Le principe des Atlas Autrement est bien connu de tous : dresser le tableau d’un continent ou d’un thème en une centaine de cartes et infographies. La parution en juin 2006 d’un nouvel opus dans la collection s’inscrit doublement dans l’actualité. Il donne un avant goût du FIG 2006 (Les géographes revisitent les Amériques) et constitue un outil à recommander aux préparationnaires des CAPES – AGREGATION de la session 2007 pour la question de géographie des territoires.
Aurélie BOISSIERE s’est occupée de la partie cartographique de l’ouvrage. Elle a précédemment participé à l’Atlas des atlas de Courrier International en 2005.
Etat des lieux :
Le début de recueil est consacré à une série de mises au point sur l’histoire, l’espace, les ressources et le peuplement. Des cartes, textes et documents rappellent la mise en place des deux grands empires espagnols et portugais et leur effondrement au XIX° siècle à la suite des difficultés rencontrées par ces deux métropoles en Europe (guerres et occupation napoléoniennes, notamment). L’accès à l’indépendance n’a pas été synonyme de pacification pour autant : de nombreuses guerres débouchent sur la balkanisation de cet ensemble en 18 pays souverains. Le XX° siècle est marqué par de nombreuses révolutions et des coups d’Etat. Aujourd’hui encore, le régime révolutionnaire de CASTRO subsiste et Hugo CHAVEZ s’en inspire.
La population de l’Amérique est le fruit de nombreux métissages liés à l’histoire des migrations (migrants attirés par les nombreuses richesses minières et agricoles que renferme le sous-continent). Le brassage culturel continue aujourd’hui. Le Costa Rica, par son niveau de développement, comme l’Argentine avant la crise sociale de 2001, attire les migrants. La question des minorités reste entière, toutefois. C’est seulement en 1992, date du cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique, que les peuples indigènes commencent à faire entendre leur version de l’histoire et à mettre l’accent sur les inégalités dont ils sont victimes. On parle d’un « réveil indien », qui s’est concrétisé, par exemple, en Bolivie, par l’élection d’Evo Morales en 2006 et la mise en place, ailleurs, de politiques multiculturelles.
L’Amérique Latine, par son unité linguistique et religieuse, est un terrain propice à la mise en place d’accords d’intégration. Le MERCOSUR, initié par le Brésil, est l’une des associations les plus abouties. Toutefois, les obstacles à l’intégration sont nombreux. Beaucoup de tensions et de conflits frontaliers persistent. De même, l’image du continent est ternie par l’importance du commerce illicite (narcotrafic) qui alimente la violence. Les Etats-Unis, depuis la doctrine MONROE (1823) cherchent à contrôler la région. Mais, par ailleurs, ils ferment leurs frontières aux pays du Sud, malgré la signature d’un accord de libre-échange (ALENA) avec le Mexique.
Des problèmes persistants :
Le sous-continent présente des problèmes qui lui sont particuliers : la propriété foncière est enjeu de violences (99 meurtres dans l’Etat du Para entre 1997 et 2003 liés aux problèmes fonciers). De nombreuses réformes agraires ont échoué. Au Brésil, les paysans sans terre ont mis beaucoup d’espoir dans l’élection de LULA, qui finalement les déçoit par la politique qu’il mène.
De même, les inégalités l’emportent à toutes les échelles. Zones économiques et pôles de croissance s’opposent à des zones d’exclusion, symbolisées par les favelas.
L’Amérique latine connaît une profonde mutation des économies qui s’orientent vers une industrialisation et une tertiarisation. L’industrie agro-alimentaire a connu un essor exceptionnel au Brésil avec la mise en place d’une agriculture productiviste et intensive. Les maquiladoras installées au Mexique, depuis les années 60, s’imposent comme modèle de développement aujourd’hui remis en cause. Les services ne sont pas en reste. Au Panama, ils tiennent une place aussi importante que dans les pays développés. Toutefois, les crises économiques ont fortement marqué l’Amérique latine : crise de 1929, crise des années 70, crise des années 90, responsables de la dévaluation des monnaies. Ainsi, en Argentine, entre 1999 et 2002, la proportion de population vivant en situation de pauvreté (soit moins de 2 $ par jour) est passée de 19,7% à 41,5%. L’économie informelle figure alors, partout sur le continent latino-américain, comme le seul moyen pour les populations de vivre mieux.
La démocratie au secours de l’Amérique latine :
Une bonne partie de l’ouvrage est consacrée à la question politique. C’est la clé de voûte de la thèse des auteurs. C’est par la démocratisation en cours qu’ils estiment que « l’Amérique est, cette fois, bien partie » (cf. René DUMONT. L’Afrique est mal partie. 1960). En effet, le profil politique de l’Amérique latine a été longtemps marqué par l’autoritarisme et le populisme. A la fin des années 70, les choses changent avec la crise économique, qui suscite le mécontentement des populations envers les autoritarismes. Les Etats-Unis soutiennent des transitions vers la démocratie lorsqu’elles servent leurs intérêts (même si au Nicaragua, le dictateur SOMOZA reste en place et continue de recevoir le soutien américain !).
L’installation des démocraties est difficile. Elles doivent gérer la crise économique et s’efforcer de réduire la pauvreté. La désillusion politique domine chez les populations. Des outsiders de la politique (cf. FUJIMORI 1990 – 2002 au Pérou) émergent qui, par leurs méthodes (réformes brutales responsables d’un accroissement de la pauvreté, pratique de la corruption…), achèvent de dégoûter les populations de la démocratie. Pour remédier à ce désintérêt, quelques pays expérimentent la démocratie participative. La ville de Porto Alegre et le Forum Social Mondial, qui s’y tient, symbolisent cette pratique. Le parti de travailleurs (PT) entre 1988 et 2004 a ainsi donné la possibilité aux habitants de participer à la répartition des dépenses du budget en matières d’investissements publics.
Ce petit atlas Autrement tient ses promesses. Il apporte de nombreux renseignements sur l’état actuel de l’Amérique Latine et est une mine de documents. Les professeurs, enseignant en classe de 5°, sauront y trouver des documents simples et accessibles pour leurs élèves. La double page, intitulée Urbanisation et exclusion (p. 25), semble être une bonne base de départ pour la mise en œuvre d’une étude de cas sur Sao Paulo (chapitre : Dynamiques urbaines et environnement urbain) en seconde. Par ailleurs, l’ouvrage comporte des annexes intéressantes (biographies, définitions, bibliographie et une liste de liens vers des sites web).