Voilà bien un livre collectif ! Pas loin de 30 auteurs pour 80 pages (tables et bibliographie exclues). Les deux directeurs de l’ouvrage ont fait appel aux spécialistes ayant travaillé sur des exemples précis de villes durables ou d’écoquartiers. L’objectif est de combattre l’idée reçue résumant l’idée de la ville durable à la question de la « nature en ville ». Pour cela, ils rappellent les piliers du développement durable et les replacent dans un contexte historique. Ils montrent que les contrastes existent entre l’Europe de l’Est et l’Europe occidentale. Ils posent la question des modèles de vie durable.
La ville durable (contrairement à celle née au XIXème siècle et développée au XXème siècle) se fonde sur la mixité fonctionnelle et sociale des espaces. En cela, cela n’a rien à voir avec la ville voulue par la Charte d’Athènes qui préconisait la séparation des fonctions. La charte d’Aalborg (1994) « marque le début de l’implication de l’Europe dans les processus de mise en place des Agendas 21 locaux, selon les principes définis à Rio en 1992 ». La ville durable se traduit par la mise en place de la démocratie participative (loi du 27/02/2002, inspirée des expériences brésiliennes) par le biais des conseils de quartier. Ces expériences de gouvernance urbaine méritent d’être relevées même si les leviers d’action des conseils demeurent limités par le faible budget que ces conseils ont à gérer. La place des espaces verts dans la ville est bien analysée à partir de l’exemple de Lyon étudié par Paul Arnould. De nombreuses pages sont réservées à des mises au point sur des sujets qui trouveront un usage pédagogique multiple en classe de seconde, par exemple, où la ville durable est au programme : les nouvelles formes de circulation, le bruit en ville, les risques, et de nombreux développements sur des expériences menées en Europe : Bedzed, Bucarest, Naples, Lille…
Pour autant, le propos développé dans les pages de cet opus des éditions Autrement n’est pas angélique. Les auteurs montrent que les principes du développement durable sont loin d’être appliqués partout. Les inégalités persistent. Elles sont même renforcées par la croissance de la privatisation des espaces publics. La mise en place de Business Improvement Districts (BID) en Allemagne, modèle importé des Etats-Unis, en est un exemple. Ces quartiers de centre-ville revitalisé, possédant leurs services propres (entretien, sécurité) se suppléant aux acteurs publics, comme les centres commerciaux sont une négation du développement durable. Ces espaces excluent les plus pauvres (SDF, jeunes) au profit des populations solvables (classes moyennes et supérieures).
Si certains thèmes bénéficient d’un traitement analytique de qualité, il est à regretter tout de même que la présentation des écoquartiers dans la dernière partie de l’ouvrage ne s’accompagne pas toujours d’une vision critique. L’exemple des Brichères à Auxerre est peut être exemplaire pour le pilier environnement du développement durable mais il aurait été bon de dire que les aspects économique et sociaux ne sont pas une réussite. Les tours des Brichères ont disparu et ont été remplacées par des maisonnettes écolos entourées de jardins dans le cadre des opérations menées par l’ANRU. Mais, dans les faits, la composition sociologique n’a pas changé. Ce sont toujours des classes populaires qui y habitent, à l’exception des quelques maisons en accès direct à la propriété. De même, le quartier n’abrite pas d’activités économiques propres, obligeant les résidents à travailler en dehors de leur quartier. A croire que seul le pilier environnement a été retenu ! Mais, pourtant, l’objet de cet ouvrage n’était-il pas de montrer que le développement durable, ce n’est pas seulement « la nature en ville » ?
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes