A première vue, le dernier livre de Sylvie BRUNEL s’apparente à un mix entre le récit de voyages et le Guide du Routard. Toutefois, si Sylvie BRUNEL fait bien le récit d’un tour du monde réalisé l’été dernier en famille (avec mari et enfants), elle va plus loin que le simple fait de relater les aventures de sa tribu. Ce tour du monde est l’occasion, pour elle, de mener une vaste réflexion sur l’utilité du tourisme mondial dans la sauvegarde des paysages et le maintien sur place des populations locales et de développer le concept de disneylandisation.

Sylvie BRUNEL est agrégée de géographie. Elle enseigne à l’université Paul Valéry de Montpellier. Elle a écrit des ouvrages sur l’aide au développement et les ONG en particulier (Famines et politique. 2002, Presses de Sciences Po). Elle s’est essayée au roman avec Frontières afin de toucher un public plus large que les géographes.
Elle a aussi collaboré avec Médecins sans Frontières avant de diriger pendant une dizaine d’années, à partir de 1989, l’association ACF (Action contre la Faim). Elle en a démissionné en 2002.

Au premier abord, le dernier livre de Sylvie BRUNEL se situe à mi-chemin entre le récit de voyages et le Guide du Routard. Toutefois, à la lecture de l’ouvrage, cette première impression est à relativiser. Si Sylvie BRUNEL fait bien le récit d’un tour du monde réalisé l’été dernier en famille (avec mari et enfants), elle va plus loin que le simple fait de relater les aventures de sa tribu. La visite de la Nouvelle Zélande (cf. les geysers réglés comme des horloges), de l’Australie (et ses parcs naturels reconstitués), de Bora Bora… sont l’occasion, pour elle, de mener une vaste réflexion sur l’utilité du tourisme mondial dans la sauvegarde des paysages.
Elle parle de disneylandisation. Cette mise sous cloche de certains îlots paysagers répond aux attentes des touristes, venus confirmer sur place les clichés qu’ils ont en tête (cf. images véhiculées par les magazines de voyages et les émissions de reality show enregistrées sur des îles désertes). Ils recherchent à tout prix (au sens propre comme figuré) l’authenticité du lieu. Au-delà de la critique trop facile du caractère artificiel de l’exotisme des danses et de l’artisanat local proposés aux touristes, il ne faut pas oublier que le tourisme (800 millions de touristes par an) permet le maintien sur place des populations locales. Les revenus du tourisme leur évitent d’avoir recours à l’exode rural. Les populations locales ne sont pas dupes du spectacle qu’elles offrent. C’est seulement une manière de gagner sa vie qui rapporte plus que l’agriculture. Toutefois, au nom de l’authenticité, les peuples locaux ont trop souvent le choix entre vivre sur place sans confort (y compris au niveau médical) ou partir rejoindre la ville.
Du côté des paysages, on assiste aussi à une mise en scène pour le touriste. Si l’aménagement des plus beaux sites touristiques (mise en place de passerelles, de points de vue, accès handicapés, lieux d’aisance) permet d’élargir le public de visiteurs, il a aussi un effet pervers. L’accès à ces lieux, le plus souvent naturels, devient alors payant. Le tourisme créé ainsi des lieux, en sauve d’autres de l’oubli. Il ne modifie pas seulement les paysages mais aussi l’âme des lieux.
La nouvelle tendance est à l’éco-tourisme. C’est au nom du développement durable que le Brésil ou le Costa Rica s’offrent aux touristes. Le Brésil, en prenant en main la sauvegarde de son patrimoine naturel, veut montrer au monde, et surtout aux puissances dominantes ainsi qu’aux organisations écologiques, qu’il est capable de se prendre en charge. Malheureusement, cette politique se fait aux dépens des populations locales qui subissent la mise en place des parcs naturels. Ces parcs répondent avant tout aux désirs des occidentaux. Ils viennent de très loin, le plus souvent, chercher une nature sauvage, un paradis perdu. Tout est fait pour qu’ils aient l’illusion de découvrir une nature et des cultures traditionnelles préservées.
Le tourisme mondial façonne le monde. C’est l’enseignement majeur de ce tour du monde en famille. La planète se disneylandise. Pour répondre aux besoins touristiques, on aménage des enclaves alliant à la fois sécurité, intérêt et diversité. C’est en cela que l’on peut comparer les lieux touristiques à des parcs d’attraction. Il faut reconnaître que nous sommes tous des touristes à un moment ou à un autre de notre vie. Le touriste n’est pas seulement l’autre, y compris pour ceux qui affichent un mépris condescendant envers celui-ci. C’est au nom d’une volonté de voyager autrement que, de plus en plus, se développent les voyages à la carte. Le voyage à la carte et l’éco-tourisme sont à la mode alors qu’ils sont autant fabriqués que le tourisme de masse auquel ils cherchent à se différencier.
Une autre forme de tourisme est à inventer : un tourisme à la fois respectueux des hommes et des territoires, bien loin de la disneylandisation du monde.

Le propos du livre de Sylvie BRUNEL est particulièrement convaincant. L’auteur montre bien comment sa manière de voir les choses a évolué au cours de son voyage autour du monde. Complaisant au départ, son regard devient de plus en plus acerbe au cours de cette aventure.
D’une lecture facile, cet ouvrage grand public amène le lecteur à s’interroger sur ses propres pratiques touristiques. Sa lecture est particulièrement à recommander en cette période de vacances estivales où nous sommes touristes.
On peut, toutefois, regretter quelques redondances dans le propos (des exemples sont développés à plusieurs reprises), qui viennent alourdir l’ensemble.

Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes