La question de la punition est une question lancinante qui tient une place encore importante dans le système scolaire. Il est pourtant possible et souhaitable de pratiquer autrement et c’est à cette perspective qu’invite ce livre. 

Un collectif pour réfléchir, proposer et agir

Ce livre est issu en partie d’un projet appelé ADHERE ou Action contre le décrochage scolaire et le harcèlement : éducation et régulation par l’environnement. Il a concerné 32 réseaux d’éducation prioritaire. Il se caractérise par le fait qu’il comprend des chercheurs, des praticiens, des formateurs institutionnels et associatifs. C’est donc une approche par l’expérience, mais aussi en toute modestie, que coordonne ici Eric Debarbieux. Tous les contributeurs de l’ouvrage, présentés au début,  insistent pour dire que, s’ils proposent ici des témoignages, des pistes, toute décalque à l’identique ne serait pas gage de réussite. Eric Debarbieux est professeur émérite de sciences de l’éducation et président de l’Observatoire européen de la violence à l’école. Il a publié de nombreux ouvrages dont « L’école face à la violence : décrire, expliquer, agir » ou « Ne tirez pas sur l’école ! ». 

Les impasses de la punition

Ce premier chapitre rédigé par Eric Debarbieux et Benjamin Moignard dresse un état des lieux assez terrible. On constate que les pratiques punitives sont très fréquentes pour des résultat peu convaincants. La punition touche plus les garçons que les filles et souvent la punition consiste en un éloignement sans mesure éducative particulière. Les propos des auteurs s’appuient sur des enquêtes de terrain fournies. La punition développe un sentiment d’injustice. Les auteurs s’élèvent contre l’idée du tout répressif et plaident pour une action éducative fondée sur quelques principes comme le fait de prendre en compte et traiter toutes les « microviolences ». Une fois ce constat dressé, il s’agit de proposer des pistes possibles sans que l’une soit plus conseillée que l’autre.

La discipline coopérative

Le premier outil présenté est la pédagogie coopérative. Elle est abordée sous un angle précis à savoir, en quoi peut-elle aider à prévenir et à régler les conflits. Eric Debarbieux relève d’abord un paradoxe : alors que les enseignants sont en permanence au contact de groupes, ils ne reçoivent aucune formation spécifique à la dynamique des groupes. Il rappelle ensuite quelques fondements de la pédagogie coopérative, balayant au passage des critiques qui lui sont faites et pointant même certaines d’entre elles comme particulièrement nauséabondes. Il focalise ensuite son propos sur l’école primaire. L’idée forte développée est qu’il ne suffit pas de mettre des élèves en rond pour qu’ils expérimentent, règlent des problèmes. Eric Debarbieux illustre son texte avec des exemples qui peuvent parler à tous et il invite à partir de « petites choses », comme la gestion des toilettes, pour travailler avec les élèves le respect de soi et des autres. L’auteur détaille aussi clairement les obstacles qui peuvent court-circuiter les conseils d’élèves. 

La discipline positive

Cette démarche est fondée sur la coopération, le respect mutuel et, de façon générale, cherche à développer un climat scolaire agréable. Cette idée est d’abord située historiquement avant d’être expliquée dans on fonctionnement concret. Cinq critères qui constituent les bases de la discipline positive sont énoncés. L’article comprend des témoignages et des parties « en pratique » pour qui veut se lancer. Les auteurs Armelle Martin et Béatrice Sabaté précisent ensuite quelles différence elles font entre encouragements et compliments. Un des outils évoqué est la réunion de soutien éducatif pour des situations où un élève a des difficultés de comportement. 

Le développement des compétences psychosociales

Sandrine Sanchez-Lamétairie présente d’abord le concept de compétences psychosociales comme comprendre des aspects, résoudre des problèmes, prendre des décisions, avoir une pensée créative ou savoir communiquer et avoir de l’empathie. Elle donne ensuite des propositions et des exemples concrets pour mettre en place un programme de développement de telles compétences. Elle détaille par exemple celui sur développer la compréhension, le respect ou la gestion de la colère. En tout cas, le travail d’équipe est indispensable pour réussir. 

L’approche systémique et stratégique de l’école de Palo Alto au service des enseignants

Là encore, l’auteure, Marie Quartier précise d’abord les fondements historiques et théoriques de ce qu’elle va exposer. L’idée essentielle de l’école de Palo Alto est la résolution de problèmes. Loin du discours moralisateur, l’auteure prend acte de certaines réalités, comme le fait que, parfois, dans les familles la position de l’enfant par rapport à l’adulte a évolué alors que ce n’est pas toujours le cas en classe d’où un risque de conflit. Marie Quartier insiste aussi sur les bienfaits de la méta communication qui consiste à commenter, expliciter les contenus implicites de la relation.  Elle dit bien qu’il est parfois plus facile de continuer à faire quelque chose qui ne marche pas plutôt que de tout changer. Elle propose enfin de distinguer des types de dysfonctionnement pour savoir qui doit le traiter en priorité. Elle plaide aussi pour un travail entre collègues et aussi pour que les enseignants sortent d’un rapport où ils sont traités comme des mineurs par leur hiérarchie. Elle donne enfin quelques remarques pour gérer les relations avec les parents.  

La communication NonViolente et les systèmes et cercles et pratiques de justice restaurative

Les deux derniers chapitres ont en commun ce terme de « restauratifs » qui dit bien ce en quoi il croit, à savoir que plutôt que de punir, il s’agit de restaurer pour avancer. Avant cela, Catherine Schmider précise les bases de la communication non violente et invite par exemple à changer de regard sur les comportements et, face à l’attitude de certains élèves, mieux vaut se dire «  il se cherche «  plutôt qu’ « il me cherche ».  Elle insiste également sur ce qu’elle appelle l’écoute empathique Il faut aussi prendre du temps pour dire ce qui va bien. Hélène Van Dik décrit enfin les principes de la justice restaurative.

Le grand mérite de l’ouvrage coordonné par Eric Debarbieux est d’empoigner une question comme la punition sous de multiples angles. Après un constat des plus clairs, les pistes proposées sont effectivement variées et issues de praticiens de terrain. Comme toujours, la difficulté reste de livrer un témoignage, tout en sachant bien que les recettes miracles n’existent pas. Cependant, si on est en train de lire ce qui est proposé, c’est qu’on est sans doute dans une démarche active, volontariste, qui a pour but de briser certains présupposés. A ce titre, c’est un livre utile et qui aide à réfléchir à ses pratiques sans jamais juger.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes