Les aires marines protégées au chevet de la pêche artisanale au Sénégal ?

L’ouvrage de Moustapha Seye a pour thème l’analyse de l’impact de la gouvernance des pêcheries sur les vulnérabilités et les capacités d’adaptation des acteurs. Sa recherche poursuit trois objectifs : analyser l’impact des aires marines protégées sur l’évolution des pratiques de pêches, montrer les implications des modes de gestion des ressources halieutiques sur la pêche et expliquer les perceptions des acteurs.

De la gouvernance des ressources halieutiques au Sénégal

De ressources halieutiques, il est peu question dans cette longue première partie. Si l’auteur définit rapidement ce que sont les aires marines protégées et leur rôle dans la protection des ressources et de la biodiversité, il affirme aussi, suivant les propos de Paul Cellier, que la préservation de la nature n’est pas la solution. Il faut seulement lutter contre l’accaparement par un petit nombre, mais exploiter pour éviter la pauvreté. « La résolution des problèmes environnementaux devrait donc passer par la conciliation des dimensions sociales et écologiques » (p. 34).

C’est ensuite une longue réflexion théorique sur la vulnérabilité sociale et sur les effets du changement climatique sur la ressource. Au Sénégal, les aires marines protégées seraient un « processus d’étatisation des espaces sociaux et économiques se référant aux objectifs formulés par les États dans le cadre des accords internationaux » (p. 41). Le secteur de la pêche emploie 600 000 personnes et concourt à 3,2 % du PIB, environ 20 % des exportations. La réglementation est difficile à appliquer du fait de la pression démographique. Dans le chapitre « Perspectives théoriques d’une gouvernance durable des ressources naturelles », l’auteur détaille de nombreux aspects purement théoriques.

Le troisième chapitre aborde la méthodologie de la recherche, le choix des sites : Kayar, Saint-Louis et Lomppoul, tous au nord de DakarDommage que la carte soit si petite, il faudrait une loupe…, les outils de recueil des données et le choix des acteurs de la filière.

La pêche au Sénégal et sur la grande côte maritime du pays

Après une description du cadre physique du littoral sénégalais, la présentation des aires marines protégées retenues insiste sur les caractères socio-économiques de la pêche artisanale. Cette pêche a une place importante dans l’économie du pays : plus de 400 000 t, dont 83 % pour la pêche artisanale. Cette pêche est réglementée depuis 1976 et a évolué vers une semi-industrie dans certains secteurs : motorisation des pirogues, utilisation de sennes tournantes avec comme objectifs : l’exportation, mais aussi la sécurité alimentaire.

Un paragraphe est consacré aux liens entre la pêche et les migrations, essentiellement l’exode interne vers le littoral et les déplacements des pêcheurs, en fonction de la ressource de la Mauritanie à la Sierra Léone.

La gouvernance de la pêche est analysée : historique, apparition d’une réglementation ; mise en place de la Commission nationale de concertation et de Comités locaux de pêche artisanales (CLPA). L’auteur présente rapidement les évolutions depuis les années 2000, la place de la pêche dans la réduction de la pauvreté, dans la stratégie de croissance économique et dans le Plan Sénégal émergent. D’autre part, il liste les conventions internationales visant à la conservation de la ressource d’Alger (1968) à Rio (1992).

Après une rapide présentation de la pêche au Sénégal, le chapitre 7 est consacré à une description des acteurs : pêcheurs, mareyeurs, transformatrices et manutentionnaires dans les trois aires maritimes protégées de l’étude.

Gouvernance des ressources halieutiques à l’épreuve des perceptions et des enjeux communautaires

L’auteur présente son analyse des perceptions des acteurs, surtout des pêcheurs : un sentiment général de vulnérabilité, car les captures baissent et les acteurs de plus en plus nombreux. Dans les aires marines protégées l’appréciation varie selon les secteurs. Si majoritairement les pêcheurs les considèrent comme positif de protéger les ressources halieutiques, il semble plus difficile de faire admettre les restrictions, par exemple l’utilisation de certains engins de pêche. Les pêcheurs craignent aussi la présence dans les eaux sénégalaises de chalutiers qui détruisent leurs filets. On peut regretter que cet aspect (concurrence des chalutiers) ne soit pas étudié. Les pêcheurs se plaignent aussi de difficultés de commercialisation, ils sont à la merci des mareyeurs.

L’étude de l’impact dynamique des mesures de protection sur les techniques de pêche fait apparaître que les restrictions sont souvent mal comprises, mal connues et mal mises en œuvre. L’explication divine : « C’est Dieu qui enrichit la mer »(p. 201) ne favorise pas la compréhension de ce que pourrait être une pêche durable.

Les normes imposées dans les aires marines sont mal connues de même que le rôle de gestion des aires. Les CLPA sont très diversement appréciés, voire dénoncés comme à Saint-Louis (9 % seulement d’avis positif).

Pour une meilleure acceptation, l’auteur montre l’importance de la prise en compte des perceptions des acteurs. La présence des chalutiers internationaux est perçue comme la première menace qui pèse sur la ressource et les acteurs reprochent au gouvernement de ne pas les soutenir.

 

Pour compléter on pourra lire La pêche artisanale et le changement climatique au SénégalEntre savoirs du pêcheur et mesures politiques par Adama Mbaye, L’Harmattan, 2019