Nous croyons inutile de présenter Jean-Baptiste Duroselle (1917-1994), qui fut professeur à la Sorbonne et à l’IEP de Paris, et membre de l’Institut, entre autres.

Est-il plus utile de présenter André Kaspi, qui fut également professeur à la Sorbonne et n’a pris sa retraite universitaire qu’en 2006, ce qui lui laisse manifestement le temps d’écrire, pour notre plus grand plaisir.

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Duroselle comme Kaspi font partie de ces professeurs qui ont émaillé nos lectures. Nous avons tous eu en main « le Duroselle » en relations internationales (ou en Histoire diplomatique, pour les plus anciens), mais aussi « le Kaspi » sur les Américains, pour ne citer que celui-ci.

Sur les questions qui intéressent cette Histoire des relations internationales, on trouvera tout ou presque dans « le Duroselle/Kaspi ».

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Voici la présentation du tome I par l’éditeur :

En novembre 1918, la Grande Guerre prend fin. Vingt et un ans plus tard, l’Europe s’enflamme. L’incendie ne tarde pas à gagner le reste du monde. Comment expliquer l’échec des forces de paix ? Pourquoi les traités de l’après-Première Guerre mondiale n’ont-ils pas assuré la réconciliation entre les peuples ? Les États n’ont-ils pas su ou pas tenté de surmonter leurs tensions, leurs frictions et leurs revendications ? L’accession au pouvoir des dictateurs a-t-elle accéléré la marche à la guerre ?

La Seconde Guerre mondiale est totale. Cette fois-ci, de nouveaux acteurs occupent le devant de la scène internationale, à commencer par les États- Unis de Franklin Roosevelt, la Grande-Bretagne de Winston Churchill et l’Union soviétique de Joseph Staline. Ont-ils mieux réussi l’après-guerre que leurs prédécesseurs ? La sécurité collective triomphe-t-elle enfin avec la création de l’Organisation des Nations unies ? La défaite de l’Italie fasciste, la capitulation de l’Allemagne nazie, l’écrasement du Japon annoncent-ils un monde pacifique ?

Et les principaux thèmes abordés (il ne saurait être question de détailler davantage une table des matières très fournie, moins encore de faire un résumé de son contenu, dont les collègues n’auraient pas grand-chose à faire) :

La paix illusoire (1919-1933).

 

  1. Les premières conséquences des traités de paix.
  2. Les problèmes européens de 1922 à 1925.
  3. L’Europe et l’apogée de la sécurité collective (1925-1929).
  4. Les problèmes extra-européens de 1921 à 1929.
  5. Les premiers échecs de la sécurité collective (1929-1933).

L’époque d’Hitler (1933-1945).

  1. L’avènement d’Hitler et l’échec de la conférence du désarmement.
  2. Les crises de 1935 et 1936 en Europe.
  3. L’Anschluss et les crises tchécoslovaques (1937-1939).
  4. La crise polonaise et la déclaration de guerre.
  5. La phase européenne de la guerre (1939-1941).
  6. Les problèmes extra-européens de 1933 à 1941.
  7. Les relations internationales pendant la phase mondiale de la guerre (1941-1945).

Puis celle du tome II :

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, commence une guerre froide qui oppose les États-Unis et l’Union soviétique. Le monde est devenu bipolaire. Chacun des deux supergrands rassemble derrière lui des alliés et des clients. D’un côté, le camp socialiste : de l’autre, le monde libre. Bientôt apparaît une troisième force, qui tente de garder ses distances à l’égard des deux pôles principaux.

L’Union soviétique disparaît en 1991. Le temps de la guerre froide prend fin. Que sera le XXIe siècle ?

Sur tous les continents, des poudrières peuvent mettre ou ont déjà mis à feu et à sang des États, des régions, des villes. Partout, le terrorisme menace et tue. Face à la mondialisation de l’économie, de l’information, de la culture, les États-Unis, la Russie, la Chine ne veulent plus ou ne peuvent pas imposer des règles. Un monde bouleversé, incertain suscite l’angoisse.

Et les thèmes :

Le deuxième après-guerre (1945-1962).

  1. L’échec des grandes conférences internationales (1945-1947).
  2. La guerre froide et les conflits localisés (1948-1953).
  3. L’évolution de la guerre froide (1953-1957).
  4. L’ère des crises (1957-1962).

La fragile détente (1962-1985).

  1. Les difficultés des deux blocs (1962-1969).
  2. Le Tiers Monde dans les relations internationales de 1962 à 1973.
  3. La détente : espoirs et illusions (1969-1973).

Acteurs et facteurs internationaux dans la dernière décennie du XXe siècle.

  1. La Russie, héritière de l’Union soviétique.
  2. Les grandes puissances de l’Asie.
  3. L’Union européenne.
  4. Les foyers d’incendie.
  5. La solitude des Etats-Unis.

A l’aube du XXIe siècle.

  1. Un monde bouleversé.
  2. Un monde sans boussole.
  3. Un monde incertain.

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Alors, évidemment, on ne saurait demander à cette Histoire des relations internationales plus qu’il n’est dans son projet de donner. On sait à quel point Jean-Baptiste Duroselle se méfiait de l’Ecole des Annales : on ne trouvera donc point, dans ce manuel, d’analyses superstructurelles ou d’histoire totale. Point non plus de théorisation des relations internationales, ni d’analyses géopolitiques multiscalaires avec leurs emboîtements d’acteurs aussi contradictoires que complémentaires.

Rappelons toutefois que l’ouvrage était baptisé, jusqu’en 1986, Histoire diplomatique, et que c’est précisément Jean-Baptiste Duroselle qui, en collaboration avec Pierre Renouvin, a poussé à la mutation de l’histoire diplomatique traditionnelle vers une histoire des relations internationales. Sans aller jusqu’aux problématiques d’histoire totale, c’est déjà un pas considérable vers autre chose que l’histoire des chancelleries.

On nous permettra une critique envers ce monument. La partie d’actualisation – A l’aube du XXIe siècle – nous paraît décevante. Malgré d’intéressantes analyses d’André Kaspi, cette cinquantaine de pages est bien rapide, insuffisamment détaillée. L’auteur n’est pas en cause (comment le serait-il ?) : on passe du domaine de l’Histoire à celui de « l’Histoire du temps présent », pour lequel manque le recul nécessaire. Alors, bien sûr, il est plus vendeur d’intituler ce tome II « de 1945 à nos jours » : étudiants, professeurs ou simples curieux sont plus attirés par ce qui promet de donner des clés pour une période difficile à lire parce que nôtre. Mais est-ce là encore une « Histoire » des relations internationales ? N’eût-il pas mieux valu s’arrêter en 1991, voire en 2001 ? Quitte à se passer d’une « actualisation » remarquable mais qui ne peut offrir que ce qu’elle est ?

Un point important de déception : la bibliographie, quoique fournie (17 pages pour le tome I, 20 pages pour le tome II) et comprenant notamment des ouvrages en langue anglaise, plus rarement allemande, ne semble pas avoir été véritablement mise à jour. Celle du tome I ne semble pas aller au-delà de 2000. Celle du tome II ne fait guère mieux, puisqu’on n’y relèvera qu’un ouvrage de 2012 signé… André Kaspi. De deux choses l’une : soit il ne s’est rien écrit en relations internationales depuis le tournant du siècle (bon, d’accord, l’hypothèse est un peu faible), soit la bibliographie n’a pas été remise à jour depuis la 12e édition, précisément celle de 2001. C’est bien dommage pour un ouvrage qui sert à ce point de base de travail pour le premier cycle universitaire.

On se reportera utilement, pour ceux que cela passionne, au numéro spécial de la revue Relations internationales, 03-1995, « Jean-Baptiste Duroselle et l’histoire des relations internationales », ainsi qu’au livre dirigé par Robert Franck, Pour l’histoire des relations internationales, PUF, 2012.

Christophe CLAVEL

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