Jules Michelet le disait dès 1861 : « c’est par la mer qu’il convient de commencer toute géographie ». C’est d’autant plus vrai que la mondialisation est en réalité une maritimisation. Pour donc mieux comprendre les enjeux, Sylvain Domergue, docteur en géographie et spécialiste de géopolitique de la sécurité maritime, propose cet ouvrage éclairant et synthétique agrémenté de plusieurs cartes.
La mer, une évidence
L’ouvrage est structuré en trois parties portant successivement sur l’affirmation des enjeux maritimes, sur la puissance et sécurité maritime des enjeux géopolitiques et enfin sur la gouvernance sécuritaire des espaces maritimes. Il comprend en outre de nombreuses cartes. Ce manuel ne vise pas une approche encyclopédique mais il propose plutôt d’exposer les réflexions thématiques qui animent les situations géopolitiques du monde contemporain.
L’affirmation des enjeux maritimes
L’auteur souligne d’abord la dépendance croissante des économies modernes envers le secteur maritime. Il montre ainsi que c’est la Grande-Bretagne qui a accompli la maritimisation du monde. Ensuite, la conteneurisation s’est développée. En 2025, un porte-conteneurs moyen équivaut à 6 000 semi-remorques, 1 000 Airbus 380 en version cargo ou encore à un train de 350 kilomètres de long. L’auteur montre ensuite l’importance stratégique des câbles sous-marins. Ainsi, la mer est un espace-ressource sous tension. La production mondiale de poisson a explosé et trois zones spécifiques du Pacifique concentrent 50 % des captures. Il faut ajouter que les espaces maritimes sont devenus les premières zones de découvertes d’hydrocarbures. Quant au sable, c’est la deuxième ressource naturelle la plus consommée après l’eau.
Le plancher océanique devient la nouvelle frontière de l’industrie extractive.
Puissance et sécurité maritime : des enjeux géopolitiques
Dès le XVIIe siècle, Walter Raleigh proclamait que « qui tient la mer tient le commerce du monde, qui tient le commerce tient la richesse ». Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la Pax Americana s’exprime en mer par le positionnement des flottes américaines sur tous les océans. La stratégie navale est consubstantielle de la stratégie globale des États. On peut aussi parler d’une diplomatie navale, nouvelle déclinaison du smart power.
Le chapitre suivant revient sur la territorialisation des mers et des océans. Les grandes étapes historiques sont présentées jusqu’à la convention de Montego Bay. Le cas de la France est détaillé. En tout cas, on peut considérer que cette territorialisation accentue les tensions interétatiques et l’auteur s’arrête sur la stratégie chinoise très offensive. D’autres exemples régionaux sont traités, notamment l’Arctique, ce qui permet de relativiser les risques d’affrontement, du moins dans cette zone.
Le cinquième chapitre se penche sur l’ère de la sécurité maritime, terme récemment créé. La mer est aujourd’hui le lieu privilégié du développement des trafics illicites. A cela s’ajoutent la piraterie et le brigandage maritime.
La gouvernance sécuritaire des espaces maritimes : un nécessaire dialogue d’échelles
La communauté internationale a progressivement reconnu la nécessité d’un cadre de gouvernance collective pour les océans. Élaborer une gouvernance des espaces maritimes ne peut donc occulter certaines évidences : les États demeurent le principal acteur de l’élaboration, de la mise en application et de la garantie de réglementations en mer. L’auteur s’arrête sur le cas du Brésil autour du concept de l’Amazonia Azul. D’autres cas sont abordés comme la mer Baltique.
Le chapitre suivant montre les tensions entre la maille nationale et l’affirmation des mécanismes de gouvernance régionale. Deux formes de régionalisation apparaissent : top-down où des institutions supérieures imposent des structures de gouvernance régionales et bottom-up où les acteurs locaux s’organisent pour répondre à des enjeux spécifiques.
Les enjeux sécuritaires en mer sont transnationaux et ne peuvent plus être appréhendés sous le seul prisme national. Si la France souhaite demeurer une puissance mondiale, elle doit s’assurer de rester une puissance maritime. Cet ouvrage permet d’actualiser le cours de Terminale tronc commun de façon efficace, notamment grâce aux cartes qu’il contient et aux exemples récents.