Après un superbe cycle consacré au front de l’Est, L’Armée de l’ombre aux éditions Paquet, Olivier Speltens s’aventure ici dans un nouveau cycle, prévu en 3 tomes, chez le même éditeur. Le froid et la fureur des champs de bataille de l’Europe de l’Est et de l’URSS cèdent laissent ici place au sable et à la torpeur écrasante du désert, dont l’irrésistible appel emporta le verbe de T.E Lawrence. C’est ici, aux portes de la Grande mer de sable, que les compatriotes du héros romantique des Arabes affrontèrent entre mars 1941 et mai 1943 l’Afrikakorps de Rommel et ses alliés italiens. La guerre narrée du côté des perdants, voici un angle d’attaque particulièrement stimulant.

Le travail de Olivier Speltens est caractérisé par une recherche rigoureuse, en témoigne la bibliographie utilisée, mais aussi et surtout un dessin réaliste d’une grande qualité. La palette est dominée par les couleurs chaudes et l’ambiance aride est parfaitement rendue. Le travail sur la crasse, la poussière est efficace et le lecteur n’a pas de mal à sentir le poids de l’usure sur les hommes comme les machines, au cœur de cet enfer torride. Mais, plus encore et comme dans le cycle précédent, l’amateur modéliste trouvera son bonheur dans les nombreuses planches mettant en scène les Panzer III et autres Flack 18 meurtriers, pour les pauvres Crusaders I comme pour les Mathilda II. Assurément le travail technique est impeccable et la finesse des détails est un pur bonheur pour les amateurs.

Ce cycle qui débute nous permet de suivre le lieutenant Von Richter, officier de la 5ème division blindée légère, Otto, son mécanicien mais aussi Rommel qui construit ici sa légende dorée, tandis que la célèbre division italienne Ariete tente de relever le gant d’une guerre qui va la mener au désastre. Le récit est de facture classique : l’on suit notre groupe de soldats pris dans la tourmente d’un conflit qui s’enfonce dans les mirages vaporeux du désert. C’est assez immersif et les assauts sont très bien décrits à force de pause, de pièges tactiques, de champs de mines, d’encerclement de Tobrouk par les forces de l’Axe. Les conditions sont dantesques, l’eau rare, l’air vicié de ces boîtes de conserves blindées, chauffées à blanc par le soleil irradiant, épuisent hommes et matériels aussi certainement que les canons de 88 mm de l’Afrikakorps commencent à tisser les fils sinistres de leur légende en alignant mortellement leurs ciblent.

Pour être tout à fait honnête on pourra reprocher le peu de temps consacré à la densité humaine des différents acteurs. Le soldat est ici, quelque soit son rang, le jouet d’une course vers la mer, vers les grandes embardées pour encercler un adversaire. Peu de temps pour discuter et échanger, pour construire une psychologie fine des acteurs, le rythme est centré sur les faits, les escarmouches, les embuscades et autres duels de chars quasiment à bout portant.

Fort heureusement, au détour de certaines planches, Olivier Speltens parvient à toucher du doigt une humanité salvatrice pour donner un peu d’épaisseur au récit ; une scène de douche, un souvenir berlinois sont bienvenus pour nous permettre petit à petit de nous attacher à ces protagonistes que l’on retrouvera avec plaisir.

Ce premier tome s’achève sur l’échec de l’opération Battleaxe. Les Alliés viennent de découvrir avec amertume que Rommel et son Afrikakorps seront autrement plus difficiles à manœuvrer que les Italiens. Pour autant le regard du lieutenant Von Richter et de ses hommes ne laissent pas de doute. Tobrouk n’est pas tombée et la lutte est loin d’être achevée. Pour la DAK le chemin vers la victoire reste encore un mirage lointain.