Comment peut-on être français ?
Rachid Kaci est conseiller à la présidence de la République sur les questions de la ville et de la diversité. Il évoque et analyse dans cet ouvrage les exemples symboliques qui témoignent de l’échec de la politique d’intégration menée par les gouvernements successifs au cours des trois dernières décennies :marseillaise sifflée lors de matchs de football, film Entre les murs , parution de brochures insultantes à l’égard des français « de souche ».
Selon lui, la France traverse une véritable crise d’identité et il se demande si le temps n’est pas venu de revenir à une vision généreuse mais ferme de la nation contre les communautarismes. Il entreprend, avec un discours qui peut déranger parfois, de lutter contre des habitudes de pensée stéréotypée et des lieux communs qui contribueraient à la confusion et mèneraient à la catastrophe.
Rachid Kaci s’interroge : Y aurait-il un racisme plus tolérant que les autres ? Un racisme que l’on pourrait accepter parce qu’il s’exerce aux dépens de la majorité de la population de ce pays ? L’auteur souligne la dégradation d’une situation devenue explosive comme l’ont montré les émeutes de 2005 dans les banlieues puis la flambée de violence en 2007 à Villiers-le-Bel. Le communautarisme est, selon lui, une notion fourre-tout qui permet de ne pas désigner les vrais problèmes par leur nom. L’Etat et la société l’encouragent cependant en invoquant la « discrimination positive » ou les « droits » des « minorités visibles ».
L’analyse proposée par Rachid Kaci est d’autant plus intéressante qu’il est issu lui-même de cette « diversité ».La politique d’intégration, dans le maintien des différences, imaginée par SOS-Racisme dans les années 80 et développée depuis, aboutit, selon lui, à un apartheid mental, à une inversion des priorités.
En effet,d’après lui, au lieu d’essayer de faire des nouveaux venus des français à part entière, on a choisi d’intégrer leurs particularités au substrat français quitte à « forcer »sur l’Histoire en affirmant que la civilisation occidentale tire ses racines de l’islam par exemple. L’auteur cite un récent rapport sur les discriminations et pour l’égalité rédigé par un groupe de chercheurs de l’Université de Metz qui critique un manuel d’histoire-géographie parce qu’il publie côte à côte pour illustrer un cours sur l’islam et le christianisme, la photographie de la mosquée d’Omar à Jérusalem et celle de la cathédrale de Chartres ce qui pourrait dangereusement suggérer que l’islam est une religion « étrangère » à la France ! Il s’insurge contre les tenants de « l’historiquement correct » pour reprendre le titre d’un livre de Jean Sévillia.
Il insiste sur l’enseignement de l’histoire qui représente un facteur essentiel d’assimilation (assimilation par la France des nouvelles populations installées sur son sol mais aussi assimilation de la France et de son identité par lesdites populations).
Le constat d’échec de l’intégration à la française
Rachid Kaci explique comment, en quarante ans, la France a perdu son homogénéité et sa cohésion car depuis un siècle elle a connu des bouleversements considérables : Guerres, décolonisation, exode rural et son corollaire l’urbanisation. Quatre chocs, quatre ruptures puis deux séismes : Mai 68 et la déchristianisation de la société française après Vatican II, qui se termine en 1965.
Recul du christianisme mais aussi de la morale laïque, celle que l’on enseignait dans les écoles publiques à l’époque des « hussards noirs de la République ». L’échec des politiques d’intégration s’explique par ces mutations fondamentales de la société française, et par le doute qu’elles ont introduit au sein même de la population française « de souche » sur ses propres origines.
Rachid Kaci rappelle le contrôle par la gauche de la culture et du secteur associatif qui ont pris en main les nouveaux arrivants en leur tenant un discours « victimaire » sur le triple thème du racisme français, de la dette de la France à leur égard et de leur exploitation économique. Ce discours fut d’abord tenu par les mouvements chrétiens progressistes et par les syndicats. Au milieu des années 70, le gouvernement de jacques Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, a légalisé le regroupement familial ce qui revenait à officialiser le principe d’une immigration de peuplement dans le sillage de l’immigration de travail qui l’avait précédée.
Rachid Kaci dénonce le rôle des associations qui s’opposent à toute forme de maîtrise des flux migratoires en s’obstinant à souhaiter le déplacement en France de populations toujours plus nombreuses. La Cimade s’élève par exemple contre le lien entre la gestion des flux migratoires et le codéveloppement.
L’auteur s’interroge sur ce qui lui semble un désir d’affaiblir notre démocratie et sur les calculs inavouables qui se cachent derrière ces prises de position. Les politiques ont selon lui, également reculé devant les manipulateurs de l’opinion publique (les médias) qui ont relayé le discours victimaire des associations de gauche en organisant des repentances à répétition.
