C’est avec l’objectif de développer la créativité des enseignants et de susciter la motivation des élèves que Yann Vacher, formateur à l’INSPE de Corse, a souhaité diriger cet ouvrage adressé aux enseignants du premier degré (l’équivalent existe pour le second degré).

L’auteur souhaite justement didactiser le processus de transposition didactique tout en n’étant pas trop disciplinaire…mais c’est là qu’est le jeu d’équilibriste puisque la didactique est, par définition, disciplinaire.

Le propos introductif général comporte quelques bonnes idées et regards pertinents sur la profession : les enseignants chevronnés semblent décliner les activités avec facilité mais ils ont des stratégies pour faire accéder les élèves aux savoirs ; il faut tâcher de réduire la distance entre les contenus d’enseignement et les contenus d’apprentissage (le contenu est à la fois la fin et le moyen) ; les contenus peuvent s’établir en dehors d’une logique unidirectionnelle et descendante ; les activités elles-mêmes permettent la rencontre entre les contenus et les élèves ; un contenu n’est pas forcément signifiant dans l’absolu (il faut le contextualiser dans une activité, une progression, le faire se compléter avec d’autres éléments d’enseignement).

Quatre axes didactiques apparaissent complémentaires : trouver un savoir qui sera accessible, qui aura du sens, qui sera différenciable, qui permettra de réfléchir sur « l’apprendre à apprendre ». Un cinquième chapeautera l’ensemble : celui de la motivation (« un contenu lui-même est susceptible de motiver l’élève à entrer dans l’apprentissage »).

On trouvera, page 16, un bon schéma qui déroule 4 étapes chronologiques : une sélection de contenu (via la transposition didactique ou les pratiques sociales de référence), l’établissement d’un curriculum formel (la préparation), puis d’un curriculum enseigné (les savoirs émis lors de l’animation de la séance) et enfin d’un curriculum réel (ce que l’élève aura retenu, compris).

On appréciera aussi que soit appuyée l’idée que la différenciation n’est pas seulement une histoire de variation du style cognitif mais aussi de sélection du niveau de complexité du contenu.

La suite de l’ouvrage déroule 9 processus pas nécessairement cumulatifs et propose des illustrations dans différentes disciplines et différents cycles.

1/La sélection : pour sélectionner, trier, il faut être finalement en « veille permanente » (un travail relativement « invisible » aux yeux des non-initiés).

2/Il faut ensuite articuler : penser dans la durée, séquencer, c’est la phase de conception.

3/Il faut également illustrer. Le mot et l’idée sont parfois temporairement trop éloignés et trop complexes pour les capacités des élèves. L’illustration peut être une béquille pour les élèves en situation de « dys ». Mais attention avec les illustrations, il faut les distribuer progressivement sinon l’attraction des élèves se détournent vite vers ce qui est visuel.

4/La comparaison peut motiver, donner du sens et remobiliser. Elle fait un détour par ce qui est connu pour aller vers du neuf. La multiplicité des caractéristiques objets comparés est énorme (visibles, audibles, niveau de complexité…) et le géographe tout comme l’historien s’arrêtera sur le caractère culturel des objets à comparer : il est noté qu’il ne doit pas y avoir là une source possible de discrimination mais l’espace pratiqué peut justement être un vecteur d’enrichissement mutuel si l’enseignant arrive à le mobiliser.

5/La différenciation, pas dans son acception pédagogique, mais réellement relative au contenu peut accepter une certaine gradation de distance du contenu. Il est d’ailleurs des domaines où la différenciation est constitutive : en art, il est impossible d’arriver à deux productions identiques.

6/L’expérimentation différencie le fait de faire une expérience ou de vivre une expérience. Les faits nous rapportent que c’est avec les plus jeunes que celles-ci sont mobilisées mais les expériences sont tout aussi pertinentes avec les plus grands.

7/La simplification/complexification peut jouer sur le nombre de contenus, le niveau d’abstraction, la durée, la variété des ressources.

8/Varier/reformuler se fait dans les formes verbales, physiques et pratiquées de l’objet étudié.

9/Transformer permet de passer par un « temporairement fonctionnel », on pense ici aux règles de français notamment, celles qui « ne s’appliquent pas tout le temps mais presque ».

En définitive, cet ouvrage apporte une belle réflexion théorique sur un point central qui reste souvent négligé et sacrifié sur l’autel de la pédagogie et de la mise en forme des séances/séquences : les contenus se doivent d’être pensés finement pour pouvoir être pertinents et apporter à l’élève. Il mériterait des exemples sans doute plus opérationnels encore pour les grands débutants dans le métier mais, pour les plus aguerris, il permet de prendre une belle hauteur sur les pratiques avec un ton de parole tout à fait adapté à la fois solide et sans fausse modestie.