Dans la mondialisation actuelle « toute solution et décision stratégique ne peuvent être envisagées et prises que dans un contexte mondial ».
Claude Revel est énarque et Conseillère du commerce extérieur de la France. Elle s’est spécialisée dans les stratégies internationales d’influence. Elle a participé, en 2001, au Dictionnaire de la Mondialisation (Ellipses). C’est ici en praticienne de la Mondialisation qu’elle se présente alors que les publications scientifiques se multiplient sur le sujet dont l’incontournable Géographie de la Mondialisation de Laurent Carroué ou l’excellent Atlas de la Mondialisation en attendant un autre Dictionnaire de la Mondialisation initié par Cynthia Ghorra-Gobin et Christian Grataloup dans les prochaines semaines.
Claude Revel rappelle rapidement que dans la mondialisation actuelle ‘toute solution et décision stratégique ne peuvent être envisagées et prises que dans un contexte mondial’. Elle part du postulat qu’une gouvernance mondiale se met déjà en place et est soumise à de multiples acteurs privés comme publics ainsi qu’à de multiples influences. Une attention toute particulière est portée aux problématiques liées au développement durable, qualifié p.26 d’ « outil de gouvernance vraiment nouveau », et aux différentes sphères d’influences globales.
L’ouvrage se divise en cinq parties qui établissent une progression logique pour une meilleure compréhension des phénomènes liés à la mondialisation.
Une première partie, La gouvernance mondiale, de l’économie au politique, envisage la multiplication des flux et particulièrement ceux émanant de la société de l’information. Cette dernière a permis l’émergence progressive d’une opinion publique internationale influencée par les ONG et les médias. Elle est aussi à l’origine d’une nouvelle forme de concurrence, économique essentiellement, entre les entreprises multinationales, les sociétés civiles et les Etats.
L’auteur indique aussi un historique de cette nouvelle gouvernance autour de la thématique du développement durable, en rappelant le rapport du Club de Rome en 1972, le rapport Brundtland en 1987 jusqu’au protocole de Kyoto. Le véritable choc et prise de conscience mondiale ont été symbolisés par les manifestations en marge du sommet de l’OMC à Seattle en 1999 : « L’OMC est apparue, devant la multiplicité des récriminations et dénonciations, quasiment comme un exécutif mondial, pressé de l’écouter par le peuple du monde représenté à Seattle. ».
La suite de l’ouvrage, Les acteurs de la gouvernance mondiale : le nouveau quintette, précise qu’à enjeux globaux, la gouvernance se doit d’être globale. Le postulat est que le monde entier à le droit à la démocratie et au respect du Droit. Dans ce cadre, une correspondance avec le discours américain sur les raisons de la présence en Irak aurait peut être été bienvenue. Les membres de ce quintette sont tour à tour présentés, de la Banque mondiale aux Etats en passant par les FTN (Firmes Transnationales) et les ONG. Cette partie qui pourrait apparaître comme rébarbative est en fait une mise au point utile et exhaustive pour bien saisir les forces en présence. Le but de ces acteurs et de produire des normes éthiques, morales, de bonne gouvernance comme le Global Compact, signé en 2000 entre l’ONU et les grandes entreprises dont l’auteur aime à rappeler l’exemplarité à de nombreuses reprises tout au long de l’ouvrage. Les acteurs utilisent tous les mêmes moyens d’influences ainsi Oxfam aurait-elle les mêmes principes de fonctionnement qu’une FTN. Claude Revel évalue ainsi leurs influences réelles. Elle met le doigt sur le problème apparemment majeur de cette mondialisation. Toutes les institutions internationales sont inspirées par un esprit d’origine occidentale libérale. Dans les pays en crise, de véritables transferts de souveraineté sont ainsi conférés à des organismes non élus et non politiquement responsables.
