Les publications de l’égyptologue Amandine MarshallElle a soutenu une thèse sous la direction de Christian Leblanc, avec lequel elle a aussi travaillé sur le site du Ramesseum, à destination de la jeunesse et des adultes s’efforcent de rendre accessibles la compréhension de la civilisation égyptienne antique. Les vidéos sur sa chaîne YouTube, visant un public le plus large possible, confirment les ambitions d’Amandine Marshall : « Apprendre par plaisir, avec plaisir et pour le plaisir ».

Avec ce coffret composé de deux volumes au format à l’italienne, le projet se poursuit donc. Dix-huit chapitres abordent différentes thématiques du monde égyptien, de la cour de Pharaon à la vie quotidienne des paysans, tout en découvrant l’usage et la pratique des hiéroglyphes comme fil directeur. Ces deux livres généreusement illustrés, par près de 300 photographies, constituent la version adulte du « Bienvenue à l’école des petits scribes ».

La maquette éditoriale a soigneusement été élaborée. Les codes de couleur par chapitre et les nombreux sous-titres qui structurent chaque thématique, donnent de la lisibilité à l’ensemble. Le repérage en est d’autant plus facilité. Le caractère pédagogique de l’ouvrage semble donc évident. Ces deux tomes rappellent le format d’un manuel. Des « exercices » de mise en pratique ou des « Pour aller plus loin dans l’initiation des hiéroglyphes » sont alternativement présents à la fin de chaque chapitre. Il s’agit de mettre l’accent sur un point de grammaire ou de conjugaison : le redoublement des sons, l’antéposition honorifique, le pluriel et le duel, le masculin et le féminin, les prépositions, les pronoms personnels, les adjectifs, les articles possessifs, le présent. Un corrigé des exercices figure à la fin de chaque volume. A la fin du premier tome, une liste des hiéroglyphes selon leur classification égyptologique, en vingt-six catégories, est proposée. C’est là plus de 300 hiéroglyphes reproduits, avec leur prononciation et une indication sur ce qu’ils représentent.

Le chapitre d’ouverture du premier tome livre quelques clés de compréhension de l’égyptien ancien.

La règle des cadrats (placement harmonieux des hiéroglyphes), le sens de lecture (on repère dans quelle direction les hommes et les animaux regardent et on lit en allant à leur rencontre) et le fonctionnement des hiéroglyphes, rassemblent les trois aspects qui sont développées dans cette partie introductive.
Quelques hiéroglyphes sont des phonogrammes.
Les hiéroglyphes « bilitères » sont fréquents. Ils associent deux lettres pour créer un seul son. Il existe aussi des hiéroglyphes qui produisent trois ou quatre sons, comme le hiéroglyphe représentant un scorpion (quatre sons), qui se lit « sereqet » (quatre sons de consommes).
L’écriture égyptienne fonctionne aussi sur le principe d’idéogrammes ou de pictogrammes. Par exemple, le signe représentant deux jambes en mouvement, , sert à écrire le mot « nemet » qui veut dire « marcher ».
Enfin, on appelle « déterminatifs », les hiéroglyphes qui précisent le sens d’un mot. La « maison », , se lit « per » (P + (E) + R). Ce déterminatif est employé pour désigner des bâtiments : le palais « hâ » , le temple « hout » , la forteresse « menou » . Un même déterminatif peut permettre d’identifier une divinité. Le signe du personnage assis portant une fine barbe recourbée, , sert aux divinités mâles. Chou, le dieu de l’air ; Geb, le dieu de la Terre (fils de Chou) ; Osiris, le dieu des Morts (fils de Geb) .

La géographie

Les Égyptiens appellent leur pays « Kemet » , qui désigne aussi la couleur noire, comme le limon qui borde le Nil, par opposition à la couleur rouge « Decheret » , qui évoque le désert. Les terres irriguées par l’eau du Nil se nomme « Ahet » .  « Taouy » correspond au « Deux-Terres » (deux signes du terrain plat avec trois grains de sables dessous), les royaumes du Nord et du Sud. « Ta-Seti » désigne la Nubie, territoire annexé à plusieurs reprises par l’Égypte.
L’ouvrage présente sous la forme d’un tableau les quarante-deux nomes de Haute et Basse Égypte. La cité (niout) s’écrit avec un hiéroglyphe circulaire dans lequel deux chemins se croisent .

