Vincent Adoumié : un historien pédagogue au service de ses élèves
Spécialiste de l’histoire sociale et culturelle de la France contemporaine, Vincent Adoumié est agrégé d’histoire (1987), de géographie (1989) et docteur en histoire (1993). Il enseigne depuis 2004 comme professeur de chaire supérieure en Première supérieure (Khâgne) en classes préparatoires au lycée Dumont-d’Urville à Toulon.
Outre quelques publications universitaires (répertoriées au CNRS), il a par ailleurs dirigé ou contribué à la rédaction de plusieurs manuels d’histoire pour classes de collège ainsi qu’à un ouvrage sur la préparation au CAPES d’histoire et de géographie. De plus, outre l’ouvrage De la République à l’État français 1918-1944, (Éditeur : Hachette Collection : Carré Histoire) paru en 2005, il a également publié chez le même éditeur et dans la même collection De la monarchie à la république (1815-1879).
De la république à l’Etat français (1918-1944) : une 2e édition revue et augmentée (aux marges)
L’ouvrage présenté (publié en 2013) est la 2e édition revue et augmentée de la première version parue en 2005. D’après notre observation, le texte en lui-même n’a subi aucun changement. En revanche, la 2e édition a bien été revue et augmentée concernant uniquement la bibliographie sélective. En effet, l’auteur a tenu compte « depuis quelques années, (de) la généralisation d’Internet (qui) a profondément modifié l’accès à l’information, entraînant un décalage de plus en plus marqué entre les consignes d’un enseignement universitaire resté classique (les sources imprimées sont toujours privilégiées) et la pratique des étudiants (utiliser systématiquement les ressources en ligne). (p. 244) ». Par conséquent, après ce constat lucide et issu de son expérience d’enseignant, l’auteur présente les ressources en ligne comme les encyclopédies en ligne (Wikipédia, Larousse et Universalis), quelques sites spécialisés (le site « L’histoire en ligne, » les archives de l’INA et le site « Hérodote ») ainsi que les sites incontournables pour l’historien (le site de la BNF, le site Persée et le site « Archives.org ») (p. 244-245).
Ce qui veut dire que la bibliographie sélective de 2013 (consacrée aux ressources « papier » ou au format numérique) a subi quelques transformations par rapport à celle de 2005. Très concrètement, des titres « ressources papier » ont disparu du texte de 2013 (comme par exemple, les synthèses de Fabrice ABBAD, Olivier DARD et Yves DURAND) au profit d’ouvrages plus récents (comme la synthèse sur 1940 de Jean-Pierre AZEMA, paru au Seuil, en 2012). Néanmoins, Très complet, avec pour annexe la liste (commentée) des gouvernements français de 1917 à 1944, une chronologie (non commentée) de 1918 à 1945 et de très nombreux documents (une quarantaine) contenant des cartes, des tableaux, des graphiques, ou des schémas qui, dans le corps du texte, viennent illustrer et synthétiser avec clarté la réflexion (malheureusement, au contraire des textes systématiquement sourcés, les cartes, tableaux, graphiques ou schémas ne le sont pas toujours !). Malheureusement, il est à déplorer quelques erreurs trouvées dans la table des matières (qui reprend le titre de documents pour les inclure comme des éléments de chapitres dans la table des matières !!!), imputables à l’éditeur. Cependant, bien qu’académique, le texte de Vincent ADOUMIE est à la hauteur de son ambition. Néanmoins, le contenu n’a pas été revu à la lumière des derniers ouvrages et travaux universitaires sur la période 1918-1944 publiée entre 2005 et 2012.
Introduction : La France et les Français en 1918
Dans son introduction, l’auteur fait le portrait d’une France exsangue (avec une saignée démographique sans précédent, un territoire meurtri et une économie à reconstruire suite à la Première Guerre mondiale). Néanmoins, la France est confortée avec le triomphe d’une nation, la pérennisation d’un régime politique (celui de la IIIe République) mais qui glisse vers la droite de l’échiquier politique. De plus, la société française est bloquée et inquiète car une nouvelle génération d’individus est marquée au fer rouge par la guerre qui vient de s’achever, les tensions sociales qui se poursuivent (grèves de 1920), l’apparition de nouveaux affrontements idéologiques (l’installation du bolchevisme avec la création de la SFIC en décembre 1920, au congrès SFIO de Tours) et le doute intellectuel et l’exutoire artistique consécutifs aux traumatismes de la « Grande Guerre ».
Partie I : les rythmes de la vie politique (1919-1944)
Cette première partie, entièrement chronologique, resitue les différents moments qu’a connus la société française sur le plan politique.
1. La droite et la gauche en échec (1919-1926) : Cette période est marquée par des incertitudes politiques avec la renaissance paradoxale de la droite, des radicaux « coincés » entre gauche et droite et des socialistes SFIO à la recherche d’une nouvelle identité. Chronologiquement, l’auteur revient sur les difficultés du Bloc national (1919-1924) avec l’impossibilité de gouverner au centre (1919-1924) et le retour manqué de la gauche (1924-1926) avec les illusions du Cartel des gauches et le fameux « mur d’argent ».
