’entamer un tour d’horizon par secteurs. « La France est encore un pays rural pour les trois quarts en 1851, pour deux tiers en 1900 pour moitié en 1931 ». Parmi les grandes idées à avoir en tête, notons que « l’épargne des Français représente huit fois leur revenu total ». Dernière particularité française, l’utilisation massive du chèque, deux tiers de tous les chèques de l’Union européenne !

Société

Entre 1931 et 1936, 1,3 million d’emplois industriels sont supprimés. Un chapitre traite de la police et de la justice et les auteurs n’oublient pas de rappeler que sur un tel thème les chiffres sont tout sauf évidents et résultent d’une construction intellectuelle qui peut changer selon les époques. Parmi les autres entrées, une sur les religions et une sur l’éducation. Au moment où il vient d’entrer au Panthéon, c’est l’occasion de rappeler que Jean Zay a créé plus de 1200 postes de professeurs et a étendu la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans. L’ensemble d’une scolarité, c’est plus de 116 000 euros pour un étudiant. Pour savoir à quoi ressemble le Français moyen, rien de mieux que les chiffres extraits des pratiques culturelles des Français entre 1973 et 2008. On trouvera par exemple le pourcentage de Français qui possèdent des livres ou ceux qui sont inscrits dans une médiathèque. Le livre propose d’intéressantes entrées sur la presse avec des chiffres de tirage selon les époques.

Politique

Vous trouverez évidemment les résultats des différentes élections présidentielles, législatives. Le chapitre 2 traite des électeurs et pourra s’avérer utile pour une des autres questions optionnelles en 1ère technologique, à savoir géographie électorale de la France. On trouvera ensuite une présentation des partis politiques, associations et mouvements parapolitiques. Au passage, c’est l’occasion de corriger certaines idées reçues. En effet la France n’est pas le pays le plus gréviste d’Europe et surtout, autrefois domaine privilégié du secteur privé, elles sont aujourd’hui l’apanage du secteur public. Toujours sur ce thème et notamment pour la question sur « gouverner la France » en terminale, on trouve pages 525-526 un tableau avec quelques grandes manifestations qui ont eu lieu en France de 1971 à 2015 avec des estimations pour chacune et leur motif.

Guerres et crises

Une des entrées est consacrée à l’affaire Dreyfus avec notamment une approche chiffrée sur la presse. Les auteurs évoquent ensuite les guerres du XX ème siècle avec par exemple un paragraphe sur une économie de guerre totale à propos de la Première guerre mondiale qui fournit des chiffres sur la production d’armes ou l’emploi des gaz toxiques. On a également une approche par catégories sociales qui insiste sur la saignée des élites et du monde rural. C’est tout aussi percutant pour la seconde Guerre mondiale avec un tableau sur les divisions de l’espace français qui montre le poids économique des différentes zones au moment où la France est coupée en deux. Les chapitres 7 et 8 proposent un bilan de la guerre d’Indochine et d’Algérie avant un focus sur les colonies en général.

Des chiffres auxquels vous n’auriez jamais pensé

Parmi les points très particuliers, on pourra noter un tableau qui récapitule les surfaces agricoles cultivées, productions, rendements et prix agricoles sur un siècle et demi. Vous pourrez connaître la production de pommes de terre ou celle de maïs. Quelques pages plus loin, vous pourrez connaître le cheptel animal selon les époques. Toujours dans l’idée de remettre en perspective, signalons un tableau de la page 135 sur les accidents corporels de la circulation routière qui est une façon de voir comment certains seuils ont été franchis . On sera de même frappé par le chiffre des années 70 quand plus de 15 000 personnes mouraient chaque année sur les routes sans susciter de grandes politiques de mobilisation de la part de l’Etat. Vous pourrez trouver l’évolution des équipements sportifs en France. Saviez vous qu’il y avait en 2011 26670 boulodromes ?

Cet ouvrage est donc indispensable, à ranger parmi nos utilitaires comme le Mourre ou un numéro récent de Francoscopie par exemple. C’est une mine, une ressource qui, certes, fournit des chiffres de référence, mais au passage avec une approche sur un siècle et demi, il donne plus que cela en recontextualisant l’évolution économique, sociale et politique de la France. Pour en avoir la preuve, rendez-vous sur Cliolycée.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.