Constance d’Antioche, fille de Bohémond II, prince d’Antioche, est la nouvelle « reine » choisie par les éditions Delcourt pour leur collection, « Les Reines de sang ». Elle rejoint des femmes illustres : Aliénor (présente dans ce tome également), Catherine de Médicis, Cléopâtre…

Ce premier tome (un deuxième est annoncé, mais sans date précise) est scénarisé par Jean-Pierre Pécau, ancien professeur d’histoire, reconverti dans les jeux de rôle et la bande dessinée. Parmi ses œuvres, les plus reconnues sont L’Histoire secrète et la série Jour J, série d’uchronies dont il est à l’origine et qui compte aujourd’hui presque quarante tomes. Il est accompagné au dessin par Gabriele Parma, qui a notamment travaillé pour la série L’Histoire pour les nuls en BD. Il est à souligner dès à présent la qualité des dessins, avec une mention particulière à la chaleur qui se dégage des couleurs utilisées.

Le parti pris est de démarrer à la mort du père de Constance, en 1130, pour terminer en 1149, à la mort de son premier époux, Raymond de Poitiers. 20 ans d’une première vie tellement riche en rebondissements, en intrigues, qu’il faut reconnaître aux auteurs l’idée de découper cela en plusieurs tomes. Car Constance est l’actrice, certes parfois contre sa volonté, d’événements multiples: les croisades, la défense des États latins face aux menaces grecque et musulmane, mais aussi face aux trahisons entre chrétiens; les relations épouvantables entre elle et sa mère, Alix de Jérusalem, entre cette dernière et son père, roi de Jérusalem, Baudouin de Rethel.

Brinquebalée entre une enfance recluse, une envie d’émancipation et de revanche, les privations de sa mère, son rôle de princesse et ses devoirs de maternité (une fois mariée), Constance se démarque, à travers le portrait dressé par Jean-Pierre Pécau, par son caractère, son intelligence, sa connaissance des lieux, des pratiques, des mœurs. Surtout, son enfance, son adolescence et sa jeune vie d’adulte nous font pénétrer des intrigues complexes mais totalement lisibles par la qualité des dialogues et la voix de Constance qui agit tout au long de la BD comme une voix off.

Constance est un poulain, un enfant né en Terre sainte. A ce titre, l’œuvre nous offre une plongée sur cette notion de middle ground développée par Florian Besson, notion qui cherche à montrer la complexité des relations entre différentes communautés au sein des terres levantines. Apparaissent, pêle-mêle, les minorités grecques comme les Arméniens ou les minorités musulmanes comme les Nizarites. Sont traitées des questions comme celles des transferts culturels et des décalages idéologique et culturel entre poulains et nouveaux croisés venus d’Europe.

Jean-Pierre Pécau nous offre donc une œuvre riche, dense, complexe, à l’image de ces terres de croisade et de la vie de son héroïne. Le tome II, annoncé, est attendu avec impatience, en espérant qu’il soit du même acabit que celui qui nous a été proposé ici.


Mathieu Henry, pour Les Clionautes