2. Le sursaut Poincaré (1926-1929) : Ce chapitre retrace les réalités et les contradictions de l’Union nationale. En effet, c’est l’arrivée au pouvoir de Raymond Poincaré considéré comme l’homme providentiel et de la révélation de l’Union nationale comme un mirage politique. Néanmoins, l’arrivée de Poincaré comme Président du Conseil permet une accalmie financière et politique avec le retour de la confiance, l’éphémère retour d’un consensus national.
3. La république en péril (1929-1934) : Avec ce chapitre, Vincent ADOUMIE pose la problématique : Confusion politique ou renouvellement idéologique ? L’auteur revient sur la gauche écartelée entre divisions et interrogations et le glissement de la droite vers l’antiparlementarisme. C’est la faillite des modérés (1929-1932) avec le retour de l’instabilité ministérielle puis les expériences Tardieu (à la recherche d’un nouveau style de gouvernement) et Laval (figure centrale de la vie politique des années 1930) et, enfin, le premier crépuscule du radicalisme (1932-1934) marqué par les élections législatives de mai 1932 et le choc politique du 6 février 1934.
4. Le temps du Front populaire (1934-1939) : De février 1934 à mai 1936, nous assistons à la naissance d’une nouvelle gauche (?) puis à la paralysie gouvernementales des droites puis à la victoire électorale de la gauche du printemps 1936. De juin 1936 à juin 1937, c’est la mise en place du gouvernement de Front populaire puis l’effervescence de l’été 1936 jusqu’au dérèglement et à la crise du Front populaire. Enfin, de juillet 1937 à septembre 1939, le Front populaire se disloque et le radicalisme connaît son second crépuscule avec le gouvernement Daladier.
5. La république naufragée (1939-1944) : L’auteur décrit la mise en place de l’Etat français qui va de la « drôle de guerre » à la défaite du printemps 1940 et le sabordage de la république parlementaire durant l’été 1940. Le temps du pétainisme (1940-1942) est marqué par la mise en place chaotique de « l’ordre nouveau » et la difficile naissance de la France du refus du pétainisme. Les dérives fascistes (1942-1944) coïncident avec la politique de collaboration à outrance de Pierre Laval puis la montée des oppositions et, enfin, par la disparition du régime de Vichy.
Partie II : la France et les Français (1919-1944)
Cette deuxième partie, entièrement thématique et diachronique, est une étude en profondeur de la société française.
6. De la croissance à la crise : De l’anémie démographique à la difficile marche vers la modernité économique (le bilan contrasté des « Dix Glorieuses » (1919-1930) en passant aux années sombres puis aux années noires (1930-1944).
7. La fin d’un monde : L’évolution contrastée des bourgeoisies avec la pérennisation des valeurs bourgeoises et le renforcement des classes dirigeantes sans oublier le désarroi des classes moyennes. Le malaise de la France des « petits » se caractérise par les difficultés et les espoirs du monde ouvrier et la crise d’identité du monde rural.
8. Le désarroi des savoirs et des croyances : L’obsession du déclin se traduit par le renouveau limité de la pensée française et par des sciences qui oscillent entre assoupissement et fulgurances. La crise de l’école se manifeste par la stabilité de l’enseignement primaire et par la question suivante : quel enseignement secondaire veulent les dirigeants pour la France ? La période est également marquée par les évolutions du catholicisme qui se caractérisent par les succès mais aussi par les limites d’un catholicisme d’action. Néanmoins, l’Eglise a des relations ambiguës avec le régime de Vichy.
9. La vitalité culturelle : Le paradoxe des années « folles » se distingue par le rôle prépondérant de Paris et par les désordres et unité (le surréalisme, l’esprit NRF, etc…). Les ambiguïtés culturelles de l’Occupation se partagent entre les bouleversements et la censure allemande ou pétainiste, en passant par la création de la mode des zazous et la lumière du cinéma des années noires (Les enfants du paradis de Marcel Carné). C’est aussi l’essor de la culture de masse avec le début de l’ère des médias (développement de la presse et magazines, de la radio et l’âge d’or du cinéma français) et de nouveaux comportements culturels (avec le sport).
10. La mort d’une puissance : Les illusions du traité de Versailles (1919-1933) avec les désillusions du nouvel ordre international incarné par la SDN (Société Des Nations) et les limites de l’esprit de Genève. De la décadence à la mort (1934-1944), cette période est marquée successivement par le désarroi français, la France à la remorque de l’Angleterre (la politique de non-intervention pendant la Guerre d’Espagne) et la France aux ordres de l’Allemagne nazie pendant l’Occupation.
Conclusion :
La France de l’Entre-deux-guerres : une puissance considérable mais moyenne
La période 1918-1944 est la plus contrastée de notre histoire : d’un côté une France victorieuse qui croit avoir retrouvé son rang de grande puissance. De l’autre des Français hantés par le spectre du déclin, conscients d’assister à l’agonie d’un système politique incapable de se réformer. Pourtant ces années noires sont aussi celles d’un intense rayonnement culturel et portent en elles la renaissance d’un modèle politique et social original qui est encore le nôtre. Dans ces conditions, l’Entre-deux-guerres apparaît surtout comme une douloureuse crise d’ajustement entre ce que la France croyait encore être et ce qu’elle était déjà devenue.
S’appuyant sur les derniers apports et les éléments les plus novateurs de la recherche, ce manuel se veut une synthèse claire et accessible, indispensable aux étudiants en histoire, aux élèves des classes préparatoires et des IEP, aux candidats aux concours de recrutement et aux enseignants.