Bruno Dumézil  nous propose une biographie de Charlemagne, basée sur une biographie sonore enregistrée en 2021 par Frémeaux & associés.

Dans son introduction, l’auteurProfesseur d’histoire médiévale à Sorbonne Université et à l’Ecole polytechnique. Il est connu pour sa biographie de Brunehaut, ses ouvrages sur l’époque mérovingienne avec Le baptême de Clovis en 2019 et dernièrement, sur l’Empire mérovingien en 2023. revient sur la représentation, au cours du temps, de Charlemagne : celle du parvis de Notre-Dame, celle du Louvre avec l’épée « de Charlemagne », Joyeuse, l’empereur à la barbe fleurie et bien d’autres. Toutes sont fausses. Mais qui est donc Charlemagne ? Les sources de l’époque ne sont pas négligeables : des capitulaires, des correspondances privées avec Alcuin ou le Wisigoth Théodulf, les Annales du royaume des Francs rédigée entre 740 et 820 par plusieurs auteurs et la Vie de Charlemagne écrite par Eginhard. L’auteur remarque le peu de documents et d’éléments sur la jeunesse de Charlemagne : peut-être a-t-il voulu cacher un début de vie aristocratique ? Il n’empêche qu’il a eu plusieurs vies pour arriver à être le personnage connu par tant de générations.

Héritier des Pippinides

Dans un premier chapitre, Bruno Dumézil dresse le portrait du royaume mérovingien depuis le Ve siècle : son administration en trois cercles de domination suivant l’influence des Mérovingiens sur le territoire, son expansion entre le Ve et le VIIIe s, les liens entre les rois et les nobles ainsi que l’essor des Austrasiens à partir d’Arnulf et Pépin Ie de Landen, les fondateurs des Pippinides. Ceux-ci ne donnent pas aux femmes la même importance politique que pour les Mérovingiens et concentrent le pouvoir entre les mains des descendants mâles. Avec Charles Martel, les Pippinides se font connaître comme « sous-roi ».

Fils de Pépin le Bref

Les fils de Charles Martel poursuivent l’œuvre de Charles Martel tout en confortant la politique chrétienne. Ils cherchent à unifier le monde franc autour d’un projet religieux chrétien et cela passe par des conciles réformateurs, des missionnaires envoyés et soutenus par les Pippinides tels que Boniface. En 746, Carloman, oncle de Charlemagne sort de la scène politique et laisse la place à Pépin qui devient le seul maire des trois Palais. En 750, Pépin envoie une ambassade à Rome pour demander au Pape qui devrait être « roi » dans un royaume et le Pape lui répond que c’est celui qui en possède les pouvoirs. En 751, lors de l’assemblée des Francs à Soisson, les Grands prononcent la déposition de Childéric III. Après la tonsure du dernier roi mérovingien, Pépin devient roi et Charles son héritier. Un second couronnement se fait en 754, avec Charles et Carloman. Les Grands sont exhortés de suivre les Pippinides pour « assurer le Salut universel ». En 768, l’héritage de Pépin est partagé en deux entre Charles et Carloman. Charles comprit rapidement qu’il fallait associer conquêtes et christianisme pour consolider son pouvoir.

Roi de guerre

Charles avait un charisme extraordinaire et comme tout aristocrate franc, devait être polyglotte. Très rapidement, Charles entama un règne personnel à la suite de la fin tragique de son frère, de ses neveux et laissant sa mère dans un couvent. Très rapidement, une propagande se mit en place pour pallier ce déficit en terme d’image. Les conquêtes (Lombardie, Bavière, Saxe) l’aidèrent à gagner en pouvoir. A la fin de son règne, il avait doublé la superficie de son royaume initial.

Fondateur de l’Empire

Passer d’un royaume à un empire constituait un projet politique fort puisqu’il se mettait dans la continuité de l’empire romain d’Occident. Le mot le plus courant pour parler d’empire est Ecclesia pour Charlemagne. Au fil des mots utilisés pour désigner l’empire, Bruno Dumézil montre que cet empire est religieux, politique et militaire. L’historien nous explique les circonstances qui ont pu permettre le couronnement de l’an 800. Charlemagne cherche à administrer son empire à partir de sa capitale, Aix-la-Chapelle. Il est roi justicier, il légifère. Les limites de son pouvoir sont les distances dans son empire, une population non négligeable et l’obligation de passer par des intermédiaires ( le comte, les missi dominici) et par le réseau dynastique.

Constructeur de l’Eglise

L’Empire est un projet religieux : Charlemagne se place dans la continuité de Constantin. Depuis les Mérovingiens, les évêques étaient nommés par le roi et Charlemagne poursuivit cette tradition. Il se voyait comme le défenseur actif de l’Eglise alors que le Pape devait rester dans la dévotion. Pour Charlemagne, il lui revenait de définir les dogmes et de les protéger. En 809, Charlemagne fait rajouter « Filioque » dans le Credo, ce qui marque une différence avec les Byzantins pour qui l’Esprit procède du Père par le Fils. Charlemagne lutte contre le paganisme notamment en Saxe et réforme aussi l’Eglise pour revenir à une communauté primitive. Il a réaffirmé les interdits des clercs pour mieux les différencier des laïcs, a cherché à unifier les usages de toutes les Eglises en Occident et le monachisme. Charlemagne cherchait à ordonner la société afin d’aider la population d’accéder au Salut.

Le prince des lettres

La « Renaissance  carolingienne » est un terme discutable car dès l’époque mérovingienne, des ouvrages abondent mais ils se diffusent plus facilement sous Charlemagne avec l’apogée de l’écriture caroline. L’académie palatine permettait d’avoir des lettrés à Aix-la-Chapelle mais il étaient souvent pris par leurs fonctions et responsabilités. L’école de Charlemagne n’était pas un lieu pour se cultiver mais plutôt pour atteindre son Salut en ne déformant pas le message écrit. Les écoles existaient déjà sous les Mérovingiens, mais elles servaient à revenir à un latin antique. Cela a permis de transmettre les ouvrages antiques dans un latin non modifié. Les centres culturels ont commencé à prendre leur essor même s’ils étaient encore limités à la mort de Charlemagne.  La Bibliothèque de Charlemagne n’était pas dans un but de conserver le savoir mais pour mieux comprendre la Parole divine.

De Charles le Grand à Charlemagne

Sous Louis le Pieux et dans un contexte difficile, Eginhard a rédigé sa vie de Charlemagne pour rappeler un âge d’or révolu. Dans ce chapitre, l’historien reprend la postérité de Charlemagne jusqu’à la construction européenne voire jusqu’à nos jours, à travers la littérature, les arts.

 

Pour conclure, c’est un livre agréable à lire et très enrichissant, qui nous permet d’aborder les différentes facettes de Charlemagne.