Guerre en Syrie, terrorisme ou poussées de fièvre régulières en Corée sont autant d’exemples qui montrent l’omniprésence du thème de la guerre. Seulement, il est nécessaire aussi de prendre un peu de recul pour mesurer clairement le phénomène et aussi parfois se défaire de quelques idées reçues. 

L’éternel retour de la guerre

L’ouvrage, aux multiples contributeurs, est coordonné par Bruno Tertrais, spécialiste de géopolitique et des questions de sécurité internationale, qui a précédemment écrit « L’atlas des frontières : murs, conflits, migrations ». La cartographie est assurée par Hugues Piolet. En haut à gauche de chaque double page, le ou les auteurs sont précisés. Dès l’introduction, trois idées fortes sur la guerre sont affirmées : contrairement à une idée commune répandue, il y en a moins qu’avant ; elle prend souvent d’autres formes et le phénomène est à étudier dans la longue durée. Bruno Tertrais souligne, par des graphiques, l’évolution de la conflictualité, mais insiste également sur le  problème des causes à définir, tout en pointant l’importance des facteurs identitaires. On a assisté à une montée de la conflictualité de 1945 à 1990 puis à une stabilité du nombre de guerres majeures et aussi à la décroissance de la proportion de tués par les guerres.

La stratégie, principes et moyens

L’ouvrage commence en précisant la stratégie militaire à l’oeuvre au XXIème siècle qui, si elle se situe dans la continuité du siècle précédent, marque aussi un net glissement vers des formes plus diverses. On peut noter néanmoins le retour en force des stratégies de siège et d’action souterraine en ville. Plusieurs auteurs abordent ensuite les différents champs où la guerre peut se dérouler, qu’il soit terrestre, aérien, maritime ou même extra-atmosphérique. Sur ce dernier point, il faut savoir qu’aujourd’hui plus de 1886 satellites sont opérationnels, sur les 8500 lancés depuis 1957, dont un tiers est issu de programmes militaires. Les Etats Unis concentrent   80 % des utilisations militaires de l’espace avec un budget spatial qui représente 60 % des budgets spatiaux mondiaux. Une double page est consacrée aux cyberconflits avec une carte très utile qui synthétise les principales cyberattaques. L’ouvrage explore également la question de la « privatisation » mondiale de la sécurité.  Il faut aussi noter que les Etats du Golfe restent aujourd’hui les principaux importateurs de missiles. La question du nucléaire militaire demeure un point crucial des relations internationales pour plusieurs raisons : tout d’abord, c’est une réalité incontournable qui distingue ceux qui la possèdent des autres, mais c’est aussi une source de crises comme en témoigne le cas de l’Iran ou de la Corée et enfin c’est toujours un facteur de puissance qui explique la grande stabilité de l’ordre stratégique mondial depuis trente ans.

Les grands acteurs

Les Etats restent évidemment les grands acteurs de la guerre mais il est nécessaire aujourd’hui d’avoir une approche beaucoup plus large. On trouve un tableau très parlant qui propose une comparaison des quinze premiers budgets de la défense, où les Etats-Unis se distinguent avec plus de 600 milliards de dollars de budget, soit quatre fois ce que dépense la Chine. Ensuite, Nicole Vilboux et Philippe Gros proposent une synthèse de la puissance militaire américaine, tandis que Isabelle Facon et Valérie Niquet portent leur regard du côté de la Russie ou de la Chine. L’armée chinoise est aujourd’hui forte de plus de deux millions d’hommes et affiche des missions de plus en plus diversifiées. Le cas français n’est pas oublié et permet de mesurer que le budget actuellement consacré à la défense est de 1,8 % du PIB avec une projection voulue à  2 %. Bruno Tertrais propose également un focus sur ce qu’il nomme le « nouveau théâtre européen », puisqu’après avoir été un enjeu majeur de la guerre froide, puis avoir disparu des radars, la zone redevient sensible en certains lieux clairement localisés sur une carte de synthèse.

Crises et tensions

Ce chapitre aborde la question terroriste avec notamment une carte qui reprend les différentes attaques djihadistes en Europe durant ces quinze dernières années. Il faut surtout retenir que la majorité des crises se déroule sur d’autres espaces de la planète. « C’est en Asie du Sud et de l’Est que les risques de conflits les plus graves demeurent ». On trouve ainsi une double page sur la zone en général puis une spécifiquement consacrée à la crise nucléaire nord-coréenne. La zone du Moyen-Orient est l’objet d’une approche là aussi d’abord globale avant de zoomer sur la Syrie. Jean-François Daguzan balaie ensuite d’autres points chauds de la planète comme le Sahel ou l’Afrique « entre djihadisme et violence intranationale ». Il ne faut pas oublier un espace comme l’Arctique avec une carte qui repère très clairement les expressions de souveraineté dans la zone. 

En conclusion, Bruno Tertrais se livre à un exercice de prospective sur « l’avenir de la guerre ».  Il remarque d’abord qu’on compte actuellement 77 missions de soutien de la paix puis il s’interroge sur le rôle futur de l’homme dans les opérations de combat. En toute fin, il invite à se méfier d’idées comme celle de « guerre de civilisations » et s’interroge aussi sur la pertinence de la notion de guerre climatique. 

Quelques pages à découvrir ici 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes