Ce Carnet de Territoire POPSU (Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines) est le résultat d’une recherche au croisement des théories et des pratiques de l’ethnographie, de l’aménagement et de la recherche-action. Elle est retranscrite par Ornella Zaza, designer et docteur en aménagement et urbanisme, Alessia de Biase, professeur d’anthropologie urbaine et César Gélvez-Espinel, titulaire d’un doctorat sur les technologies mobiles dans le tourisme à l’université de Grenoble-Alpes.

Arvieu est une petite commune de l’Aveyron de 800 habitants, classée en « zone de revitalisation rurale ».

Mal desservie, elle souffre d’une baisse démographique significative ainsi que d’une perte sensible de services de proximité. Le village est pourtant présenté comme « un village numérique » qui a réussi. En effet, la stratégie de développement local entreprise par la commune depuis 2019 se concentre principalement sur le cœur du village transformé en une « zone d’aménagement numérique ». L’opération se structure autour de l’ouverture d’un tiers-lieu, géré conjointement par les acteurs locaux publics et les acteurs locaux privés. Depuis, le village regorge de nouveaux projets, portés tant par la collectivité et les habitants que par les nouveaux arrivants attirés par le récent dynamisme de la commune. Se pose alors la question des conditions permettant ou empêchant l’émergence de ces projets dans des espaces ruraux, parfois très éloignés des métropoles.

Premier point d’appui, Arvieu jouit depuis longtemps d’une réputation de « village terre d’accueil »

Le village est connu pour ses premières structures touristiques autour du barrage de Pareloup mais aussi pour ses foires et ses fêtes villageoises. Son enclavement, loin des pôles urbains comme Rodez, l’empêche de devenir un village-dortoir et peut aussi être perçu comme une opportunité à  l’émergence de nouvelles stratégies de développement local. Le tiers-lieu d’Arvieu incarne le choix de parier sur l’innovation par le numérique pour contrer la crise de la ruralité.

Sa réussite s’explique par l’engagement de la petite commune

Elle est secondée ensuite par l’intercommunalité mais aussi par l’émergence d’initiatives portées par des acteurs économiques ou des habitants réunis en association. Le Jardin d’Arvieu, tiers-lieu numérique, naît de cet héritage d’une gouvernance partagée pour le développement local entre action publique, engagement associatif et entreprenariat. Le projet, lancé en 2019, rassemble autour de la même place la médiathèque et sa cyberbase, une nouvelle salle de spectacle, une cuisine collective, des bureaux en location, un espace de coworking. Il a vu le jour grâce à une vision municipale et à des financements privés. Ce partenariat public-privé se poursuit dans le cadre d’autres projets comme celui de coliving au Château d’Arvieu.

La réussite de ces projets est le résultat d’interactions entre 5 figures : les facilitateurs (l’action publique), les visionnaires (compétents en ingénierie territoriale), les « blancs-becs » (les nouveaux porteurs de projet dans la commune) les connecteurs (permettant une meilleure acceptabilité sociale des projets) et les bénévoles (nécessaires à la réussite).

La recherche résumée dans ce cahier, montre que le projet local peut s’imposer comme une nouvelle logique pour contrer la crise des petits villages de France à la conditions que certains ingrédients, liés aux acteurs et à leurs interactions, soient présents.

Trois facteurs, expliquant la réussite d’un tel projet, peuvent être décelés : un système de gouvernance spécifique, des réseaux de sociabilité rurale existants, les trajectoires personnelles et professionnelles des divers acteurs. L’innovation numérique semble peu influencer ces mécanismes  et n’est finalement qu’un « prétexte ». Pour dupliquer cette réussite à Arvieu, il s’agit bien de penser l’innovation numérique comme un domaine transversal au développement des territoires ruraux pour ne pas la limiter à une approche sectorielle et mieux l’intégrer dans les territoires.

Un petit cahier bien utile pour mettre au point une étude de cas intéressante pour des élèves de 3ème ou de 1ère en Géographie. On notera particulièrement l’utilisation d’une cible, au potentiel pédagogique certain, présentant les jeux d’acteurs, selon leur statut et leurs actions, à différentes échelles.