Si le sous-titre annonce « Des solutions pour un retour de la végétation », le projet Reverdir le Sahara, du moins tel qu’il est présenté, tient plus de l’utopie que d’une étude réelle de faisabilité. L’auteur lui-même avoue que son « but est d’ouvrir une lucarne vers une vision »1
Jean-Edouard Buchter est Suisse. Ingénieur mécanicien il a enseigné la physique et les mathématiques. Aujourd’hui à la retraite, « il est habité par une vision : «Quand j’ai survolé le désert mauritanien et ses immensités inutilisées, j’ai imaginé une nouvelle société »2.
Le livre se présente comme la défense d’une thèse : Le plus grand désert du monde peut reverdir et sauver le monde si sa transformation est prise au sérieux. Son Sahara utopique pourrait non seulement garder ses habitants actuels, mais devenir une terre d’immigration. Dommage que l’ouvrage ne soit pas à la hauteur de cette ambition.
Les différents chapitres abordent des thématiques techniques, agronomiques, économiques et sociales mais sans réelles précisions, sans non plus de vraies références. C’est le plus souvent une juxtaposition d’informations qui ne constituent pas une démonstration
Le constat
La Sahara, d’après les peintures ou gravures rupestres a été verdoyant. Pour élargir son propos l’auteur associe de manière schématiques le Sahara vert de la préhistoire, la Silicon Valley et la fuite vers toujours plus de technologie, les migrations et le carbone.
La reconquête végétale
L’auteur reconnaît que les causes de l’arrêt de la mousson, africaine sont peu claires3, mais il invoque fortement le rôle de la néolithisation du Moyen-Orient.
Si des études sur les évolutions climatiques émettent l’hypothèse d’une augmentation de l’humidité dans la zone sahélienne, parler d’un basculement inversé semble prématuré. La formation à l’agroécologie suffira-t-elle à reverdir le Sahara?
Pionniers
Voilà une galerie de portraits d’hommes, de femmes, d’associations, certains sont assez détaillés pour que le lecteur puisse comprendre leur action. D’autres sont si courts (7 à 8 lignes) paraissent plus des slogans publicitaires.
Chantiers précurseurs
Le projet de la grande muraille verte, lancée en 2002 au sommet de N’Djamena, est financée par la communauté internationale. Un état de sa réalisation au Sénégal en montre les modes d’action et les effets. Un autre exemple cité au Burkina Faso4 est cité plus loin.
Le paragraphe consacré à la grande muraille verte chinoise n’est pas mis en relation avec le Sahara. Les techniques brièvement décrites seraient-elles utilisables en Afrique ?
L’eau !
Juxtaposition de remarques trop générales pour constituer un raisonnement, ce chapitre est un catalogue des eaux mobilisables des oueds saisonniers à la recharge des nappes souterraines ou à l’utilisation des fleuves sahéliens. L’auteur aborde ensuite des projets de plus en plus utopiques du détournement des eaux du Chari pour alimenter le lac Tchad à l’idée de puiser l’eau d’embouchures de fleuves qui serait acheminée par bateau-citernes : le fleuve Gambie, le Rhône et même l’Amazonie. Il passe en revue les eaux fossiles, le remorquage d’iceberg ou la condensation de la rosée.
De l’utopie à la réalité : chantiers et projets actuels
Ce chapitre présente succinctement quelques grands chantiers sans références aux sources utilisées : la nouvelle vallée à l’ouest de l’Égypte, le projet Transaqua du lac Kivu au lac Tchad, la grande rivière artificielle libyenne. Si les aspects géopolitiques sont évoqués, ils ne sont pas analysés.
Reverdir le Sahara
Un concept flou : « Reverdir la Sahara est un concept porteur de l’idée que ce désert peut redevenir une terre fertile, un pays habité par une population entreprenante, roche de ses racines terriennes, délivrées des fatalités climatiques et migratoires.
Reverdir le Sahara est un concept qui doit porter vers des actes. »5
De courts chapitres suivent : financement, partenariats, les deux faces de l’utopie (de l’Île de Pâques à Appolo13).
Trop d’affirmations non démontrées « Les États sahéliens et maghrébins sont actuellement à la pointe dans les projets de défense de l’environnement »6 ; les incertitudes politiques actuelles rendent moins optimistes.
1 Cité p. 156
2 Cité dans un article que le quotidien suisse Le Temps lui a consacré : Jean-Edouard Buchter, l’inclassable qui veut faire reverdir le Sahara
3 Voir p. 29
4 Il est présent dans une BD publiée cette année chez le même éditeur : Reverdir le Sahara, Gilles Scherlé, Lausanne, Editions Favre, 2020 – On peut aussi se reporter à ce rapport : Les Communautés Reverdissent le Sahel
5 Cité p. 141
6 Cité p. 145
Présentation sur le site de l’éditeur