Dans la collection « Racontée aux enfants » des Éditions La Martinière, Sylvain Cypel raconte l’Ukraine, pays si présent dans les médias avec la guerre contre la Russie. Son père étant originaire de Vladimir, au Nord-Ouest du pays, l’auteur ressent une certaine proximité  pour cette terre  au destin si particulier, à la fois fondatrice d’une âme slave mais tant convoitée par ses voisins.

L’ouvrage se compose de focus à doubles pages sur des thèmes classés par ordre chronologique qui alternent avec des apartés précis qui permettent une respiration dans le récit.

 

Le cadre historique et géographique.

Venant du Nord, des Vikings, les Varègues, fondent une petite ville nommée Kiev, territoire qui sera appelée « La Rus' », berceau de l’Ukraine. En deux siècles, cette région devient l’État le plus vaste d’Europe avec la Russie et la Biélorussie actuelles. Deux grands princes, Vladimir Ier, puis Iaroslav le Sage se convertissent à la religion chrétienne orthodoxe. Construite au XIe siècle, la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev demeure une fierté nationale.

Aujourd’hui, trois religions dominent dans le pays : l’orthodoxie divisée en deux branches suivant si elles reconnaissent le patriarche de Moscou ou celui de Kiev, le catholicisme dont les Uniates (des catholiques d’orient) très opprimés sous le régime tsariste et le Judaïsme hassidite très traditionaliste (Kiev restant jusqu’au XXe siècle, une terre d’asile des Juifs d’Europe de l’Ouest « assignés à résidence » dans une vaste zone large de plusieurs centaines de km d’est en ouest et d’une longueur de 2000 km de l’Estonie à la Moldavie actuelle). Au XVe siècle, les Cosaques zaporogues (mot venant de la ville de Zaporijjia) prennent de l’importance en Ukraine. En rébellion contre la domination étrangère polonaise, ils incarnent le début de  l’antisémitisme (massacre de 40 000 à 100 000 Juifs) et ils sont aujourd’hui considérés comme les inventeurs des pogroms.

Peu de régions du monde ont connu des changements de frontières comme l’Ukraine convoitée par ses voisins. Alternativement occupée par les Mongols, puis le royaume de Pologne, les Tatars mongols et les Turcs ottomans, sans parler des Austro-Hongrois, des Russes qui interdisent de parler sa langue,  l’Ukraine n’a connu une indépendance durable qu’après la chute de l’URSS. On comprend aisément pourquoi la guerre sévit aujourd’hui.

Des monuments nationaux fierté de la nation ukrainienne.

Le pays compterait 5 000 palais, châteaux-forts et manoirs. Beaucoup cependant sont délabrés. La perle moyenâgeuse de Kamianets-Podilskyï s’avère la forteresse la plus emblématique. Le château d’origine date de l’invasion mongole. S’ajoute la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, rare édifice chrétien, à arborer un minaret surmonté d’un Vierge !

Odessa, la magnifique est décrite par Sylvain Cypel comme la merveille de la mer noire. Créée par Catherine II de Russie, elle demeure le port commercial le plus important depuis deux siècles. Située au bord de la mer noire, la ville bénéficie d’un climat plus tempéré que le reste du pays. Elle est ainsi devenue un pôle migratoire d’importance. Le journaliste Emmanuel Grynszpan, écrit que « Toutes les nations sont ressoudées par et contre Vladimir Poutine ».

De nombreux écrivains témoignent de la vivacité culturelle ukrainienne : Nicolas Gogol, héritier d’une famille cosaque mais vivant en Russie ou moins connu, Tarass Chevtchenko, poète nationaliste en lutte « pour cette terre qui est la nôtre sans être à nous ».