La troisième partie, La nouvelle gouvernance : la forme et l’esprit , met en avant les formes que prennent la nouvelle gouvernance mondiale, fondées sur le développement durable et les objectifs du Millénaire définis par l’ONU. Ainsi, sous le règne de la soft law, règle contraignante définie par des organismes privés et publiques qui évite toute sanction judiciaire, les traités, recommandations et conventions pris en matière de gouvernance globale, se développent lors de sommets multilatéraux (Rio, Kyoto…). La soft law est ainsi un moyen de faire évoluer les choses en cas de blocage. Elle devient alors norme légitimée. Claude Revel donne des exemples (qui auraient pu être un peu plus précis) de ces nouvelles normes en se référant tout d’abord à la Banque Mondiale ou à l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Ces normes sont difficiles à comprendre car elles sont aux antipodes de notre droit traditionnel et mettent les Etats en concurrence.
L’ouvrage se poursuit sur l’évaluation des Compétitions et influences. L’auteur analyse ici avec précision les enjeux des nouvelles régulations mondiales. Elle indique, p.134, que : « Si la prédominance de tel ou tel droit dans un pays contribue au rayonnement de son Etat d’origine, il favorise aussi, bien sûr, directement et indirectement le travail futur des entreprises. Il est d’abord plus aisé de commercer selon des règles que l’on connaît ». Il en est de même pour l’emploi, le développement…La concurrence est vive entre les pays pour imposer ses normes. Les Américains ont acquis la capacité de disséminer les idées et les messages qui véhiculent leurs modèles de pensées et de comportement que le monde, convaincu, intègre progressivement. Ce message s’appuie sur la maîtrise des canaux de diffusion traditionnels ou nouveaux. Claude Revel analyse aussi le fonctionnement de la démocratie multilatérale (celle établie à l’ONU) ainsi que la prise de décision au sein des institutions internationales avec un point particulier sur l’importance du lobbying.
Les défis à relever achève l’ouvrage en offrant une prospective sur plusieurs enjeux majeurs que doivent relever les acteurs de cette nouvelle gouvernance mondiale. Le premier danger est que le contrôle du contenu de la pensée est assumée par les grandes ONG, les think tanks, les forums… Ces entités sont donc juges et parties. Claude Revel pose ainsi deux questions, p.165, « Cette prise en main correspond-elle vraiment aux canons d’une économie libérale digne de ce nom ? Vue comme une représentation de l’occident ne peut-elle pas provoquer un rejet général des règles démocratiques ? »
Quel doit-être le rôle des Etats dans la constitution de la gouvernance mondiale ? L’auteur prend position en faveur de la montée en puissance des groupes d’Etats comme le G8, le Club de Paris,… mais surtout elle s’appuie sur l’exemple de l’UE et son mode de gouvernance qui pourrait apparaître comme un mode nouveau pour l’ordre mondial en construction.
Ouvrage d’expérience et d’opinion, comme le définit l’auteur, ‘La Gouvernance mondiale a commencé’ est un ouvrage riche en définitions, en précisions multiples qui permettent de se figurer assez simplement les enjeux actuels de la mondialisation et d’identifier plus rapidement les acteurs et les moyens qu’ils utilisent pour créer une norme qui leur est proche. Sa dimension critique n’est pas à sous-estimer mais la mondialisation est prise comme réalité indiscutable et indiscutée tout au long des 192 pages comme l’indique le titre. Malgré le manque évident d’une bibliographie simple, à défaut d’être commentée, qui aurait permis un approfondissement sur certains points, cet ouvrage, d’une lecture assez aisée, peut être un véritable outil de compréhension du monde actuel pour des étudiants mais aussi pour les professeurs du secondaire pour mieux maîtriser les enjeux de cette mondialisation trop souvent décriée ou acceptée sans réflexion. Sa lecture est aussi vivement conseillée aux candidats aux concours de recrutement qui trouveront des éléments de réflexion intéressants pour entrer plus facilement dans cette nouvelle question.
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