La collection Ils ont fait l’histoire proposée par Glénat en partenariat avec Fayard, s’est enrichie d’un nouveau volume au mois de novembre consacré à Mussolini. Il a pour auteur au scénario Luca Blengino et Davide Goy tandis que le dessin est réalisé par Andrea Meloni. Une historienne et pas des moindres fait office de consultante afin de vérifier la cohérence et l’aspect scientifique de l’album : Catherine Brice, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Est Créteil et spécialiste de l’histoire de l’Italie contemporaine.

Toute bande dessinée étant limitée par son nombre de pages, il est évident que tous les aspects du règne de Mussolini ne peuvent être abordés. Les auteurs, conscients de leurs limites imposées, ont fait un choix délibéré : se recentrer sur les réalisations internes du Duce et sa volonté de faire de Rome, la Ville éternelle, le centre de son pouvoir et sa cité idéale, moderne, comme le montre son attachement aux divers projets de rénovation de la capitale italienne.  Ce choix s’accompagne comme il se doit pour ce type de BD d’un dossier pédagogique clair et solide de 8 pages comprenant une biographie du Duce et une présentation des grands axes de sa politique et leurs atrocités, une carte de la Rome et de l’Italie fasciste, ainsi qu’un mot sur le making of de l’album.

L’album débute le 30 octobre 1922, au moment où Victor Emmanuel III s’entretient avec Mussolini, qui vient d’être nommé Premier ministre, sur la constitution du gouvernement. Le lendemain montre une population italienne observant les chemises noires défiler dans les rues, partagée entre les dubitatifs et ceux qui voient en Mussolini, le garant de l’ordre dans une Italie déchirée politiquement.

Le scénario s’appuie sur des discours et des échanges authentiques : des extraits de ceux prononcés par Mussolini, en particulier celui du 21 avril 1924. Les passes d’armes à l’Assemblée nationale entre le député socialiste Giacomo Matteotti contre les députés fascistes précédent son assassinat sont également l’un des temps forts de l’album tout comme la reprise d’extraits du discours du 3 janvier 1925 où Mussolini décide d’assumer à lui « seul la responsabilité politique, moral historique de tout ce qui est arrivé ». Mais c’est avant tout la transformation de Rome, qui va de pair avec l’effondrement de la démocratie, qui est mise en avant avec le fameux projet de transformation du quartier Esposizione Universale di Roma (E42) conçu pour devenir la vitrine architecturale du fascisme à l’occasion de l’exposition universelle de 1942. Pour autant les autres axes de la politique fasciste ne sont pas occultés :  les accords du Latran pacifiant les relations avec l’Église, la politique extérieure avec la conquête de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, le rapprochement avec Hitler et sa visite le 6 mai 1938 sont évoquée. La Seconde Guerre mondiale n’est pas le cœur de l’album et fait office d’épilogue en se résumant à la chute de Mussolini en 1943. La Rome éternelle se fait alors narratrice, la Rome éternelle qui « se réveille après 20 ans d’un rêve [qu’il] a séquestré », une Rome consciente d’avoir survécu une nouvelle fois à la barbarie depuis sa fondation légendaire par Romulus et Rémus.

L’album n’occulte pas non plus le rôle joué par Margherita Sarfatti l’épouse de Mussolini sensible aux arts et qui l’influence directement dans ce dernier domaine. On peut regretter à ce titre qu’une page du dossier pédagogique ne lui ai pas été consacrée afin d’approfondir son apport dans la mesure où le récit privilégie les réalisations artistiques du fascisme.

Graphiquement, cet album est une réussite. Il s’appuie de manière évidente et pertinente sur les archives photographiques de l’époque, et on reconnait sans peine, des images de Rome qui ont servi d’inspiration mais aussi des images de propagandes en particulier celle montrant Mussolini engagé dans la bataille du blé.

A ces titres divers, cet album qui constitue une première approche du fascisme saura trouver sa place autant dans les bibliothèques personnelles que dans les CDI.