La campagne de 1814 est souvent présentée comme une des mieux menée par Napoléon, alors qu’elle aboutit cependant à sa première abdication. Le bicentenaire de cette campagne a donné lieu à de nombreuses parutions dont celle de Jacques-Olivier Boudon chroniquée par Guillaume Levêque. C’est donc avec un certain décalage par rapport à cette vague que Pascal Cyr publie son ouvrage.
Cet historien, enseignant à l’université de Sherbrooke, est auteur de plusieurs ouvrages sur la période impériale, en particulier un Waterloo : origines et enjeux qui avait été chroniqué par la Cliothèque. Dans son ouvrage, Pascal Cyr adopte une approche globale qui ne se limite pas à la seule étude des évènements du front Champenois : les aspects économiques et les autres fronts sont aussi étudiés.

Un pays en difficulté
Les deux premiers chapitres de l’ouvrage traitent de la situation diplomatique et de l’état politique et économique du pays. Pascal Cyr montre la fragilité de la situation impériale face à des coalisés qui négocient sur des bases dures. Même ses anciens maréchaux comme Murat sont contre lui et la libération du pape ne produit pas les effets attendus. L’empire est isolé. A l’intérieur du pays, les royalistes prennent espoir tandis qu’au corps législatif une partie des députés conteste le pouvoir impérial.
Pascal Cyr ne s’étend pas cependant sur les causes de l’attitude des députés libéraux ou celle des coalisés et nous présente un Napoléon qui ne semble guère avoir de responsabilité dans cette situation. L’auteur est plus convaincant quand il traite de la situation matérielle. L’argent, les armes manquent. il est difficile d’équiper et même de nourrir les troupes en formation. Quant à leur nombre, là aussi le décalage se révèle important entre les données théoriques de l’Empereur et la réalité de ce que l’on arrive à mobiliser dans le pays. Un problème qui va durer toute la campagne et s’aggraver au fur et à mesure de la perte de contrôle de nouveaux territoires. Napoléon ne semble pas être conscient de cet écart au vu des instructions et ordres envoyés.

Succès et défaites.
Le déroulement de la campagne elle-même occupe la plus grande partie de l’ouvrage. Comme dans la plupart des ouvrages récents, l’auteur ne se limite pas au front champenois et évoque aussi les autres théâtres d’opération que sont la Belgique, le sud-ouest, la région lyonnaise, l’Italie. Des fronts souvent délaissés par l’historiographie car loin de l’empereur. Ceux qui y commandent sont en général la cible des défenseurs de la cause impériale qui leur reprochent leur incapacité à vaincre les coalisés. Or la réalité est que sur tous ces fronts, les troupes françaises sont en grande infériorité numérique et qualitative et ne peuvent que tenter de retarder l’inéluctable. Les reproches fait à un Soult ou à un Augereau sont largement immérités au vu de la situation stratégique.
Une tendance lourde de la mémoire collective qui joue aussi sur le front principal où les succès de l’empereur sont glorifiés, les erreurs de ses généraux pointés du doigt, mais celles du maître passées sous silence. Le récit des batailles s’appuie sur quelques cartes claires. Il manque cependant la carte générale des opérations qui serait bien utile à la compréhension de cette campagne. En effet Napoléon construit ses succès avant la bataille par ses manœuvres entre les armées de Bohème et de Silésie. Il compense par ses mouvements son infériorité numérique globale, cela lui permet d’obtenir des succès locaux. Il échoue cependant à imposer son tempo aux coalisés qui finissent par marcher sur Paris où ils entrent malgré la résistance farouche de Marmont et Mortier le 30 mars

En conclusion
Pascal Cyr nous livre une étude plutôt classique de cette campagne de France, faisant une large part aux opération militaires. Son ouvrage constitue ainsi une bonne approche de ces évènements et de ces « 6 jours de gloire » pour celui qui aime l’histoire-bataille. Il complète cependant celle-ci par la prise en compte des fronts périphériques et des difficultés économiques. On peut cependant regretter qu’il n’aille pas plus loin dans l’analyse de l’état social et politique du pays.

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau