Une première de couverture qui donne le ton : l’explosion d’un obus sur un champ de bataille, un très grand format, des couleurs sépia…Cet album ne va pas laisser le lecteur indifférent.

Et c’est en effet le cas, on ouvre le livre sur cette phrase, extraite d’une lettre : « Hélas, ma Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. Gustave. » Les pages suivantes voient ainsi défiler des illustrations toutes réalisées au pastel dans les tons sépia sans aucun texte.

Les dessins sont saisissants, terriblement superbes. La première double page s’ouvre sur une explosion, un lièvre hagard s’enfuit, ensuite un champ de bataille et des barbelés, un cheval abandonné ; des portraits presque grandeur nature d’un soldat français et d’un tirailleur sénégalais auxquels répondent quelques pages plus loin des portraits de gueules cassées. Les champs de bataille se succèdent sous la neige avec des silhouettes fantomatiques, des corps sans vie et des soldats dans les tranchées…une double page encore avec un pou (un toto) gigantesque, impressionnant. Les soldats sont présents, on ne voit pas leurs visages, cachés par des masques à gaz, ou visages remplacés par des crânes, corps déchiquetés, broyés par les balles ou les obus….La dernière illustration est d’ailleurs celle d’un crâne sous un casque entouré de corbeaux…

Le livre se conclut par des documents d’archives sur un poilu : photographie en pied, certificat de bonne conduite, médaille militaire, médaille de la Légion d’Honneur, sur la page d’en face, une enveloppe collée contenant la réponse d’Adèle à son époux…Elle s’interroge sur son silence, couche sur le papier toutes ses hypothèses, elle raconte le quotidien du village, le retour des gueules cassées et elle se demande comment Gustave va revenir…

Cet ouvrage sur la Grande Guerre est excellent. Les illustrations se suffisent à elles-mêmes, certaines sont cependant difficiles à voir et ne sont pas sans rappeler les œuvres d’Otto Dix… Le seul bémol à apporter est que la lettre n’est pas datée, et que les noms de famille ne correspondent pas entre le poilu et celui d’Adèle.

Si on envisage d’utiliser cet ouvrage en cycle 3, il sera à réserver aux plus grands et avec précaution, certaines images pouvant frapper l’imaginaire des enfants. On pourra l’intégrer dans un réseau d’ouvrages sur la Première Guerre mondiale afin d’apporter des explications sur le conflit, ce livre apportant plus de questions que de réponses. Cela étant dit, il sera un très bon support de discussion sur la Grande Guerre et sur ce qu’ont vécu les poilus, « nos arrières grands-pères courageux ».