Les raisons de l’échec
Selon l’auteur, les gouvernements n’ont pas résisté à la pression médiatique ni à celle des associations. La « paix sociale « est ainsi achetée à prix d’or à des dirigeants associatifs qui vendent ce qu’ils ne possèdent pas : les clefs de cette paix sociale tant désirée. L’auteur évoque ensuite le gigantesque effort financier consenti par la France au cours des trois dernières décennies dans le cadre de la politique dite de « la ville » (qui ne concerne en fait que sa banlieue) et qui n’a pas réglé le moindre problème.
L’auteur rappelle les problèmes presque insolubles posés par l’immigration : l’insécurité dans les banlieues, la polygamie, la place dans la société française d’un islam qui se conçoit trop souvent en rupture avec elle. La France ne s’est pas construite contre les communautés, nous rappelle -t-il ,mais en grande partie avec elles.
Les peuples français (basque, bourguignon, normand etc…) qui ont fait la nation française en s’y agrégeant au fil des siècles, ont conservé des particularités souvent très fortes. L’abus pour des populations d’origine exogène a consisté souvent à utiliser ces identités régionales pour obtenir des « droits ».Dans les années 80 certaines associations, par exemple, avaient proposé d’inclure le berbère dans les langues de France alors qu’il ne peut être rattaché à une aire géographique de celle-ci.
Les particularismes régionaux plongent leurs racines dans l’histoire de France. A l’inverse, les communautarismes issus de l’immigration n’y ont pas de racines et entrent en conflit avec notre identité et nos coutumes nous précise t-il.
Il est plus difficile aujourd’hui à la France d’imposer son modèle parce qu’il a été fragilisé. La république française, confrontée à une immigration de masse, a opté pour l’intégration et non pour l’assimilation et la nuance n’est pas mince selon l’auteur.
Le droit à la différence, nous dit l’auteur en citant Montesquieu, amène toujours la différence des droits.il nous met en garde contre le communautarisme. L’auteur énumère et commente de nombreux exemples qui prouvent comment, à l’inverse de ce que prétend le discours officiel, la politique des pouvoirs publics sert ce communautarisme. Les français « de souche » issus de milieux populaires éprouvent alors souvent le sentiment d’être exclus dans leur propre pays.
Le communautarisme islamique
Rachid Kaci dénonce la lecture et l’usage de l’islam que font certains prédicateurs et de nombreux croyants pour répudier la civilisation du pays qui les accueille avec le projet de substituer à ses normes leurs propres normes, et à ses traditions leurs propres traditions. Le Conseil Français du Culte Musulman est selon l’auteur une coquille vide, objet des rivalités des différentes tendances constitutives de l’islam de France qui sont presque toutes contrôlées par des puissances étrangères.
Ce qui préoccupe l’auteur c’est la propension d’une forte partie de la population française issue de l’immigration à s’identifier non pas par rapport à la France mais en fonction d’une appartenance religieuse. Les personnels soignants des hôpitaux publics sont contraints de se soumettre aux exigences des patientes musulmanes parce que le père de famille refuse que des soins soient apportés à leur épouse par un médecin de sexe masculin. L’école est confrontée au même type de revendications. L’Etat subventionne des centaines d’écoles coraniques. Les mêmes exigences sont formulées à propos des gymnases et des piscines publiques.
Pour l’auteur, beaucoup de ces revendications ne sont que des provocations visant à tester notre volonté de résistance et nos convictions laïques. Il est grand temps selon lui d’instaurer une justice égale pour tous sans faire référence à la race ou à la religion.
L’Ecole, enjeu du communautarisme
La crise de l’école est un obstacle incontournable à l’assimilation des enfants issus de l’immigration. L’auteur analyse les raisons de cette crise liée à plusieurs facteurs : évolution générale de la société depuis Mai 68, relâchement général des notions de hiérarchie et de discipline, éclatement des familles, dégâts provoqués dans l’enseignement par l’égalitarisme et l’idéologie « pédagogiste ».
Le nouveau mot d’ordre consistant à mettre l’élève au centre de l’école a eu pour Rachid Kaci des résultats catastrophiques. Le refus croissant de la sélection n’a rien arrangé. On constate ainsi des « regroupements identitaires » dans les classes. Le communautarisme s’apprend à l’école avec l’active complicité des pouvoirs publics d’après l’auteur.
A partir des années 80, le remplacement des surveillants par des « aides-éducateurs » au sein des établissements aggrave la situation. C’est la logique » des grands frères » déclinée à l’école. Une fois encore pour Rachid Kaci , on a cru acheter la paix sociale en transigeant avec les valeurs de l’école publique.Il en va de même des nouveaux « médiateurs de réussite scolaire » . Le grand frère suppléait hier l’autorité défaillante du père de famille ; il supplée aujourd’hui celle de l’Etat. La mixité se voit ainsi menacée car les filles sont les premières victimes. L’augmentation des agressions est suffisamment préoccupante pour fournir des arguments aux partisans d’un retour à la non-mixité dans les établissements. L’auteur dénonce l’utilisation de la violence sexuelle à des fins de domination.
