Un ouvrage de concours, un outil pour les étudiants

Les Editions Atlande ont confié à Damien FontvieilleDamien Fontvieille, archiviste-paléographe et enseignant à l’Université Bordeaux-Montaigne., Boris LesueurBoris Lesueur, docteur en Histoire et enseignant à l’Université de Nanterre. et Jean SéniéJean Sénié, maître de conférences en Histoire moderne à l’Université de Tours. la rédaction de cet ouvrage de concours consacré à la nouvelle question du Capes externe d’histoire-géographie 2023. Les trois auteurs réussissent, avec brio, à respecter la traditionnelle et pertinente architecture de la collection Clefs-concours, à savoir :

  • Partie 1 : les avancées et enjeux historiographiques
  • Partie 2 : le contexte historique, de Charles VI à Louis XIV
  • Partie 3 : une entrée thématique permettant d’embrasser les principaux enjeux de la question
  • Partie 4 : des outils (glossaire, dates, un personnage, bibliographie)

La construction de l’État monarchique dans les programmes du cycle 4

Comme le rappelle le texte de cadrage, la question de la construction de l’État monarchique (1380-1715) s’inscrit pleinement dans les programmes du cycle 4 :

  • en classe de 5e : dans le thème 2 « Société, Église et pouvoir politique dans l’occident féodal (XIe
    -XVe siècles) », les élèves travaillent « l’affirmation de l’État monarchique dans le royaume des Capétiens et des Valois », ainsi que « l’émergence d’une nouvelle société urbaine » . Dans le thème 3, un sous-thème est intitulé « Du Prince de la Renaissance au roi absolu (François Ier, Henri IV, Louis XIV) ».
  • En classe de Seconde, le premier chapitre du thème 3 est consacré à « l’affirmation
    de l’État dans le royaume de France ». Il vise notamment à « caractériser la monarchie française ». Parmi les axes à travailler figure celui du « développement de l’administration royale ».

Une construction qui s’inscrit dans un nécessaire temps long

Cet ouvrage, par la multiplicité de ses entrées et de ses approches, réussit à embrasser l’ensemble de cette question à la fois centrale mais complexe autant du point de vue chronologique, historiographique que notionnel car elle invite à inscrire cette lente construction dans le temps long, à s’interroger sur la nature de l’État monarchique et à nuancer le traditionnel récit de l’absolutisme de l’époque moderne.

Si les auteurs s’appuient notamment sur les travaux du groupe d’historiens réunis par Jean-Philippe Genet sur l’État moderne et sur leur relecture récente, l’ouvrage tente de « définir » et modeler les contours de L’État monarchique. En effet, comme le rappelle le texte de cadrage, l’expression d’État moderne, « pose en effet deux difficultés : celle de la périodisation et, surtout, celle d’une approche implicitement téléologique ». Ici, Damien Fontvieille, Boris Lesueur et Jean Sénié s’attachent donc à  expliciter les cycles, les structures et les permanences d’un État monarchique en construction qui a su conserver ses archaïsmes. Les multiples crises qui auraient pu l’emporter (défaites militaires, Fronde, guerres de Religion, …), lui ont en fait permis de s’affirmer et ont conduit à une nouvelle réflexion politique sur la souveraineté ainsi que sur la nécessité d’un pouvoir monarchique fort et centralisé voire « absolutiste ». Si le pouvoir de Louis XIV est à la fois le résultat de cette évolution et une étape nouvelle dans la personnalisation du pouvoir, « le roi ne peut pas tout et il continue de s’appuyer sur des structures de pouvoir traditionnelles (la noblesse, les états provinciaux, les rentiers, les titulaires d’office …) » (p.105).

Les auteurs, inscrivant leur réflexion sur cette affirmation progressive de L’État monarchique dans le temps long, nous invitent à gommer la césure entre histoire médiévale et histoire moderne. Le choix de débuter cette question avec le règne de Charles VI permet au candidat de mieux saisir la capacité du roi à faire accepter son autorité dans cet État monarchique en construction. La guerre de Cent Ans représentant bien sûr un élément de maturation essentiel ! Le choix du temps long oblige aussi les auteurs à s’interroger sur la pérennité des concepts et des réalités : l’État monarchique ne désigne pas la même réalité en 1380 et en 1715. Les conseils de gouvernement de Louis XIV sont très différents de l’ancien conseil du Roi du temps de le féodalité. Ainsi, plusieurs « temps monarchiques » peuvent être distingués, l’on passe d’une monarchie « féodale », à l’une plus « judiciaire » puis « législative » et enfin « administrative ».

Une lecture à plusieurs échelles

La question et l’ouvrage invitent à adopter une lecture multiscalaire. Ainsi, il faut varier les échelles de lecture et de compréhension en passant des villes qui, pour Fernand Braudel, entrent dans une course « ville contre État » (p.425), aux provinces, au royaume mais il faut aussi envisager l’horizon européen (le royaume d »Angleterre durant la Guerre de Cent Ans ou l’empire des Habsbourg sous le règne de Louis XIV) et même mondial avec l’emprise ultramarine de la France dans les colonies.

La pluralité des éléments de la consolidation monarchique

Les éléments pluriels à l’origine du renforcement monarchique sont analysés à la lumière de la riche historiographie :

  • la question du sentiment d’appartenance voire de l’unité nationale
  • les fondements du pouvoir royal  : l’automaticité successorale, la « mise en scène de l’État dynastique » (p.255) avec la cérémonie du sacre, les entrées royales, les lits de justice ou encore les funérailles), la cour comme instrument de gouvernement au service du roi, …
  • la naissance et la croissance de l’administration financière face et l’accroissement des besoins monarchiques
  • le passage d’une armée du roi à une armée royale grâce à d’indispensables réformes et ordonnances comme celles de Charles VII entre 1445 et 1448 (en lien avec l’efficacité des prélèvements fiscaux). Cela débouchera sur la politique de Richelieu reposant sur le triptyque « soumettre, s’armer, se financer » (p.187).
  • la mise en place d’une pyramide judiciaire au service de l’affirmation de la justice royale
  • le renforcement et l’étoffement de l’administration centrale avec le rôle essentiel du conseil du roi mais aussi du chancelier, véritable « ciment du gouvernement royal » (p.280), des ministères, …
  • les liens entre l’État et le religion et la question d’une religion royale autour du roi Très Chrétien
  • les cycles contestataires et le maintien de l’ordre. Selon l’analyse de Denis Richer, l’État doit faire face aux « grandes crises » (guerres de Religion et Fronde), aux « séditions antifiscales » et enfin au « grand refus des humbles ». Les auteurs proposent ici une passionnante esquisse chronologique et typologique des révoltes ainsi qu’une véritable « grammaire rébellionnaire » (acteurs, déroulement, …).
  • les acteurs que sont les femmes, les serviteurs qui sont de véritables relais du pouvoir monarchique (intendants, gouverneurs, …), la noblesse (et la question de « l’identité nobiliaire face à l’État royal » (p.390)) ou encore les états du royaume (provinciaux et généraux) ainsi que les parlements qui deviennent des institutions de dialogue entre imposition et coopération.

 

 

Damien Fontvieille, Boris Lesueur et Jean Sénié proposent ici un ouvrage de concours, véritable synthèse des travaux les plus récents, particulièrement utile, efficace, riche et rigoureux au service de tous les candidats au Capes externe d’histoire-géographie 2023 ! 

 

Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX