Professeur émérite en géographie agricole et rurale, membre de l’Académie d’agriculture de France, Jean-Paul Charvet réactualiseédition 2010 et édition 2012 son Atlas de l’agriculture selon une vision multiscalaire propre à la collection. De nombreux documents idoines pourront illustrer nos études de cas du secondaire. Après une double page d’introduction sur les agricultures qui nourriront le monde en 2050, l’ouvrage se divise en six chapitres scandés de doubles pages thématiques bien illustrées avec des cartes, cela va sans dire, mais aussi de diagrammes et de schémas très explicites,variant ainsi les supports.
Les défis du présent et du futur rappellent que la sécurité alimentaire est loin d’être assurée aujourd’hui. Le sera-t-elle dans l’avenir ? Notre planète, dans un contexte global où la demande alimentaire s’accroit, connait des situations contrastées. 2 milliards de personnes souffrent de sous-nutrition ou de malnutrition alors que le même nombre se nourrit de façon excessive. Les systèmes alimentaires vont de l’agriculture vivrière locale à la production mondialisée même si les circuits courts sont en progression. Dans ce contexte, les terres agricoles prennent une valeur stratégique croissante et les conflits d’usage de l’eau se multiplient.
Les facteurs d’évolution de la demande alimentaire combinent l’enrichissement d’une part de la population surtout chez les émergents et l’augmentation de la consommation carnée, donc indirectement de celle des grains. L’urbanisation génère des tensions entre étalement urbain et terres agricoles (Shanghai p.27). Les besoins alimentaires sont à la fois quantitatifs ; pour satisfaire 10 milliards d’hommes en 2050, la production agricole devra augmenter de deux tiers par rapport à celle de 2000, ce qui pose le problème des biocarburants ; et au niveau qualitatif où des critères sanitaires sont de plus en plus convoqués. Sur ces points s’opposent les visions malthusiennes qui stipulent que la demande alimentaire ne pourra être satisfaite et les partisans de l’abondance (les cornucopiens, de cornu copia, la corne d’abondance) qui pensent une croissance agricole possible grâce aux avancées scientifiques. Les dernières pages de ce chapitre, centré sur la France, p. 32 à 35 sont particulièrement intéressantes pour varier nos documents en classe (la consommation alimentaire des Français, l’évolution des menus depuis 1970…)
L’accroissement de la production alimentaire ne peut se faire par un accroissement illimité des surfaces cultivées. L’auteur prévoit qu’il faudra compter sur l’augmentation des rendements dans la lignée de la révolution verte du Sud, un modèle productiviste qui concernera toute la Terre avec un décalage dans les niveaux de moto-mécanisation. De forts contrastes persistent, par exemple entre les campagnes asiatiques largement mécanisées et les milieux africains. Cependant Jean-Paul Charvet estime que les systèmes productivistes grands consommateurs d’intrants sont préconisés quand les densités de population augmentent, ce qui sera nuancé dans le chapitre suivant.
Les échanges internationaux de produits agricoles et agroalimentaires augmentent en valeur absolue mais la volatilité accrue des prix sur les denrées cotées pose la question d’une réglementation plus stricte des échanges de ces produits.
Agriculture et développement durable. Les activités agricoles sont responsables de 24 % des émissions mondiales de GES (Gaz à effet de serre). Cependant l’agriculture peut participer à l’atténuation des changements climatiques par la préservation des surfaces en herbe favorables à la fixation du carbone dans le sol et grâce aux usines de méthanisation qui traitent les déjections animales et produisent de l’énergie. Si la nécessité d’adopter des formes d’agriculture plus durables est reconnue, les solutions à trouver ne seront pas uniformes : l’agriculture biologique certifiée ne concerne que 1,1 % des SAU mondiales. Selon l’auteur, elle présente des vertus mais pas celle de nourrir le monde. Elle concerne les pays riches puisque des centaines de millions d’agriculteurs pratiquent une agriculture ancestrale dite bio sans avoir les moyens d’utiliser les intrants d’origine industrielle. Il existe plusieurs types d’agricultures raisonnées appliquées à des superficies plus importantes mais les agriculteurs n’ont pas tous des situations comparables.
Politique et actions à différentes échelles devraient permettre l’accroissement de la production alimentaire tout en améliorant la gestion environnementale. Les poids lourds de l’agriculture mondiale, l’UE, les USA, le Brésil, l’Inde et la Chine, ont mis en place des politiques fortes qui concernent aussi l’ensemble des activités des espaces ruraux à l’image de la nouvelle réforme de la PAC. Quelques analyses détaillées de politiques nationales terminent ce chapitre : la puissance des États-Unis, les deux agricultures brésiliennes, la sécurité alimentaire en Inde et en Chine, les exemples français, allemands et Italiens.
En conclusion, quelles agricultures pour nourrir le monde en 2050 dans le contexte de la mondialisation ?
Ce sont les politiques agricoles qui guideront l’avenir. Vont-elles favoriser l’hyper-concentration des terres ou plutôt la modernisation des exploitations familiales de petite ou moyenne surface ? Les arbitrages des consommateurs constituent aussi une donne sensible entre les produits standardisés et la qualité d’une production paysanne locale. La transition alimentaire opérée dans les pays riches va-t-elle se poursuivre dans les pays émergents et par quel circuit ? La volatilité des cours des denrées sera-t-elle maîtrisée ? Il s’agit à l’avenir de produire plus et mieux, nouveau paradigme inscrit dans le titre de cet atlas largement renouvelé par des documents récents et variés.
Décidément ces atlas Autrement sont fort utiles. Ils constituent une rapide synthèse sur un sujet. Une rare réserve, le choix de ces monochromes ternes pour les premières cartes qui les rendent d’une lecture fastidieuse. Une dernière remarque sera pour cet excellent site Geoconfluences qui a publié en janvier 2018 un catalogue en ligne des atlas Autrement par programme scolaire et questions de concours. Qu’on se le dise !
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/parutions/atlas-autrement-2017