La bataille du foulard procède de la même stratégie : exercer une pression constante d’un côté sur les femmes, de l’autre sur les responsables des établissements scolaires pour obtenir la modification des comportements, des coutumes, des traditions qui permettront d’en imposer d’autres, sous label islamique.
Histoire et patrimoine, les instruments de l’assimilation
L’analyse de Rachid Kaci est sans complaisance :L’école ne joue plus le rôle de creuset de l’unité nationale qui fut le sien. Elle n’est plus non plus un sanctuaire. Les programmes sont remis en question dans de nombreuses disciplines en particulier en sciences de la vie et de la terre et en histoire-géographie. Il est d’autant plus permis de le regretter que l’enseignement de l’histoire pourrait devenir un puissant facteur d’intégration nous dit-il.
S’approprier l’identité nationale c’est s’approprier l’histoire de France. L’erreur consisterait selon l’auteur à définir l’identité nationale en fonction des seules valeurs républicaines. A côté de l’histoire solide sérieuse, appuyée sur une critique des faits et des documents, il ne peut manquer d’exister une approche plus politique, au premier sens du terme nous dit-il , car c’est dans son histoire plus mythique que réelle que se trempent l’esprit et l’âme de la cité.
L’auteur cite des aspects polémiques comme la colonisation, l’esclavage et la pétition du collectif d’historiens du 13 décembre 2005 intitulée « liberté pour l’histoire ».Il dénonce les opérations de culpabilisation des français, l’histoire consciencieusement réécrite (les racines musulmanes de l’Europe, par exemple, crédo en vigueur actuellement) , le catéchisme multiculturel, les pétitions d’intellectuels formes modernes d’excommunication selon lui.
Les exemples qu’il commente illustrent bien les enjeux sous-jacents à l’enseignement ou à la représentation de l’histoire. Rachid Kaci s’interroge : à quels ressorts profonds répond cette idéologie de la culpabilité et du reniement pratiquée par nos « élites » ? Il pose la question :En diabolisant l’histoire de France, ne faisons -nous pas le jeu des communautarismes?
Les solutions
A l’école comme ailleurs il est indispensable de faire respecter les lois françaises sur l’ensemble du territoire national. Rachid kaci évoque ici les fraudes à l’URSSAF pour plusieurs emplois exercés par la même personne au même moment à des endroits différents sans que personne ne songe à s’en émouvoir.
L’application de la loi devient un casse tête selon l’auteur, à cause de l’attitude de multiples groupes de pression, partis et associations qui contribuent à accorder un statut de fait aux travailleurs clandestins au lieu d’accepter qu’on les expulse du territoire et qu’on sanctionne leurs employeurs.
Il nous apprend que le squat est devenu, par effet pervers, un véritable « droit », protégé par la loi. Toute personne installée dans un logement depuis plus de quarante-huit heures ne pouvant plus en être délogée qu’en portant plainte auprès du tribunal d’instance qui ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois. De véritables réseaux se constituent pour exploiter cette faille du droit français : A Chanteloup les vignes , un réseau de Maliens a fait régner la terreur en introduisant des squatteurs non seulement dans les logements libres mais aussi parfois dans ceux qui étaient occupés en profitant de l’absence momentanée de leurs propriétaires. Lorsque la police intervenait ils exhibaient de fausses factures d’électricité pour éviter d’être délogés dans les 48 heures fatidiques. Les habitants n’osaient pas partir en vacances ni même être hospitalisés.
Pour Rachid Kaci, réprimer l’immigration illégale, le travail clandestin, l’occupation illégitime de locaux, l’usurpation de droits sociaux, la polygamie, les trafics en tous genres, la délinquance doit pouvoir être possible avec le plein accord de la population.
L’autre priorité est l’accès à l’emploi pour assimiler les populations récemment arrivées en France. La solution passe aussi par l’école sous réserve qu’elle devienne le lieu de l’instruction et de la transmission des savoirs en rétablissant le respect et la distance entre le professeur et l’élève. Il convient également selon lui, d’en finir avec le discours « victimaire » et de faire en sorte que l’assistanat ne se retourne pas contre les populations qui en bénéficient, en contrôlant les prestations sociales, en rendant le système plus rigoureux qu’il ne l’est.
La solidarité ne doit être ni dévoyée ni dénaturée nous déclare-t-il . Seule une « union sacrée » des différentes forces politiques, débarrassée des idéologies partisanes pourra préserver le pays du chaos social dont il est menacé. L’heure est à la défense d’une laïcité bienveillante mais sans complaisance, sans aucun passe-droit ni favoritisme nous déclare Rachid Kaci dans les dernières pages de cet ouvrage qui ne laisse pas indifférent.
Noëlle Bantreil Voisin © Clionautes