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Arte continue sa politique d’éditions de DVD à partir d’émissions qu’elle diffuse. Celui-ci est consacré aux cathédrales, ce qui pourrait sembler un sujet rebattu, mais les découvertes scientifiques et historiques justifient complètement un tel travail. Il permet donc d’actualiser ses connaissances sur le sujet. Les auteurs passent en revue de nombreuses cathédrales. Le DVD édité est complété d’un certain nombre de bonus, d’une durée totale de 40 minutes. Ceux-ci sont consacrés à un entretien avec Arnaud Timbert, un des intervenants du film qui revient sur les liens entre le Moyen-Age et le XIXe siècle à travers la mise en évidence du rôle des cathédrales. Ensuite, il y a également une présentation de la cité de l’architecture et du patrimoine en focalisant notamment sur la galerie des moulages et des maquettes. Le DVD est chapitré en onze parties : il est donc très pratique à utiliser si on ne souhaite montrer qu’un exemple.

Les cathédrales : des chantiers pharaoniques

Les auteurs soulignent tout d’abord qu’en quelques dizaines d’années, la France se couvre de nombreux monuments et, en deux siècles, on a extrait plus de pierres qu’en 3000 ans en Egypte. On utilisa en priorité les matériaux locaux. La cathédrale de Chartres a été construite en moins de trente ans ce qui représente un véritable exploit technique et humain. Les hommes de l’époque ont en tout cas rivalisé allant jusqu’à l’extrême, à tel point qu’à Beauvais le chœur s’est effondré tant les dimensions étaient incroyables. Les auteurs rappellent aussi les trois attributs traditionnels de l’art gothique : l’arc brisé qui permet la hauteur, la voûte d’ogive qui permet la largeur et l’arc boutant pour contrebuter la poussée. Il s’agit notamment durant le film de réexaminer ces caractéristiques pour voir si elles sont prouvées ou validées par les derniers travaux historiques. A plusieurs reprises, le fit Christine Le Goff, Gary Glassman, ll souligne combien comprendre une cathédrale implique de nombreuses compétences et donc de nombreux spécialistes.

La cathédrale : lieu symbolique et de lumière

La cathédrale revêt un aspect symbolique important. On a prioritairement en tête le besoin de lumière et le fait que la technique permettait de répondre à ce défi. Mais l’on découvre d’autres aspects plus surprenants, car, si on mesure la hauteur de Notre-Dame de Paris, on obtient le chiffre de 10 mètres, soit 30 pieds de roi. Comme il y a deux niveaux, cela représente 60 pieds de roi. Or, on constate que dans les ouvrages de théologie du XIIe siècle, il s’agit des mesures attribuées au temple de Salomon à Jérusalem. De la même façon, on constate qu’à Amiens il y a un grand carré central de 50 pieds romains de côté, soit une référence à la Bible qui évoque une arche de 50 coudées. Il est donc fondamental de raisonner avec les mesures d’époque, sinon l’on passe à côté de ces références symboliques. En effet, il faut bien saisir que la cathédrale est considérée comme un véhicule de salut ! Tout est pensé et construit autour de cette idée. Enfin, d’un point de vue symbolique, le film souligne qu’à l’époque les matériaux sont classés en fonction de leur énergie spirituelle et à ce jeu là, c’est le bois qui a la plus forte valeur.

Des cathédrales redécouvertes grâce à la science

La science permet de remettre en cause ou de relativiser des évidences sur l’art gothique. Grâce au laser, on peut reconstituer les dimensions initiales des cathédrales. Plusieurs fois, on constate alors que les murs du haut ont bougé, s’écartant de trente centimètres de chaque côté par rapport au bas de l’édifice. Dans certains édifices, l’arc boutant apparaît mal placé et en croisant les informations, on apprend donc qu’il y a eu ajout au XVe siècle seulement pour stabiliser l’ensemble. Le film évoque par exemple aussi le travail de la pierre avec les marques laissées par les tailleurs à la fois pour être payés et comme une sorte de publicité de leur travail. Chose plus étonnante, à partir notamment des carnets de Villard de Honnecourt, on découvre qu’il existait déjà une certaine forme de standardisation pour des morceaux des cathédrales ce qui permettait d’en réduire les coûts. On arrive même aujourd’hui à phaser les chantiers : ainsi celui de Notre-Dame de Paris progressa pendant 75 ans, puis on avait tellement remué de terrain qu’on découvrit alors un meilleur calcaire. Celui-ci permit alors de concevoir des formes nouvelles pour le chœur et la nef. On trouve également des traces d’enduits sur les murs extérieurs ce qui suggérait qu’en plus de l’intérieur, il pouvait y avoir des peintures à l’extérieur.

Du fer dans les cathédrales

Les auteurs du film reviennent également sur l’utilisation du fer dans les cathédrales, élément connu depuis quelques années. On se situe alors dans une période charnière qui voit coexister deux procédés pour l’obtenir : la méthode directe, qui utilise des fours à bois, et la méthode indirecte que l’on date généralement du XVe siècle avec l’utilisation de la force hydraulique et du haut-fourneau. Les textes d’époque relatent des visites de chantier où on met en évidence la nécessité de renforcer la cathédrale avec du « fer d’Espagne ». Quelques images animées permettent de visualiser le travail effectué alors. Pourtant, le fer que l’on trouve dans une des cathédrales provient de la méthode indirecte, donc d’où vient-il ? Il ne peut pas venir d’Espagne. On se tourne alors vers les ressources de proximité, mais l’analyse des matériaux dément toute utilisation de cette ressource locale. Bref, le mystère demeure. La science dessine néanmoins des aspects vertigineux car on peut savoir aujourd’hui s’il y avait un ou plusieurs forgerons qui ont travaillé le métal huit siècles plus tôt ou s’ils étaient droitiers ou gauchers !

Les auteurs soulignent en conclusion combien chaque monument fut le lieu unique d’une expérimentation qui a duré 150 ans. Ce film aborde donc de nombreux aspects novateurs sur la compréhension et la restitution des cathédrales, à la fois dans leur matérialité et dans leur symbolique. Il peut être très utile notamment dans le cadre du programme de cinquième et de seconde, mais également dans le cadre de l’histoire des arts. Mêlant les informations très précises avec une réflexion sur ce qu’était une cathédrale, voilà en tout cas un DVD des plus intéressants. Il réussit à nous passionner grâce à ce mélange essentiel, et de plus en plus porteur, de l’histoire et de la science.

(c) Clionautes