Depuis 2013, la revue Urbanisme a changé de maquette. Elle entend être la « Revue de référence de ceux qui font la ville, de ceux qui la pensent, de ceux qui l’étudient et plus généralement de ceux qui l’aiment. […] Plus encore que par le passé, la revue veut dépasser les frontières, accueillir des auteurs de tous horizons et appréhender les transformations des villes à l’échelle mondiale. »

 

Ce numéro de la revue Urbanisme contient un dossier très intéressant sur les villes moyennes en France, dont le titre aurait pu être : Hors des métropoles, point de salut ? Il s’agit de faire un état des lieux de ces unités urbaines qui connaissent à la fois des centres anciens touchés par une désaffection résidentielle ainsi qu’une déprise commerciale et en même temps subissent la réorganisation parfois brutale des services publics d’État. Pourtant, un grand nombre semble encore attractif et leurs destins, souvent singuliers, dépendent beaucoup de leur insertion ou non dans des régions économiquement en crise mais aussi de leurs capacités d’adaptation et d’innovation.

F.BEAUCIRE, L. CHALONGE et X. DESJARDINS tentent d’abord de clarifier le débat actuel sur le supposé déclin des petites villes. Les 734 unités urbaines retenues de 5000 à 30000 habitants rassemblent encore près de 7.8 millions d’habitants. La population s’y est accrue de près de 90000 habitants par an entre 1990 et 2008 et encore de près de 92000 habitants entre 2008 et 2013. Mais cette croissance s’avère inégalement répartie entre les communes-centres (en baisse), les banlieues (qui stagnent) et le reste des bassins de vie (en forte croissance). La lecture de cet article montre donc qu’il est abusif de parler d’un effondrement généralisé des territoires non métropolitains et qu’il est important de nuancer les discours ambiants. La proximité d’un grand pôle n’est pas une garantie absolue de croissance démographique. Inversement, les petites unités urbaines et leurs bassins de vie à l’écart des aires urbaines ne sont pas condamnés à un irrésistible déclin. Deux villes auvergnates, Thiers et Ambert (présentées par J.-C. EDOUARD), en sont des exemples. D’un côté, Thiers continue à jouer la carte de la valorisation de son bassin économique et de la proximité de Clermont-Ferrand quand Ambert valorise les atouts de leur lieu de vie, dans une logique de développement de l’économie présentielle. Pour l’auteur, la clé de la réussite d’un développement local favorisant l’attractivité de ces territoires est la mise en valeur de critères de vie sociale comme la qualité et le cadre de vie, l’agrément des relations sociales.

Les enjeux sont nombreux et les différents acteurs, qui doivent agir en synergie, possèdent plusieurs leviers de développement et de renforcement de l’attractivité des petites et moyennes villes. Par exemple, les cités HLM et les centres anciens (S. BATOI et F ESCAFFRE) de ces petites et moyennes villes rencontrent des difficultés, liées au vieillissement et la paupérisation de leurs habitants. Comment renouveler l’attrait de ces quartiers ? La réponse incertaine passe certainement par une mixité sociale accentuée et une meilleure gestion intercommunale des différents espaces des bassins de vie. L’implantation d’aménagement universitaire est également une piste. De véritables écosystèmes régionaux et locaux d’innovation et de recherche peuvent apparaître hors des grandes villes, comme le montre les exemples de la vallée de la Drôme et du Sud Ardèche (P. CUNTIGH, G. FEYT, M. HIRCZAK et Y. MORIN). Face au retrait de l’État et la réorganisation des services publics, les petites et moyennes villes doivent aussi réfléchir à des solutions innovantes comme les services mutualisés et polyvalents ou l’utilisation des nouvelles technologies. Au-delà de leur seule présence, ces services contribuent au maintien d’un cadre de vie et au développement économique territorial. L’implantation des services peut redonner de la centralité, notamment dans les centres anciens et les cités HLM. A Toulouse, la valorisation du patrimoine constitue un autre levier et un moyen de coopération entre une métropole et les villes alentours (comme Grand Cahors ou Montluçon). Enfin, l’exemple de Libourne à 30 km de Bordeaux permet de circonscrire le nouveau concept de péri-métropole. On peut donc conclure, comme le suggère le dernier article de ce dossier, que la France n’a pas encore définitivement tué ses petites et moyennes villes.

Le début des articles et quelques documents intéressants à ce sujet sur le site de la revue Urbanisme

A noter également dans ce numéro un article de Cynthia GHORRA-GOBIN sur les dynamiques territoriales révélées par les dernières élections présidentielles aux Etats-Unis, une interview passionnante sur le parcours du géographe Jacques LÉVY et une étude croisée d’H. MARÉCHAL et J.-M. STÉBÉ sur la croissance des communes périphériques des villes et la notion de « pré-urbain ».