La multiplication des atlas du monde ou de la mondialisation à destination du grand public est un phénomène éditorial marquants de ces dernières années, qui témoigne d’un désir largement partagé de comprendre notre monde et ses évolutions. L’Atlas de la mondialisation de Sciences Po tient dans cette production une place à part par la qualité et la richesse de son contenu.
Il débute par une réflexion sur la cartographie et les moyens de représenter sous forme graphique les statistiques. Encore faut-il disposer de chiffres fiables, ce qui est le cas en Europe grâce à Eurostat et au Brésil grâce à l’IBGE, mais beaucoup moins ailleurs, malgré les productions de l’ONU et d’autres organisations internationales. La première partie à proprement parler aborde les grandes évolutions démographique (urbanisation, migration passées et présentes, santé, savoirs…), bien connues des enseignants. C’est donc plutôt dans les chapitres suivants que l’on trouvera matière à approfondir ses connaissances.
Acteurs régionaux et internationaux
La deuxième partie traite des différentes organisations régionales ; elle permet de faire ressortir la spécificité européenne par comparaison avec les autres structures. En Asie, l’ASEAN, fondée en 1967 pour lutter contre le communisme, s’est transformée dans les années 1990 en organisation pour favoriser le commerce entre ses membres (et, après la crise de 1997, a créé une structure qui intègre également la Chine, le Japon et la Corée du Sud), dont la diversité empêche l’émergence de structures réellement transnationales : l’espace régional étant structuré par la division internationale du travail, tendre à l’homogénéisation comme le fait l’Union Européenne n’aurait pas de sens. L’Afrique comprend également de nombreuses organisations, monétaires (par exemple pour gérer le franc CFA) ou politique, comme l’Organisation de l’Unité Africaine, fondée en 1963 et devenue l’Union Africaine en 2001 – dont le Maroc n’est pas membre en raison des tensions autour du Sahara occidental – mais qui peine à s’imposer comme un acteur majeur. En Amérique du sud, les premières tentatives ne donnèrent pas grand chose avant le retour des démocraties et les années 1990 : en 1991 l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay fondèrent le Mercosur, destiné à être une union douanière et un marché commun, mais dont l’évolution fut freinée par les crises brésiliennes (1998-99) puis argentines (2001). Sa relance récente et la tentative de réunir tous les pays d’Amérique du sud dans une Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR, 2007) se heurte à l’existence d’autres organisations comme la Communauté Andine des Nations et la plus récente Alternative Bolivarienne pour les Amériques fondée par Hugo Chavez en 2001. L’UNASUR, qui devrait permettre de renforcer le poids de la région en particulier dans les négociations avec l’Amérique du nord, demeure peu approfondie et institutionnalisée.
La troisième partie porte sur les acteurs de la mondialisation : FTN, société civile, ONG, médias…
Les grands problèmes du monde
La quatrième partie, consacrée aux identités, analyse entre autre les « États manqué », le rôle politique des religions et leur déterritorialisation croissante, réussie pour les évangélistes protestants et les salafistes, beaucoup plus difficile dans le cas de religions fortement ancrées dans un territoire et une nation comme les Églises orthodoxes. Logiquement, la suite est consacrée aux conflits et à la transformation de leur nature, avec en particulier une très intéressante carte du « système des conflits » au Darfour et dans les régions voisines (p. 89), ainsi qu’une analyse des proliférations et de la complexification des missions de paix. Suit un ensemble plus flou sur « Notre avenir à tous », sur la nourriture, les énergies, les problèmes de règlement du commerce international et de gouvernance mondiale, ainsi que d’environnement.
Le Brésil
La dernière partie est donc consacrée à un éclairage sur le Brésil. Elle offre un excellent résumé de l’histoire de ce pays et son insertion progressive dans la mondialisation, en rappelant les limites de la politique économique volontariste menée à partir des années 1950, qui visait à substituer des productions locales aux importations : si elle permit certaines réussites sur le plan économique, elle ne réduisit nullement les écarts sociaux, bien au contraire. Après le retour à la démocratie en 1988 et la fin de la Guerre Froide, le Brésil choisit de libéraliser de son économie, privatisa nombre d’entreprises et promut le commerce international, en particulier avec ses voisins, puisque les relations avec l’Argentine s’étaient apaisées. Cette orientation lui a permis de devenir une puissance politique et économique (et la carte du commerce extérieure p. 124 montre bien la diversification des partenaires commerciaux du Brésil, gage de puissance et d’indépendance) et de commencer à réduire les inégalités les plus criantes, mais elle a également entraîné une surexploitation des ressources naturelles et une aggravation des problèmes écologiques. Ce chapitre vient donc très utilement compléter ce que proposent les manuels de terminale.
Suit un ensemble de définitions dont l’utilité est parfois contestable (à quoi sert d’expliquer qu’il est impossible de définir « religion »?), mais qui peut aussi rendre des services. L’ouvrage vaut aussi et peut-être avant tout par le soin apporté à sa réalisation : les textes sont denses, bien pensés et mis en page, et surtout les cartes sont extrêmement intéressantes et bien réalisées. Sans révolutionner notre compréhension de la mondialisation, cet atlas projette donc sur ce phénomène un éclairage complémentaire à celui des manuels, d’autant qu’il utilise des statistiques très récentes et permet ainsi des mises à jour utiles.
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