Les tragédies ukrainiennes au cours de l’histoire

Dans l’Empire des Tsars, les Ukrainiens sont considérés par leurs voisins comme « des petits Russes », des frères slaves mais inférieurs aux « Grands-Russes. L’ukrainien a été longtemps une langue peu écrite. Assez proche du russe mais considérée comme un dialecte paysan, il est interdit par les occupants et ne sera codifié qu’après la révolution bolchevique par un communiste autonomiste. La langue devient nationale à l’indépendance. En 2011, 50 % des habitants ne parlent qu’ukrainien.

Sylvain Cypel rappelle les tragédies vécues par l’Ukraine au XXe siècle.

« L’holodomor » (la grande famine) liée à la collectivisation des terres imposée par les communistes en 1929, entraine des révoltes et un marché noir très actif. Les historiens parlent de 3,5 à 7,5 millions de morts dus à cette effroyable famine. En 2006, le parlement ukrainien a adopté le terme de génocide et un musée national du Mémorial aux victimes de « l’holodomor » a ouvert ses portes.

Après le Pacte germano-soviétique (août 1939), les Russes envahissent l’est de la Pologne. La Galicie, la Podolie et la Volhynie sont intégrées à l’URSS avec la grande ville de Lviv où vivent des Ukrainiens, des Polonais et beaucoup de Juifs, « sauvés du joug nazi ». Mais l’opération « Barbarossa » montre la puissance de l’Allemagne d’Hitler. La Wehrmacht atteint Odessa dès le 16 octobre 1941. L’Ukraine devient allemande.

Le pays se montre alors divisé. Les partisans des nazis comme le nationaliste Stepan Bandera s’engagent dans la collaboration. Ils coopèrent avec l’occupant pour enrôler les jeunes et participent aux tueries contre les Polonais, les Juifs. Le fameux « massacre des professeurs polonais de Lvov »  ou la Babi Yar, la Shoah par balles, restent tristement dans les mémoires de l’Ukraine.

Une Ukraine indépendante ?

Les événements récents témoignent des difficultés de cette terre à vivre en démocratie sans l’ombre de ses voisins. Issue du démantèlement de l’URSS, l’Ukraine indépendante depuis le 24 août 1991, voit ses droits bafoués par Vladimir Poutine dès 2014 par l’invasion de la Crimée puis du Donbass. Les velléités de démocratie aboutissant à la Révolution orange et au massacre de Maïdan montrent la difficile reconversion d’un ancien pays communiste.

Quelle sera l’issue de la guerre qui sévit depuis le 22 février 2022, « une opération militaire spéciale » selon les Russes identifiant les Ukrainiens comme un peuple nazi ?

Volodymir Zelensky est devenu une célébrité mondiale identifiée comme « un acteur clown » du côté russe et un martyr du côté occidental. En tout cas, ce Juif russophone qui parle maintenant ukrainien dans les médias incarne la résistance contre un oppresseur inique. Il a refusé de se réfugier dans un pays allié et organise une résistance acharnée de l’intérieur.

 

Les plus jeunes apprécieront ce bel ouvrage fidèle à la collection qui allie des textes clairs et de magnifiques photos. On peut cependant regretter qu’aucune carte de l’Ukraine actuelle ne soit ajoutée, ce qui clarifierait les propos sur les régions et les grandes villes évoquées par l’auteur.

 

Présentation de l’éditeur : Un monde raconté sur l’Ukraine pour témoigner d’une histoire riche de plusieurs millénaires.

Le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Tristement mis sous le feu des projecteurs aujourd’hui, ce vaste pays d’Europe de l’Est, berceau de l’orthodoxie, reste pourtant relativement méconnu.

Découvrez la richesse incroyable de son histoire, depuis la Rus’ de Kiev et son légendaire fondateur viking ; la vivacité de sa culture, avec Gogol ou Eisenstein ; et la grande diversité de ses paysages et villes : Odessa la magnifique, Kiev la sacrée, Kamianets-Podilskyï, la perle moyenâgeuse…

Un tour d’horizon en guise de célébration de cette culture cosmopolite et fascinante, pour ne pas oublier que l’Ukraine est bien plus que sa triste actualité…