Le temps qui passe

Au fil de la crue annuelle du Nil qui rythme la vie des habitants, Amandine Marshall présente les trois saisons (terou) : Akhet (« inondation »), Peret (saison des labours et semailles) et Chemou (période des récoltes). « Chem » signifie « être chaud ». Chaque saison comporte quatre mois. Les mois comptent 30 jours. Ainsi pour obtenir et terminer une année complète, les Anciens ont ajouté les cinq épagomènes, jours durant lesquels sont nés Osiris, Seth, Isis, Nephthys et Horus l’Ancien.
Le décompte des années reprenait à chaque nouveau règne.

Savoir compter pour mieux mesurer

Les nombres, les opérations, les unités de mesure et les éléments de géométrie connus sont passés en revue. Chaque unité correspond à un bâton. Le signe du carcan pour le bétail (« medj ») se rapporte à la dizaine, le signe de la corde enroulée (« chet ») à la centaine, la fleur ouverte (« kha ») au millier. Le têtard (« hefen ») représente les centaines de milliers. Le dieu de l’Éternité, Heh, figure le million. Pour les unités de distance, l’Égypte ancienne utilise la coudée, le remen (distance prise entre l’épaule et le creux du coude), le poing, la main, la paume, l’empan, le doigt et le pouce. Le « khet » correspond à 100 coudées (52,30 m). Cette unité permettait de mesurer les dimensions d’un champ.

La royauté

Ce chapitre explore les emblèmes royaux et la manière dont ils s’écrivent en écriture hiéroglyphique. On distingue les couronnes hedjet (« la blanche »), decheret (« la rouge »), sekhemety ou pschent (« la double couronne »), kheperech (« la bleue »), et deux coiffes royales : le nemes et le khat. Le pouvoir est représenté aussi dans d’autres attributs royaux tels que les sceptres ouas (signifiant « domination ») et heqat (signifiant « conducteur, souverain »), le chasse-mouches nekhekh (« protéger »), la barbe postiche (khebesout), l’uraeus (iâret, ouâtet ou imet hatef, « celui qui est sur la tête »), la queue d’animal (menekeret, queue de taureau).
Amandine Marshall explique ensuite, de manière assez précise, les cinq titulatures royales inscrites dans des cartouches. Ce sont les noms de sa Râ (fils de Râ), de nesout bity (Haute et Basse-Égypte), de nebty (les deux maîtresses), d’Her (d’Horus), d’Her nebou (Horus d’or).

L’Histoire

Ce chapitre synthétise, en un peu moins d’une quarantaine de pages, l’histoire de l’Égypte pharaonique, de la période prédynastique (environ 3 800 av. J.-C.) à la fin du Nouvel Empire (environ 1 070 av. J.-C.) avec le dernier pharaon de la XXe dynastie, Ramsès XI.

Les dieux égyptiens

Une première partie s’intéresse aux quatre cosmogonies égyptiennes majeures, celles d’Héliopolis, de Memphis, d’Hermopolis Magna et d’Esna. Selon les cités ou les centres religieux, le récit mythique de la formation de l’univers varie et met en scène différentes divinités.
La deuxième partie de ce chapitre présente quelques divinités (avec les variations de leur nom) sous la forme d’une fiche d’identité illustrée. Par exemple, Amon (ou Imen) dieu de l’Air et du Vent, a pour épouse Mout et donne naissance à Khonsou. Son nom signifie « Le caché ». Il devient une divinité plus importante quand Thèbes devient la capitale du pays (au temps du roi Ahmosis). Amandine Marshall tient à rappeler que ce panthéon des grands dieux est mouvant et inconstant, en prenant en compte des considérations religieuses, chronologiques et géographiques.

