A l’aube de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques de 2016, les ouvrages sur le Brésil vont commencer à envahir les étagères des librairies à l’image de cette synthèse jeunesse rédigée par Adriana Brandao et Patrick Straumann, journalistes spécialistes de ce territoire.

Le parti pris ici est d’essayer de casser un peu l’image d’un pays qui ne serait constitué que de joueurs de football talentueux et de musiciens détendus, même si ces éléments fédérateurs sont puissants, pour mettre en lumière l’intégration du Brésil au monde rendu possible par un formidable saut économique et de gros efforts de stabilisation de sa structure politique.

L’ouvrage se découpe en quatre parties équilibrées et non hermétiques entre elles : histoire, société, économie, culture.

L’histoire du Brésil apparaît comme une sorte de laboratoire de la globalisation actuelle au vu de son métissage originel. Le premier chapitre revient sur l’origine du nom du pays (de l’arbre « Pau Brasil » et sa couleur « braisée »), les dates de découverte, la fixation des frontières, les cycles de production ainsi que la succession des régimes politiques, alternant les phases de colonialisme, d’indépendance, de dictature jusqu’à la démocratie moderne actuelle. On apprendra ici que la présidente actuelle, Dilma Rousseff, a vécu trois années de captivité pour s’être opposée à la dictature militaire des années 1970.

Désormais urbanisée à 85 %, la société brésilienne demeure profondément inégalitaire. Le métissage avec les Indiens fait d’eux une société à part, à la croissance stabilisée mais aux territoires toujours convoités et menacés. La religion catholique, très présente, souffre d’une concurrence des églises évangéliques. La violence liée au trafic de drogue s’est banalisée et fait les choux gras de l’industrie sécuritaire. Quant à la jeunesse dans ces milieux, elle constitue une « génération perdue qui n’existe qu’au moment des crimes qu’elle subit ou qu’elle commet ». La classe politique, elle, semble réellement corrompue même si les choses ont bougé très récemment, notamment grâce à une loi rendant inéligibles les politiques ayant un casier judiciaire.

Il est intéressant de constater, déjà pour de jeunes lecteurs, la présence d’un développement consacré au culte du corps rendu possible par le climat et les plages avec un point sur son revers que constitue l’obésitéSur le sujet, voir notamment le CR de l’ouvrage « Corps du Monde » de Bernard Andrieu et Gilles Boëtsch: http://clio-cr.clionautes.org/corps-du-monde.html#.U2-qs9-K9yg.

Le football enfin, ne pouvait être passé sous silence, mais la population, sans le bouder, exprime son mécontentement quant à l’installation des coûteuses stades imposés par la FIFA alors que des infrastructures de qualité font encore défaut dans nombre d’endroits dans le pays.

Sous le terme « Belindia », se cache le pendant économique du volet social décrit précédemment : une situation inégalitaire ou, plus exactement, le fait qu’une minorité profite des richesses même si les choses se sont améliorées, au point que le Brésil a rejoint les grands de ce monde tout dernièrement.

Les exemples retenus pour montrer le lien entre l’économie et le territoire sont parlants : les barrages produisent de l’énergie au prix d’une destruction de la forêt, tout comme l’extraction minière ou la recherche d’un accroissement des surfaces agricoles. Pourtant, le Brésil est diversité, ressource, médicinale ou touristique, et est un des dix-huit pays « mégadivers » de la planète.

Malgré les inégalités sociales, l’apparition d’une classe moyenne qui consomme et qui voyage soutient l’économie.

L’étude des diversités régionales est très bien amenée comme le montre le choix de l’implantation de Brasilia sur la planalto central pour mettre le centre de gravité du pays à l’intérieur des terres.

Un focus original sur les domestiques (p 37, p 86), révèle que, malgré le fait qu’elles soient les plus nombreuses au monde au Brésil, elles sont en phase d’émancipation entraînant leur lot de conséquences : de meilleurs emplois pour ces femmes, un accroissement du PIB, un gain d’espace immobilier.

Enfin, le volet sur la culture permet de constater que le Brésil est le premier consommateur du web en temps de connexion, que la langue portugaise doit s’harmoniser pour rester forte mais doit également coexister avec le tupi-guarani, que la folie pour la télévision et les telenovelas n’est pas un mythe.

Le zoom sur le carnaval témoigne de ce mélange réussi entre catholicisme européen et traditions d’esclaves africains mais également de la manne économique qu’il constitue. Celui sur la musique, la bossa-nova et le mouvement tropicaliste nous apprend que les brésiliens sont très friands de leur musique puisque 80 % de la production de CD et de DVD est vendue au pays.

Les dernières pages consacrées aux grandes tendances de demain se doivent de boucler la boucle sur la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques avec ce double aspect, à la fois positif de par la valorisation du patrimoine et des cultures locales mais également négatif de par la pérennité de stades qui seront plus jamais aussi remplis par la suite.

En conclusion, un très bon ouvrage sur la question : bien construit, bien documenté (des références au géographe Hervé Théry), bien illustré, il affiche un style assez costaud pour des enfants de 11 ans mais les idées fortes sont bien mises en gras, ce qui devrait faciliter la compréhension. On appréciera les nombreuses biographies latérales de personnalités importantes telles Raoni, Pelé, Chico Mendes ou encore Oscar Niemeyer.