Pourquoi rééditer ce livre de 1833 ?

Johann Gustav Droysen (1808-1884), historien allemand, publia Alexandre le Grand en 1833, qui deviendra son ouvrage le plus célèbre. Témoin d’une pensée marquée par Hegel, il fera paraître une Histoire de l’hellénisme, englobant les successeurs d’Alexandre le Grand.

Pierre Briant, professeur émérite au Collège de France (chaire Histoire et civilisation du monde achéménide et de l’empire d’Alexandre), est historien de l’Antiquité et auteur de nombreux ouvrages sur l’empire perse et sur Alexandre le Grand.

 

Voici la présentation de l’éditeur :

Né en Grèce en 356 avant J.-C., Alexandre le Grand, roi de Macédoine, est l’un des personnages les plus célèbres de l’Antiquité. Elève d’Aristote, fin stratège, il conquiert un empire qui s’étend de l’Indus à l’Asie Mineure et insuffle une unité politique entre Orient et Occident jamais retrouvée depuis lors. De son expédition à Persépolis au retour à Babylone, Droysen retrace la puissante et fougueuse personnalité du conquérant, sa stratégie, ses combats, ses affaires politiques et économiques. Epopée antique et véritable synthèse historique, cette biographie d’Alexandre le Grand par Droysen, longtemps restée dans l’oubli, est devenue une référence.

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Pourquoi rééditer ce livre de 1833 ? Et, surtout, pourquoi y consacrer un compte-rendu ? Voilà de bien curieuses idées !

La première raison est personnelle : votre serviteur travailla jadis beaucoup sur Alexandre. C’est donc un sujet familier. Or, figurez-vous que, pris par la lecture de Briant, Hammond et autre Bosworth, j’avais stupidement laissé Droysen de côté. Bien des années plus tard, je répare cet oubli coupable.

La deuxième raison tient au sujet, qui continue de fasciner. L’incipit de l’ouvrage de Droysen, dans ses différentes éditions, le rappelle bien : « Rares sont les individus et les peuples auxquels est dévolu le privilège d’une mission supérieure au seul fait d’exister » ; « Le nom d’Alexandre marque dans l’histoire du monde la fin d’une période et le début d’une ère nouvelle. »

C’est ce que rappelle d’ailleurs le préfacier de la présente édition, Pierre Briant, notre plus grand spécialiste de la question, dont le nom seul constitue une raison supplémentaire : votre serviteur lit à peu près tout ce qu’écrit Pierre Briant depuis trente ans.

Une autre raison est plus spécifique, voire aride : elle est historiographique. Le livre de Droysen, publié en 1833, à l’âge de 25 ans (!), marquait « le début d’une histoire scientifique ».  Droysen tranchait avec ses contemporains par l’utilisation d’une « méthode historique fondée explicitement sur le recours critique à une documentation diversifiée ». A l’inverse de la doctrine dominante de l’époque, qui voyait en la fin de l’âge grec classique une période de décadence, Droysen renversa la perspective, dans sa Geschichte des Hellenismus (qui reprenait, outre son Alexandre, son histoire des Diadoque et celle des Epigones, jusqu’à la mort de Cléopâtre en 30 av. J.-C.). Ce fut donc un historien majeur, charnière.

Droysen fait d’Alexandre le héros d’un hellenismus qui scelle l’union, par la conquête, de l’Orient et de l’Occident, aux antipodes de l’actuel Alexandre « post-colonial ». Sans vouloir entrer dans de stériles polémiques, il fait parfois du bien de retourner à une époque moins victimaire que la nôtre. On laissera à la lecture de l’œuvre de Pierre Briant, qui a tant fait pour « la connaissance conjointe du royaume macédonien et de l’empire achéménide », le soin d’un bilan plus complet, plus juste, plus équilibré.

Il y a une dernière raison, plus légère : à l’heure où l’on revient de la plage ou d’ailleurs, l’histoire d’Alexandre le Grand, racontée par Droysen, se lit comme une épopée. Pourquoi s’en priver ? La réalité y dépasse la fiction, tant il est vrai que les soldats d’Alexandre ont souvent cru vivre une sorte de rêve éveillé… comme ce peut être le cas d’un lecteur tenu en haleine pendant 700 pages.

Christophe CLAVEL

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