L’indispensable collection «  Mythes et réalités » propose un nouveau titre consacré à l’apprentissage à distance. Comme pour chaque livre de cette collection on trouve une affirmation qui est ensuite discutée pour faire la part du vrai et du faux, le tout rigoureusement étayé par des articles de référence.

Les auteurs

Eric Sanchez est professeur en technologies éducatives, membre de l’Unité Technologies de formation et apprentissage (TEFCA) de la faculté de psychologie et sciences de l’éducation de l’Université de Genève et responsable du Laboratoire d’Innovation Pédagogique (LIP). Elsa Paukovics est chercheuse et spécialiste en technologies éducatives et membre également du TEFCA. Autour d’eux, ce ne sont donc pas moins de dix-sept experts du domaine qui s’occupent de déconstruire ces mythes.

Apprendre à distance : de quoi parle-t-on ?

La pandémie a pu faire croire qu’apprendre à distance était une forme d’apprentissage nouvelle ce qui n’est pas le cas. Elle ne peut pas être réduite à une question technique. Dès le départ il convient de clarifier la distinction entre « formation à distance » et « enseignement à distance ». La première repose sur la diffusion d’un programme entièrement à distance. Le second représente plutôt une activité enseignante transposée à distance par l’enseignant. La recherche en tout cas est active mais les résultats sont encore largement ignorés.

La crise sanitaire a donné la possibilité de faire de l’enseignement à distance

L’enseignement à distance ne consiste pas à simplement mettre en ligne des ressources pédagogiques. Au moment du confinement et, au fur et à mesure que le temps passait, les enseignants ont estimé qu’il devenait difficile de ne proposer que des contenus déjà abordés en classe. Les enquêtes montrent que les pratiques scolaires alors développées n’ont pas donné lieu à des changements profonds des pratiques éducatives.

Le e-learning, c’est de l’apprentissage à distance

La formation en ligne permet d’accéder à d’immenses possibilités d’enrichissements et rapprochements entre des acteurs variés. La formation en ligne repose sur certaines caractéristiques de la formation à distance lorsque cela est nécessaire mais mise avant tout sur les possibilités qu’offrent les outils et logiciels connectés. Autrement dit, le e-learning peut être bien plus que de l’apprentissage à distance.

Enseigner et apprendre à distance sont des activités solitaires

Les interactions avec les apprenants sont possibles même si elles sont différentes de celles qui peuvent exister en classe. Pour diminuer la distance en enseignement à distance, de nombreux auteurs proposent d’agir sur trois tableaux : la présence pédagogique, sociocognitive et socioaffective. L’idée est que les participants aient le sentiment d’appartenir à une communauté d’apprentissage.

Un cours à distance est un cours en présentiel mis en ligne

Il y a aujourd’hui un consensus sur l’importance de l’ingénierie pédagogique c’est-à-dire pour choisir les bons outils techniques et numériques. C’est une tâche complexe et chronophage d’adapter son cours à ce changement. Il faut aussi pour les étudiants apprendre à apprendre à distance. Dans cette situation aussi le rôle de l’enseignant comme tuteur est renforcé et il faut particulièrement travailler sur les rétroactions.

Concevoir un cours en ligne, c’est du bricolage

Les auteurs présentent plusieurs solutions d’aide pour concevoir des cours en ligne comme la méthode ADDIE ou ICAP. Dans ce dernier on distingue quatre modes d’engagement cognitif des apprenants lors d’une activité, un mode passif, actif, constructif et interactif. Il y a aussi la méthode 4C/ID qui prend appui sur la théorie de la charge cognitive et qui se centre sur la conception de tâches inspirées de situations de la vie réelle. Il est en tout cas toujours fondamental de se questionner sur l’engagement des étudiants dans les activités prévues.

Pour enseigner à distance, il faut se filmer en train de faire cours

Aucune recherche n’a jamais conclu qu’enseigner à distance signifiait savoir réaliser des vidéos. Néanmoins on peut citer les travaux de Batier qui a catégorisé les vidéos utilisées dans le cadre de formation à distance en six familles : les vidéos teaser, syllabus, de consignes, de contenus, de debriefing, produites par les enseignants.

En formation à distance, il faut privilégier les médias visuels par rapport au texte

Toutes les visualisations ne se valent pas car elles peuvent avoir pour fonction la décoration, la représentation, l’organisation ou l’interprétation. Les visualisations sont utiles lorsqu’elles permettent de représenter visuellement des relations fonctionnelles difficiles à imaginer ou qu’elles fournissent une image d’un phénomène mal connu.

Avec la formation à distance, l’enseignant sait précisément ce que fait et sait l’apprenant

Le fait de donner accès aux traces produites par un apprenant à un enseignant peut avoir des effets contre-productifs du point de vue de l’apprentissage. Un apprenant épié peut mettre en place des stratégies qui consistent à éviter de faire des erreurs alors que celle-ci est constitutive du processus d’apprentissage.

En formation à distance, l’enseignant perd la propriété de ses cours

Cette entrée s’intéresse au concept de commun de la connaissance. Le mouvement des communs s’intéresse au libre-usage des biens de service et plus généralement de tout ce que l’humanité a en partage. Le numérique rabat les cartes sociales et les positions acquises. On peut citer comme exemple Wikipedia. L’enjeu est de s’opposer à la mise en concurrence généralisée et à l’emprise des intérêts mercantiles sur la production et le partage des savoirs.

La formation à distance est avant tout une question de maitrise des technologies

L’histoire des technologies est pavée de telles utopies. Les débats actuels sur l’apprentissage à distance ne sont pas nouveaux et resurgissent dès qu’un nouveau média apparait. Les auteurs évoquent plusieurs cas à ce propos. Par ailleurs, les enseignants s’approprient plus facilement des ressources de taille réduite qu’ils peuvent intégrer à leurs cours plutôt que des séquences complètes. L ‘atteinte des objectifs d’une formation à distance est affaire de dispositif et non d’outils.

Comme pour les autres volumes de la série, il faut saluer la qualité, la concision et la richesse de cet ouvrage. Balayant plusieurs mythes, il donne des informations précieuses sur l’enseignement à distance. A lire comme les autres absolument.