Franck Thénard – Duvivier (Dir.)
100 livres d’histoire et de géographie pour enrichir sa culture générale et réussir les concours.
Préface Laurent Wirth. Ellipses marketing – 25 €

Ce livre est probablement né d’un constat, fait au fil des années par les professeurs en charge du recrutement de leurs futurs collègues, amenés à enseigner l’histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire. À cette question souvent posée, : « les étudiants lisent-ils encore ? », Un animateur de la Cliothèque a envie de continuer en interrogeant de façon sarcastique, : « les professeurs lisent-ils encore ? ».

Préfacé par l’actuel doyen de l’inspection générale, cet ouvrage présente une liste difficilement contestable d’ouvrages majeurs que tout préparationnaire aux concours d’enseignement, si tant est que leur existence soit maintenue dans les années à venir, se devrait de connaître à défaut de les avoir tous lus. On peut accepter l’augure du préfacier qui présente le postulat selon lequel les fiches de cet ouvrage inciteraient à aller vers les œuvres originales elles-mêmes. Mon pessimisme naturel m’incite à émettre quelques doutes.
Nous avons quelques raisons, une cent unième en fait, de présenter cet ouvrage. Il est, qu’on le veuille ou non, une sorte de synthèse de ce que fait la Cliothèque depuis plus de 10 ans, exercer une veille attentive sur l’état de la recherche historique et géographique en France. Et retrouver dans la liste des auteurs, au nombre de 12, comme des apôtres de la culture générale, l’animatrice de la Cliothèque de géographie, est évidemment un sujet de satisfaction.
Évidemment, on trouve dans ces 100 fiches l’essentiel des œuvres majeures qui ont, essentiellement depuis la deuxième moitié du XXe siècle, marqué nos disciplines. De Fernand Braudel à Pierre Lorrain, de Claude Nicolet avec le métier de citoyen dans la Rome républicaine, paru en 1976 à Jean-Marie Mayeur dans l’histoire du christianisme, on retrouve, lorsque l’on a lu au fil des années, ces ouvrages, dans la version complète, des moments intenses de satisfaction intellectuelle. Pour la géographie, ce sont souvent des ouvrages fondateurs qui sont traités, et l’on retrouve la rigueur habituelle de Catherine Didier Fèvre lorsqu’elle présente la révolution chorématique de Roger Brunet ou le grand classique de Pierre Georges, la géographie active, 1964 déjà !

C’est d’ailleurs une façon peut-être de développer une certaine frustration. Après tout, quels sont dans ces 100 livres cités, ceux que l’on n’a pas encore lus ? Beaucoup trop assurément, peut-être plus que ce que l’on pensait au final.
Mais ce livre va parfois au-delà de la révérence obligée aux grands maîtres et aux grands anciens. Les tendances les plus récentes de nos disciplines ne sont pas négligées, témoin cet ouvrage sur la géographie de Gauguin, de Jean-François Staszak.

Alors, pour répondre au préfacier de cet ouvrage, la question qui est posée va sans doute très au-delà de sa présentation comme « une ressource pour les professeurs qui enseignent l’histoire et la géographie dans les lycées et les aider notamment à mettre en œuvre les nouveaux programmes ». La question fondamentale qui est posée est bien de savoir si ces nouveaux programmes, tels qu’ils ont été conçus, s’inscrivent bien dans une démarche visant à la formation de l’esprit critique, ce qui est l’objet de nos disciplines, ou s’ils ne sont qu’une adaptation à la recherche d’un vague vernis culturel, dans lequel des références alibi serviraient de cache-misère.
Alors dans ce cas, cet ouvrage, malgré tout le respect et la considération que ses rédacteurs nous inspirent, aura bien atteint un but pervers, qu’ils ne souhaitaient assurément pas: celui de prendre acte d’un appauvrissement qui fait préférer l’ersatz au produit original, l’animation ludique à l’enseignement, le zapping à travers des liens hypertextes et des périodes historiques à un raisonnement construit.

Et dans ce cas là oui, même si encore une fois, les auteurs ne sont absolument pas en cause, on pourra parler de «trahison des clercs.»

Bruno Modica