Les édifices funéraires

De conception, de taille et d’aspect divers, ils évoluent au fil des époques. Le mastaba est un terme arabe qui désigne la banquette disposée le long d’un mur dans la maison. Il est employé à partir du XIXe siècle par les ouvriers égyptiens d’Auguste Mariette. Il rappelle la butte primordiale émergée des eaux et de laquelle naît la première forme de vie sur terre. Les plus anciens découverts remontent à la période thinite (vers 2900-2600 av. J.-C.). Pour se protéger des éventuels pilleurs, le corps du défunt était dissimulé dans une chambre funéraire installée sous le mastaba au fond d’un puits. Du mastaba dérive la pyramide. Elle évoque un rayon de soleil (setout) tombant sur la terre et partant dans les quatre directions. Elle représente aussi un immense escalier pour accéder au ciel et retrouver les divinités du royaume. Les tombes rupestres et les hypogées complètent cette présentation.

La momification

La dernière partie du premier tome est consacrée à cette pratique funéraire. Les techniques, les matériels, et les acteurs sont mis en lumière. Souvent, ce sont des noms grecs qui désignent les tâches des embaumeurs, comme nous le rappelle les écrits d’Hérodote. Le paraschiste a pour fonction de couper la peau et de retirer les viscères. Son nom vient du verbe grec « fendre de côté ». En égyptien, on le nomme l’oudjâ, autrement dit le « coupeur ». Il est précisé que pour extraire le cerveau, il ne passait que par la narine gauche. Dans la symbolique antique, le côté gauche (iaby) est associé à la mort, alors que le côté droit (imen) renvoie à la vie. Dans un second temps, le taricheute (du grec « saler ») effectue la dessiccation du corps. Après l’emmaillotage du corps (noms égyptien et grec inconnus de l’officiant), les prêtres choachytes (du grec « libation » et « versé ») procèdent aux funérailles, avec le rituel de l’Ouverture la bouche. Les nécrotaphes s’occupent de la mise au tombeau.

 

Le deuxième volume propose neuf autres thématiques. Nous donnons ci-dessous un aperçu des différents chapitres traités avec leurs sous-parties.
La famille : le mariage, la polygamie, le père, la mère, les enfants, l’adoption, l’adultère, le divorce.
La littérature : les textes religieux, les textes propagandistes, les écrits lyriques, le livre d’interprétation des songes, les mythes, contes et fables.
L’éducation : les institutions scolaires, l’instruction scolaire, l’éducation privée, l’apprentissage professionnel, l’éducation des fillettes, les enfants enrôlés dans l’armée.
Les animaux : les animaux de compagnie, les animaux d’élevage, les animaux dangereux, les animaux exotiques, les zoos en Égypte antique, les animaux sacrés.
Les divertissements : les jeux société, les divertissements lors des festivités.
Les soins corporels : la protection de la peau, le rasage/l’épilation du corps et de la tête, la protection des yeux, les parfums, le soin et l’ornementation des cheveux, la moustache et le bouc, la manucure et la pédicure, le tatouage, le maquillage, les parures.
La médecine magique : les sources, les praticiens, la médecine générale, les domaines spécialisés.
Délits, crimes et châtiments : le tribunal, les délits populaires, les crimes, les méthodes d’interrogatoire, les châtiments.
L’astronomie : les astronomes, la Douat, le ciel, la lune, les éclipses, les étoiles, les constellations, les planètes, la Voie lactée.

 

Ce coffret s’avère être une belle réussite éditoriale. L’approche ludique n’altère pas la base scientifique rigoureuse. Quelques pages peuvent même faire penser à des cahiers d’activité. Avouons que l’on n’ose écrire sur les pages d’exercices du livre !
Compte tenu de la richesse de l’ouvrage, l’enseignant pourra très facilement s’appuyer sur ces deux volumes pour trouver les moyens d’expliquer simplement des aspects de la civilisation égyptienne antique parfois assez complexes.
La seule réserve à émettre concerne l’absence de légende des photographies. Le lecteur curieux et passionné d’Histoire aimerait bien avoir quelques repères spatio-temporels.