Aborder de façon sereine l’Islam, tel est l’objectif de cet atlas de l’islam. Il est l’œuvre d’Anne-Laure Dupont, historienne, spécialiste du monde arabe aux XIXème et XXème siècles et maître de conférences à l’Université Paris Sorbonne. Il s’agit d’une nouvelle édition augmentée.

Le livre est composé de trois parties, des habituels verbatim et conclusions à l’issue de chaque chapitre, d’un glossaire, mais aussi d’un certain nombre d’annexes. On retrouve dans cette rubrique un document sur les principales dynasties musulmanes ou sur le temps et les fêtes dans l’islam. Le tout est complété par une bibliographie, un index avec des thèmes et des mots clés. Pas facile de tout dire sur l’islam qui « est tout à la fois une disposition de cœur, une religion, un ensemble de pays et de peuples dont l’organisation politique, la législation, le mode de vie sont imprégnés par cette religion, un espace de civilisation, une idéologie parfois »

Des défis méthodologiques

Dès l’introduction, Anne-Laure Dupont précise que cartographier un phénomène religieux est par nature difficile. On peut toujours faire apparaître 1,5 milliard de croyants, mais cela ne dit rien de l’intensité du phénomène religieux. D’autres écueils existent, car il faut aussi retenir ce qui peut être représenté sur les cartes. Il faut aussi éviter d’avoir une vision figée de l’islam, trop souvent réduite aux périodes d’expansion. Il ne faut pas oublier des réalités aux contours incertains car on estime qu’il y actuellement entre 20 et 160 millions de musulmans en Chine ! Il ne faut pas non plus réduire l’islam à sa dimension de pouvoir, mais bien faire apparaître les aspects culturels et intellectuels.

Présence de l’islam

Où vivent les musulmans, comment s’explique leur présence ? : tel est l’enjeu de cette première partie. Sur cet aspect, comme sur tant d’autres, il faut se méfier des évidences, des raccourcis : par exemple, islamisation et arabisation ne coïncident qu’en partie. L’auteure donne des éléments sur l’expansion de l’islam : cela peut s’expliquer à la fois par l’affaiblissement des empires byzantins, sassanides, ou encore par la foi des conquérants arabes. De même, l’islamisation est beaucoup plus lente que la conquête. Dès le début, l’islam se divise en plusieurs branches (expliquées page 14). Le livre propose une approche également contemporaine avec un focus par exemple sur l’islam en France. Le chiffre avancé est de 3,5 à 5 millions de musulmans, mais ils sont loin de constituer une communauté homogène. Aujourd’hui, huit pays comptent plus de 50 millions de musulmans mais avec des proportions très variables. En Europe vivent 16 millions de musulmans, sans compter ceux de Russie ou de Turquie. Le tour d’horizon se termine en abordant le cas des minorités religieuses en pays musulmans.

Lieux et pratiques de l’islam

Dans cette partie, il s’agit de montrer la diversité et aussi les éléments d’unité. L’exemple de la mosquée reflète parfaitement ce double aspect. Il y a certes les éléments qu’on retrouve dans chaque mosquée, mais en même temps il en existe d’époques et de styles divers. La page 37 en donne quatre exemples s’étalant du VIIIème au XVIème siècle. Ensuite sont abordés des points plus connus comme La Mecque ou Médine. Un certain nombre de chiffres montre en tout cas le développement du phénomène du pèlerinage : pour la Mecque on est passé de 150 000 personnes dans les années 1950 à trois millions en 2012 dont un tiers de femmes. Il existe une foule de sanctuaires abritant les tombeaux de prophètes préislamiques ou de saints personnages. Le dernier tiers du chapitre envisage des aspects moins connus comme l’importance des confréries, les organisations musulmanes ou l’OCI.

Islam, politique et idéologie

Cette troisième partie aborde le cas de plusieurs pays. Il y a le cas de la Turquie, de l’Arabie Saoudite ou encore du Pakistan. Il s’agit là du deuxième Etat après l’Indonésie par l’importance de sa population musulmane. Rappelons que Pakistan signifie « le pays des purs » et ce pays fut conçu comme un Etat des musulmans du sous-continent indien. Mais l’islam politique, ce ne sont pas que des pays comme le montre le cas des Frères musulmans. Apparus en 1928 en Egypte, on sait qu’ils jouent dans ce pays un rôle essentiel. Une frise chronologique en témoigne. L’auteure envisage le cas de l’islamisme à la fois avec un focus sur le Sahara et avec une approche mondiale.

Au terme de ce livre, utile en cinquième et en terminale ponctuellement, Anne Laure Dupont replace l’islam dans le temps long et réfléchit à sa place dans le monde actuel. « Depuis quelque cent cinquante ans, l’islam ne cesse d’explorer des voies d’adaptation au monde moderne. Les unes sont sans issue, d’autres s’ouvrent ou se retrouvent. La quête continue ». La fitna ou la discorde reste comme une épée de Damoclès au-dessus de l’islam. Voici donc un ouvrage qui permet, comme annoncé, de procéder à un tour d’horizon sur l’islam assez exhaustif et varié. C’est bien en envisageant les différentes facettes, et en ne le réduisant pas à l’aspect politique, que l’on comprendra sans doute mieux l’islam.

© Jean-Pierre Costille, Clionautes.