Camille Belsoeur est journaliste1. Il invite le lecteur à une virée dans les Alpes à la rencontre des problématiques changement climatique et des chercheurs qui les étudient. Des descriptions poétiques associées à des informations scientifiques de qualité font de ce petit ouvrage une lecture à la fois dépaysante pour le lecteur citadin et très agréable.

En huit chapitres et autant de balades en moyenne ou haute montagne, l’auteur, accompagné de scientifiques, de gardes des parcs naturels et d’amoureux de la montagne, décrit ce monde qui fond, les conséquences du changement climatique en montagne où il est plus marqué qu’en plaine.

L’étagement de la végétation est aussi celui de la faune, une réalité menacée par le réchauffement climatique. Camille Belsœur évoque à Flaine les effets des aménagements touristiques pour le ski, en s’appuyant sur les travaux de Philippe Bourdeau. La COVID et la fermeture des remontées mécaniques ont montré que dès que l’homme est absent les animaux réapparaissent. C’est notamment le cas du lagopède, ce qui amène à une réflexion sur la notion de territoire et la remontée en altitude des écosystèmes, même si la flore se déplace moins vite que la faune. La diminution de l’épaisseur de neige en hiver a de redoutables effets dont l’auteur montre les répercutions en cascade.

La réintroduction du « casseur d’os », le gypaète, permet de revenir sur l’époque les Lumières quand les penseurs ont fait de l’homme un être extérieur à la nature. Qui parle de réintroduction ne saurait faire l’impasse sur les questions de cohabitation avec les grands prédateurs : le loup et l’ours, évoquée par divers exemples.

La remontée des températures entraîne aussi un relatif dégel du permafrost et des effets importants sur les installations humaines en montagne (remontées mécaniques, bâtiments). Ces risques ont été perçus dès les années 1990 mais le phénomène s’accélère depuis 2010. C’est aussi la zone d’un animal emblématique, relicte de l’ère glaciaire : le lièvre variable qui est aujourd’hui en concurrence avec son voisin venu des vallées : le lièvre européen, des phénomènes d’hybridation ont été observés.

Le recul des glaciers offre à quelques espèces végétales, comme la renoncule des glaciers, de nouveaux espaces à conquérir comme le montre le travail d’inventaire des botanistes et des gardes du Parc des Ecrins.

Les effets des remontées mécaniques sont très perceptibles quand Camille Belsœur et Félicien Bros de l’office français de la biodiversité tentent d’observer le tétras-lyre. C’est l’occasion de montrer que les pratiques nouvelles (hors-piste, raquettes…) mais aussi les pratiques estivales, surtout à proximité des axes routiers, pèsent sur la survie de l’espèce.

Le mélèze est un résineux dont l’étude devrait permettre de mieux comprendre les capacités d’adaptation. Une escapade aux confins des Ecrins et du Queyras où il est étudié, montre les limites de résistance aux altitudes basses. « Dans le massif du Mont-Blanc, l’altitude médiane de la forêt s’est élevée de 80 mètres depuis les années 1950 » (p. 127). L’exploitation actuelle de la forêt n’est pas étrangère aux difficultés actuelles dénoncées par l’ONF : la production industrialisée de douglas pour le marché de la construction, l’augmentation de l’usage du bois-énergie.

Poursuivant ses explorations, l’auteur aborde la question des zones humides, riches de libellules, menacées par le réchauffement climatique mais aussi par le développement des retenus collinaires installées pour la neige de culture.

Une sortie en face nord permet d’évoquer le « sauvetage » paradoxal du bouquetin qui doit sa protection à un grand chasseur, le roi Victor Emmanuel II au début du XXe siècle.

Apprendre à partager, cette « conclusion » amène l’auteur dans le Jura suisse, au Creux-du-Van où vit discrètement le lynx mais où la surfréquentation touristique menace sa protection. Comment régler ce dilemme, abordé par Rémy Knafou dans son dernier ouvrage, «Réinventer le tourisme »2? Montrer au citadin la beauté de la nature pour lui donner envie de la protéger sans la dégrader par sa fréquentation.

——————–

1    Il collabore avec Le Temps, Slate et France Info.

2   Editions du faubourg, 2021, 128 p.